Entreprise Formdetoit : bâtir et transmettre, deux activités, une même dynamique
Le gérant de la jeune entreprise Formdetoit a créé en parallèle l'Académie de la Hauteur, un organisme de formation dédié aux risques de chute de hauteur. Reportage.
Date de mise à jour : 17 août 2021
Auteur : Thierry Beaurepère
©Jean-Baptiste Vetter
- Identité : Formdetoit et Académie de la Hauteur
- Activité : couverture zinguerie et formation
- Création : 2017
- Chiffre d’affaires : 550 000 euros
- Nombre de salariés : 6
- Lieu : Eschau (Bas-Rhin)
- Conseillère en prévention : Cécile Legendre
- Site : formdetoit.fr et academiedelahauteur.fr
Un toit de tuiles aux pentes asymétriques, une structure tubulaire de plusieurs mètres de haut conçue avec le bureau d’études d’Altrad… Sur l’un et sur l’autre, des personnes équipées de baudriers, encordées comme des alpinistes. En entrant dans le bâtiment situé à Eschau, près de Strasbourg, on peut s’imaginer pénétrer dans un parc accrobranches indoor. Mais ici, on ne s’amuse pas ! Quelques salariés de la société Hild y suivent une formation, pour apprendre les bons modes opératoires du travail en hauteur.
À deux pas de là, dans les bureaux aménagés dans une autre partie de l’immeuble, Maryan Lhuillier fait le point sur l’avancée d’un chantier : la rénovation de la toiture d’une maison, dans le quartier strasbourgeois de La Meinau. À 37ans, il voit la vie en double. Il dirige l’entreprise de couverture-zinguerie Formdetoit, qui a pour référence quelques belles réalisations, comme des réfections de toitures dans un secteur sauvegardé de Strasbourg. Tuiles Biberschwanz (en « queue de castor », une spécialité alsacienne) ou ardoises n’ont plus de secrets pour lui ! En parallèle, il est responsable de l’organisme Académie de la Hauteur, qui forme au métier de la couverture-zinguerie et aux risques de chute de hauteur (pour les couvreurs, charpentiers, électriciens, peintres…), avec pour partenaire l’OPPBTP.
- Un savoir-faire complet : tuile, ardoise, zinc, cuivre…
- Une double casquette : artisan et formateur.
Article paru dans le magazine Prévention BTP n°253 de juillet-août 2021, pages 22-25.
Favoriser le bien-être au travail
Une seule structure et deux activités, pour mieux avancer… Car la tête bien faite (ses deux sites internet et sa présence dynamique sur les réseaux sociaux en témoignent) et les pieds sur terre, Maryan Lhuillier ne conçoit d’avancer qu’en marchant sur deux jambes. Il aurait pu faire un autre métier, même si plus jeune, il a toujours été passionné par l’escalade et attiré par la hauteur. C’est une journée porte ouverte chez les Compagnons du Devoir qui a fait basculer sa vie. « Au-delà de mon métier de couvreur-zingueur, j’ai toujours eu pour passion de transmettre. En créant simultanément les deux structures, j’ai choisi de ne pas choisir », s’amuse le dynamique patron, pour qui la formation mais aussi la prévention sont deux évidences dans la performance des entreprises. Il croit aussi en la bienveillance et au bien-être au travail. Sans doute la conséquence des cinq années passées chez les Compagnons.
En louant ses locaux auprès de Net Concept, un spécialiste des travaux en accès difficile qui héberge d’autres PME du BTP ou spécialistes des constructions en hauteur, il trouve un cadre professionnel agréable et un écosystème propice aux échanges et à l’innovation.
Des formateurs proches du terrain
S’il voit sa double casquette comme essentielle à son équilibre personnel, Maryan Lhuillier la considère également comme nécessaire sur le plan professionnel. À ce titre, il multiplie les passerelles entre ses deux activités. Avec Mathieu Laine, également couvreur depuis vingt-trois ans, il mouille lui-même la chemise, partageant son temps entre les chantiers et les sessions de formation. À leurs côtés, deux autres personnes – un ancien cordiste et un expert des structures scéniques, qui possède aussi le magasin Blokk Shop spécialisé dans les EPI – transmettent leurs savoirs. Maryan Lhuillier, le dirigeant, fait le constat :
« Trop souvent, la formation est négligée par les entreprises, qui la voient comme une perte de temps, alors qu’elle est un important levier de performance. Pour transmettre les bons gestes et les automatismes, il est essentiel que les formateurs viennent du terrain et continuent à pratiquer leur métier. Cela permet d’entretenir leur légitimité et d’avoir un message accessible, centré sur la prévention. C’est ce qui nous différencie d’autres organismes. »
Maryan Lhuillier met aussi en avant les méthodes pédagogiques, basées sur le « faire faire », avec des exercices pratiques – de l’installation d’une ligne de vie à la sécurisation des échelles en passant par la bonne utilisation d’un harnais – qui représentent 60 à 70 % des stages. Forte de ces spécificités, l’Académie de la Hauteur a formé 400 stagiaires (5 000 heures) entre mars 2020 et mars 2021 et représente 30 % du chiffre d’affaires global. Le dirigeant aimerait qu’à l’avenir cette proportion monte à 40 %, avec un potentiel de 600 stagiaires par an. Mais l’organisme est aussi un rouage essentiel pour la formation interne des salariés et sert de laboratoire, en association avec Formdetoit, pour réfléchir à l’amélioration des conditions de travail et à la diminution des risques professionnels. Une approche gagnante-gagnante, qui a permis d’améliorer les process et la sécurité sur les chantiers et a valu au dirigeant d’être lauréat du réseau Entreprendre Alsace en 2019, dans la catégorie « créateur ».
