Un jeu vidéo destiné aux CAP et aux brevets professionnels des métiers du BTP accélèrera bientôt l’apprentissage des règles de sécurité et de prévention des risques sur les chantiers.
Date : 16/01/2025
Hubert Heulot
Un ultime développement commence fin janvier. Après trois ans d’élaboration, le jeu vidéo devrait être prêt et mis entre les mains des professeurs dans la seconde moitié de l’année. Son nom ? « Objectif sécurité ». Il aura coûté un peu plus de 130 000 euros mais il devrait faciliter la tâche des enseignants.
« L’apprenti, en jouant et rejouant sur son écran ou son téléphone, parce que c’est plaisant, acquiert seul les connaissances de base de la sécurité. Le formateur pourra alors se concentrer sur le débriefing de ce qu’il a fait et sur son accompagnement pour aller plus loin dans la gestion des situations reconstituées de la vie réelle sur les chantiers. L’apprenti est en position de coordonnateur sécurité et protection de la santé, CSPS, donc de décideur, mais il doit en plus tenir compte des moyens à sa disposition en personnel, en budget. Pourquoi autant d’accidents arrivent encore, bien qu’on connaisse les règles ? Souvent faute de disposer des moyens concrets de les appliquer. Alors, pour en décider, mieux vaut apprendre à évaluer leurs incidences », résume Florent Teyras, directeur des opérations chez My Serious Game, société de conception de jeu vidéo, basée à Tours.
Une première version du jeu a été testée au CFA de Blois au printemps dernier. Celui-ci fait partie des CFA du Val de Loire qui avaient été retenus pour le créer à la suite d’un appel à projets du CCCA-BTP (Comité de concertation et de coordination de l'apprentissage du bâtiment et des travaux publics). Une fois validée, il a été décidé en juillet d'augmenter cette version pour viser un public plus large.
« Le jeu va être sonorisé pour pouvoir être compris de jeunes, de plus en plus nombreux dans notre secteur, qui n’ont pas la vitesse nécessaire de lecture du français. Des comédiens vont doubler les réponses n’apparaissant jusqu’ici que sous forme de textes, comme des sous-titrages », explique Sabine Basset, directrice adjointe en charge de la pédagogie au CFA de Bois et pilote du projet. Deuxième ajout, le jeu va être porté au niveau plus élevé que le CAP, des candidats à un brevet professionnel. Donc un quatrième quartier dans la ville fictive va s’ajouter où interviendra un corps de métier particulier, installateur sanitaire et thermique, confronté à des questions plus pointues de sécurité et de prévention des risques.
Le jeu prend la forme d’une sorte de promenade, après 10 minutes de présentation de la ville et du rôle à joueur. Il parcourt différents chantiers, une maison en construction, une école à rénover, un jardin public à aménager, une rue à équiper de ses réseaux. Il rencontre les corps de métiers. Il peut les interroger. Il a à traiter les situations à risques. Mais les solutions qu’il trouve ont aussi des conséquences sur la trésorerie de l’entreprise, sur les délais du chantier, voire en termes de risques juridiques et même de réputation de l’entreprise. Ces aléas multiplient le champ des solutions et ouvrent la voie pour le joueur à rejouer et pour le formateur à susciter chez lui des questionnements.
Ces possibles, Mickaël Le Thiec, les a imaginés et scénarisés. Il est formateur au CFA BTP de Blois et spécialiste de la pédagogie autour du jeu vidéo. Délégué sur le projet, il est devenu coconcepteur du jeu avec My Serious Game. « Mon rôle a été de faire le tour des problèmes et des solutions. Comme dans une réunion de chantier. Au départ l’apprentissage des règles suppose la répétition et vous apprenez d’autant mieux que l’envie est là, apportée par l’aspect ludique du jeu vidéo. Ensuite, la compétence vient avec l’expérience et le jeu vidéo est un créateur d’expériences. J’enseigne de cette manière en BTS. Les élèves me disent qu’avec moi, ils ne sont plus en cours. C’est le plus beau compliment qu’ils peuvent me faire. Pourtant lors des examens, mes collègues saluent leur niveau. »
Pratiqué en continu, le jeu peut durer une heure et jusqu’à quatre en explorant toutes ses complexités. Pour Florent Teyras, il transforme le métier de formateur en le libérant de la transmission et de la vérification des connaissances. Celle-ci est automatique. Sinon, un joueur qui répète les mêmes erreurs n’avance pas. Le cœur du métier d’enseignant devient le suivi individuel de chaque élève et le développement de sa compétence, en quelque sorte « sur le tas ».
Après un démarrage dans les CFA du Val de Loire, « Objectif sécurité » sera mis à la disposition de tous les CFA de France.
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