Comment faire baisser significativement les accidents du travail chez Acorus, entreprise de rénovation immobilière ? Son président a mené l’enquête auprès des salariés concernés avant de définir un plan d’action.
Date : 24/11/2023
Fabienne Leroy
© Acorus
Philippe Benquet, le président du groupe Acorus(1), prend aujourd’hui le sujet de la prévention à bras-le-corps : il s’est donné pour mission de réduire drastiquement le nombre des accidents du travail sur les chantiers de l’entreprise.
Spécialisé dans l’éco-rénovation (265 millions d’euros de CA en 2022), Acorus compte 1 600 salariés dont 1 000 techniciens issus d’une vingtaine de corps d’état intégrés en interne. Seuls quelques métiers échappent à ses compétences (voiries réseaux divers – VRD – ou spécialités, comme le travail du marbre ou de la peinture décorative). Le nombre de jours d’arrêts de travail, même en forte diminution, préoccupe le dirigeant.
« En 2013, nous avons tout d’abord axé nos efforts sur le sujet de la qualité et des délais car nous ne sommes jamais bons dans notre secteur, dans la mesure où il y a toujours des réserves sur les chantiers », explique Philippe Benquet. En s’inspirant du Lean management, Acorus a obtenu des résultats satisfaisants. Principe retenu : donner davantage d’autonomie aux équipes pour résoudre les problèmes in situ et supprimer le phénomène des réserves.
Une méthode que le dirigeant a voulu appliquer dans le domaine des accidents du travail. En effet, en proposant davantage d’autonomie aux salariés et en mettant en place divers dispositifs (comme le choix de leurs EPI, des formations ou l’éveil musculaire), Philippe Benquet pensait pouvoir réduire drastiquement son taux d’AT. « C’est une frustration pour moi, car il y a toujours beaucoup d’accidents alors que je ne demande pas aux équipes de se mettre en danger, bien au contraire ! », regrette le dirigeant.
Profil de l'entreprise
En 2013, nous avons tout d’abord axé nos efforts sur le sujet de la qualité et des délais car nous ne sommes jamais bons dans notre secteur, dans la mesure où il y a toujours des réserves sur les chantiers
Toutefois, le nombre d’accidents du travail a beaucoup diminué chez Acorus. Conséquence : l’entreprise qui dénombrait 8 000 jours d’arrêt en 2020, en a recensé 6 000 en 2021 puis 4 000 en 2022. Mais depuis 2023, ce chiffre stagne. « Certes, nos accidents sont généralement peu graves et limités à quelques types qui vont de la coupure à l’entorse en passant par le blocage du dos », reprend Philippe Benquet.
« Pourquoi la fréquence d’accident reste-t-elle élevée ? Et pourquoi, sont-ce toujours les mêmes ? », se demande le patron d’Acorus, qui travaille sur le sujet avec le CSE (voir encadré). Faute de réponse satisfaisante et pour comprendre pourquoi ses compagnons se blessent au travail, Philippe Benquet a décidé d’appeler chacun des salariés victimes d’un accident récent.
Après avoir informé l’ensemble du personnel dans un Live chat sur Youtube (une réunion hebdomadaire regardée en direct ou en replay), le chef d’entreprise a commencé à enquêter.
Le CSE et l'encadrement impliqués dans la démarche de prévention
Certes, nos accidents sont généralement peu graves et limités à quelques types qui vont de la coupure à l’entorse en passant par le blocage du dos
Que ressort-il des appels (douze au total) ? 100 % des accidentés considèrent que l’accident était inévitable et qu’ils avaient tous pris suffisamment de précautions (en portant des gants, en sécurisant leur zone d’intervention…). À noter que c’était le premier accident du travail pour la grande majorité d’entre eux. Au bout de quelques minutes de discussion, les salariés admettent toutefois que l’entreprise et eux-mêmes, auraient pu faire mieux et/ou autrement.
Philippe Benquet s’aperçoit également que les encadrants de chantier sont désarçonnés devant l’ampleur de ces accidents trop nombreux. « La discussion avec leurs gars n’a pas été la même que la mienne », constate le dirigeant qui réalise que la méthode de l’autonomie a ses limites et qu’il faut proposer un véritable accompagnement en matière de prévention. Exemple cité : si trois personnes sur quatre disent porter leurs gants, il s’agit souvent de gants de manipulation mais pas de gants anti-coupures, pourtant requis lors des travaux de menuiserie.
Les réunions et outils de communication du groupe
La discussion avec leurs gars n’a pas été la même que la mienne
Après ses enquêtes téléphoniques, le dirigeant d’Acorus a décidé de changer de braquet en matière de prévention. « Aujourd’hui, parce qu’ils sont considérés comme « petits », un grand nombre d’accidents du travail passent sous le radar. Or, chaque AT doit être considéré comme important car il aurait pu être beaucoup plus grave. Il faut que nous en soyons tous collectivement convaincus et remettre en perspective que nous en avons beaucoup trop », explique-t-il. Une politique qui s’appuiera sur l’exemplarité, la sensibilisation et la formation des équipes.
Autre levier pour agir : les rappels plus formels sur le port des EPI et des équipements de protection qui pourront s’accompagner de sanctions. « Certains faits et gestes ne seront plus du tout acceptés car notre but est de faire changer les mentalités », reprend Philippe Benquet.
Le responsable n’exclut d’ailleurs pas d’intégrer des éléments incitatifs, liés à la diminution du taux d’accident en entreprise, dans les primes d’intéressement des équipes. Des méthodes déjà appliquées dans le secteur de l’industrie mais aussi du BTP et dont certaines semblent avoir porté leurs fruits.
(1) Acorus, entreprise d’éco-rénovation, a été créée en 1996 et reprise en 2010 par Philippe Benquet, président de cette ETI en forte croissance (265 millions d’euros de CA en 2022). Acorus intervient sur les passoires thermiques, à 70 % dans le logement (40 % avec les bailleurs sociaux et 30 % dans les copropriétés) mais aussi dans le tertiaire et les bâtiments publics.
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