L'Académie de la Hauteur sert aussi de "laboratoire" pour Formdetoit, dans le cadre de l'amélioration des conditions
de travail.
©Jean-Baptiste Vetter
Formdetoit met régulièrement en œuvre une recette à matériaux pour limiter les déplacements et les manutentions. Et sur les chantiers de toiture, une grue de levage est systématiquement utilisée pour hisser les matériaux. L’opération nécessite des autorisations d’occupation de la voie publique. Le surcoût, de 15 %, est compensé par l’amélioration des conditions de travail et la productivité du chantier.
Un laboratoire » pour améliorer la sécurité
Testées en situation réelle par l’entreprise, les innovations en termes de prévention peuvent ensuite être proposées aux salariés en formation.
En multipliant les synergies entre l’entreprise et l’organisme de formation logés dans un même bâtiment, Maryan Lhuillier, le dirigeant de Formdetoit, a fait de l’ensemble un duo efficace pour améliorer la prévention et la sécurité. Interview.
Maryan Lhuillier. ©Jean-Baptiste Vetter
Formé en ingénierie pédagogique, Maryan Lhuillier a parcouru la France durant cinq ans chez les Compagnons du Devoir pour développer ses compétences en couverture-zinguerie. Arrivé en Alsace en 2012, il sera chef d’équipe et conducteur de travaux chez Giessler Couverture, avant de créer Formdetoit en 2017, où il combine son désir de bâtir et son envie de transmettre.
En quoi votre démarche est-elle unique ?
Notre activité de couverture-zinguerie est un formidable laboratoire. Nous testons en réel des méthodes et innovations avec l’ensemble des collaborateurs de Formdetoit, avec une remise en question régulière pour une amélioration continue de la prévention et de la sécurité. Les sujets sont larges, depuis les garde-corps d’échafaudage MDS jusqu’aux dispositifs d’EPI. Nous pouvons ensuite proposer ces innovations aux participants de nos formations.
Avec quels résultats ?
Sur la prévention des troubles musculosquelettiques, nous avons par exemple travaillé sur le montage des échafaudages, ajouté des travées afin de stocker les matériaux à proximité et non pas dans les pieds, et réduire les déplacements. Tout le monde y gagne, les ouvriers sont moins fatigués et la performance est améliorée. Des réflexions sur l’optimisation de l’évacuation des déchets sur les chantiers sont en cours.
Quels sont vos projets ?
Je souhaite acquérir un exosquelette. Il permettra de diminuer de 30 % les masses soulevées lors des montages d’échafaudages. Conçu par Hilti, il va de l’épaule jusqu’au-dessus de la tête, et s’installe comme un sac à dos. Il sera utilisé sur nos chantiers, mais aussi dans le cadre des formations de l’Académie de la Hauteur. Le métier de couvreur est difficile, beaucoup abandonnent après quinze ou vingt ans. L’exosquelette est l’avenir du bâtiment, pour que les salariés arrivent à la retraite en bonne santé.
Pour éviter les projections, 500 m2 de filet ont été installés tout autour de l’échafaudage.
©Jean-Baptiste Vetter
Une grue de levage en début, au milieu et en fin de chantier, ainsi que des monte-matériaux facilitent l’approvisionnement.
©Jean-Baptiste Vetter
Des travées de stockage sont aménagées sur les quatre faces du chantier, limitant les manutentions et le risque de chute de plain-pied sur les planchers d’échafaudage.
©Jean-Baptiste Vetter
Au dernier niveau, des doubles garde-corps protègent des éventuelles chutes de toit.
Des doubles garde-corps sont installés au dernier niveau. ©Jean-Baptiste Vetter
Des encorbellements permettent d’effectuer des découpes et des travaux à bonne hauteur.
©Jean-Baptiste Vetter
L’écartement avec le bâtiment se limite à quelques centimètres et empêche d’y passer un pied.
©Jean-Baptiste Vetter
- Le dirigeant a construit son projet sur la complémentarité entre l’entreprise et l’organisme de formation. Il favorise ainsi l’échange et l’animation en équipe lors de réunions régulières afin de développer l’engagement des salariés et faire émerger les meilleures pratiques.
- Formdetoit est certifiée Qualibat et Qualibat RGE. L’entreprise n’utilise que des matériaux biosourcés pour l’isolation. « Cela correspond à ma philosophie : des matériaux moins polluants et qui proposent un meilleur confort de travail », explique Maryan Lhuillier.
- L’organisme de formation Académie de la hauteur est sur la fin de son processus de certification qualité « Qualiopi ».
- Au-delà des EPI requis et des vêtements de travail fournis, l’entreprise a mis en place des règles strictes face à la Covid : horaires décalés, gel et produit virucide dans le bureau, masques lavables de catégorie 1 quand la distance ne peut être respectée sur les chantiers.