Intelligence artificielle : quels bénéfices en santé et sécurité au travail ?
Comment faire de l'intelligence artificielle un allié de la prévention des risques ? Un groupe de travail de prospective, piloté par l'INRS, a réfléchi au sujet et publié ses pistes d'action ainsi que les points de vigilance à retenir pour une bonne utilisation de l'IA en santé et sécurité au travail.
Date de mise à jour : 15 déc. 2022
Auteur : Virginie Leblanc
©Yuichiro Chino / Getty Images
L'intelligence artificielle (IA) entre progressivement dans nos vies personnelles et professionnelles. Quelles sont les opportunités et menaces pour la prévention des risques professionnels ? Dans quels domaines des avancées sont-elles possibles ? À quelles conditions ? Comment les acteurs peuvent-ils se préparer ? C'est à ces questions qu'un groupe de travail de prospective, animé par l'INRS, a souhaité répondre. Une réflexion collective visant à explorer comment des systèmes mobilisant de l'IA pourraient être utilisés à des fins d'amélioration de la santé et de la sécurité au travail (SST) à l'horizon 2035.
Le résultat de cette réflexion est publié sur le site de l'INRS et a fait l'objet d'un webinaire le 18 novembre 2022.
Les avancées de l’IA sont potentiellement porteuses d’usages divers en santé et sécurité au travail. Au-delà de la détection et de l’alerte, « on doit attendre de ces dispositifs qu’ils fournissent des informations utiles à l’élaboration de mesures de prévention durables (organisationnelles) ; cela implique une exploitation par des personnes en capacité de les analyser », indique le document de synthèse des travaux.
Évaluation systématique pour éviter d'autres risques
Au bénéfice de la prévention, les experts citent le cas des dispositifs de téléopération et de robotique collaborative qui peuvent atténuer, voire supprimer des expositions à des facteurs de risque. Précision indispensable : l’implémentation de ces dispositifs doit cependant faire l’objet d’une évaluation systématique permettant de garantir qu’ils ne génèrent pas de nouveaux risques, comme l'intensification du travail ou la perte de sens… « De façon générale, un usage inadapté, détourné ou l’absence d’une réflexion préalable sur l’organisation de l’intégration de ces nouvelles technologies, pourrait conduire à des effets délétères en matière de SST. »
L’usage de l’IA en SST pose aussi la question des outils de surveillance des travailleurs et d’alerte lorsque les conditions d’un travail en sécurité ne sont pas remplies. Cette surveillance permanente peut générer des risques psychosociaux (RPS) et conduire également à une individualisation de la SST et à une responsabilisation exclusive du travailleur au détriment de la mise en place par l’employeur de mesures de prévention collectives, prévient le document.
Intelligence artificielle : attention aux aléas
Les accidents du travail surviennent fréquemment lors de situations atypiques par rapport au déroulement classique d’un processus de production : situations dégradées, pannes, opérations de maintenance… Ces situations sont souvent imprévues, donc non anticipées dans les procédures, ce qui les rend particulièrement dangereuses, alerte le document. Elles constituent ainsi une limite possible à l'entraînement des systèmes d’IA, les jeux de données nécessaires n’étant pas en mesure d’intégrer de manière exhaustive la palette des aléas qui peuvent survenir dans de nombreux contextes de travail (chantiers, grands sites industriels, travaux sur la voie publique…).
Mesurer les conséquences sur l'organisation
La formation des acteurs de la prévention (employeurs, représentants du personnel, préventeurs) constitue un enjeu primordial de l’intégration à venir de l’IA aux équipements de travail et aux solutions de prévention.
Par ailleurs, les experts estiment qu'il convient de promouvoir auprès des entreprises les démarches reposant sur l’expérimentation et l’évaluation qui permettent de mesurer en conditions réelles les conséquences des nouveaux systèmes sur l’organisation de l’entreprise et sur le travail des opérateurs, et de conserver une possibilité de revenir en arrière. Une réflexion collective (de type conférence de consensus) devra être menée sur la question des données utilisées dans des dispositifs d’IA touchant à la SST.