Des relais ergonomie en entreprise : pour quoi faire ?
Les « relais ergo », présentés lors de la 9e Journée d’échanges sur les pratiques en ergonomie dans le BTP, visent à sensibiliser les acteurs de terrain à cette discipline afin qu’elle s’installe sur les chantiers, dans les process et dans les habitudes de chacun.
Date de mise à jour : 23 juil. 2024
Auteur : Cendrine Barruyer
©DR
« Ne pas réduire l’ergonomie à la forme d’une poignée. » D’emblée, dans son introduction à la 9e Journée d’échanges sur les pratiques en ergonomie dans le BTP, Christine Deneuvillers, responsable du pôle Risques à l’OPPBTP donne le La. L’ergonomie, discipline récente, peine encore à être connue et reconnue, particulièrement dans le BTP. Elle est souvent réduite à l'étude de l'activité physique ou de l'utilisabilité d'un outil, ou considérée comme une forme de bon sens par méconnaissance de ses fondements scientifiques. Il y a donc un travail à faire pour qu’elle se diffuse dans l’ensemble du monde du travail.
Quid du BTP ? Comment renforcer la place de l’ergonomie dans ce secteur où les contraintes liées au travail, pas seulement physiques, restent très présentes. C’est à cette question que répondent les « relais ergo » qui se mettent en place progressivement dans diverses structures.
Plusieurs expériences ont été présentées le 28 mai lors de la Journée d’échanges sur les pratiques en ergonomie dans le BTP. L'un des points forts de la journée a été la présentation de diverses expériences de type « relais ergo ». Chez Bouygues Bâtiment France, où ces relais existent depuis huit ans, tout se décline à partir d’une feuille de route. En pratique, les préventeurs sont formés à utiliser sur le terrain un outil simple, KizErgo, consistant à observer une tâche pendant 20 minutes avant de la coter suivant différents facteurs de pénibilité (posture, encombrement du poste, manutention…). Tous les KizErgo menés par les préventeurs remontent ensuite au pôle ergonomie où ils sont analysés. « Cela oriente nos axes de travail », indique Armelle Delas, responsable du pôle ergonomie chez Bouygues Bâtiment France. La seconde dimension forte des « relais ergo » vise à « démocratiser l’ergonomie pour que chacun à son niveau puisse être acteur de la transformation du travail. »
Cartographie des activités
S’ils portent un autre nom, relais Méca, les « relais ergo » existent également chez Vinci Construction pour ses activités Bâtiment France et Génie Civil France. Leur apparition, plus récente, est intégrée dans une démarche globale appelée Méca : Méthode d’évaluation des contraintes de l’activité. Celle-ci se décline en plusieurs étapes. Tout d’abord une cartographie du coût des activités d’un point de vue biomécanique : « Cela permet d’avoir un premier aperçu des contraintes uniquement d’un point de vue postural et articulaire. Dans un second temps, en complément des premières observations réalisées, est proposée une intervention ergonomique portant un regard pluridisciplinaire sur les situations de travail les plus à risques », indique Tanguy Loubière, responsable Ergonomie chez Vinci Construction. Les relais Méca forment un véritable réseau de personnes sensibilisées à la prévention des TMS et à l’approche ergonomique des situations de travail. Une première promotion a d’ores et déjà été formée.
Démultiplier le regard ergonomique
Une troisième approche a été développée par la société Equans qui, avec l’aide du cabinet ID.QUATION, propose des parcours de formation de ses relais sur cinq jours. Deux jours au cours desquels sont exposées quelques bases en ergonomie en lien avec le contexte dans lequel ils évoluent. Un jour sur le terrain. Un quatrième jour de retour d’expérience pour analyser sa propre position d’observateur et enfin un dernier jour pour apprendre à être « ambassadeur » de cette approche.
Chacune des trois expériences partagées présente des forces et des faiblesses. Du côté des atouts de ces expériences, le fait qu’elles permettent de démultiplier le regard ergonomique dans des structures qui ne disposent que de quelques ergonomes. Grâce aux « relais », la démarche ergo est mieux connue, comprise et partagée. Ce réseau d'acteurs de terrain contribue à la cartographie des situations à problèmes, et permet d’impulser des actions de premier niveau. Pour autant, on ne devient pas ergonome en une simple formation, notent les intervenants. Par ailleurs, les différents outils de sensibilisation pourraient exposer au risque de faire un effet loupe sur la tâche analysée sans prendre en compte les temps de pause, la rotation des activités et l’organisation générale du chantier. Sans oublier les biais liés à l’observateur. Laurent Ranucci, référent santé et ergonomie chez Equans, constate ainsi que lors des exercices de cotation, les stagiaires ont « tous la même grille, tous la même vidéo et tous les mêmes temps de visionnage ». Les résultats sont souvent différents, ce qui est logique et ce phénomène est anticipé avec un système de cotation qui est en réalité semi-automatique, basé sur la capture de mouvements (motion capture).
Après huit années d’expérimentation, Armelle Delas constate que les relais ergo ont globalement atteint leur objectif en permettant notamment un « partage des bonnes pratiques, une fluidification des messages portés par le pôle ergo, une responsabilité de chacun des acteurs à la prise en compte de l’ergonomie dans son métier ». Même si ces outils ne sont pas parfaits et demeurent améliorables, ils aident à diffuser une approche ergo dans un secteur où les préventeurs sont bien souvent plus focalisés sur la sécurité que sur le bien-être et la santé. En espérant que, à l’avenir, ces relais resteront le bras armé des pôles ergonomie et qu’ils ne viendront pas à prendre la place de ces derniers.