Les jeunes actifs ? Engagés et motivés
Les actifs de moins de 30 ans sont engagés et motivés dans leur évolution professionnelle. Loin des stéréotypes, une étude de l’Apec et de Terra Nova dresse un portrait positif de la jeunesse au travail.
Date de mise à jour : 7 févr. 2024
Auteur : Virginie Leblanc
©Daniel Balakov / Getty Images
Électrons libres, désinvestis dans leur travail, ces stéréotypes circulant sur les jeunes actifs apparaissent battus en brèche par une récente étude de Terra Nova et l’Apec*, auprès de 5 000 actifs, dont 3 000 jeunes de moins de 30 ans. Il ressort en effet de cette enquête que les jeunes actifs sont engagés et motivés par leur évolution professionnelle. Tout autant investis dans leur travail que leurs aînés, ils formulent les mêmes attentes qu’eux envers le travail : ils souhaitent avant tout un travail rémunérateur (55 %), intéressant (41 %) et facile à concilier avec leur vie personnelle (34 %).
Les jeunes actifs accordent autant d’importance au travail que leurs aînés (47 % le jugent plus ou aussi important que les autres pans de la vie, versus 47 % des 30 à 44 ans et 36 % des 45 ans et plus). Ils n’apparaissent guère plus rétifs à l’autorité : 40 % acceptent les décisions hiérarchiques par principe, et 43 % dès qu’ils les comprennent.
En revanche, les jeunes actifs se distinguent par une envie plus marquée de progression professionnelle, propre au début de carrière : ils sont déterminés à gagner en rémunération (89 %), en autonomie (80 %) et en responsabilités (69 %).
Métier actuel : pas plus de trois ans
Certains résultats semblent plaider en faveur d’un moindre investissement des plus jeunes dans leur travail actuel : un tiers d’entre eux (34 %) ne s’imaginent pas rester dans leur métier actuel plus de trois ans (15 points de plus que les 30-44 ans et 19 de plus que les 45-65 ans). Et deux jeunes sur cinq (41 %) ne s’imaginent pas rester dans leur poste actuel plus de trois ans, contre seulement un quart des 30-44 ans et 20 % des 45- 65 ans. Ces résultats sont cohérents avec les mobilités professionnelles observées, indique l’étude.
Par ailleurs, d’autres résultats semblent faire écho à leur supposée moindre résistance à l’effort. 70 % des moins de 30 ans déclarent ainsi qu’il leur arrive d’éprouver de l’épuisement dans leur travail (7 points de plus que les 30-44 ans et 8 points de plus que les 45-65 ans), et 46 % de l’ennui (respectivement 2 et 10 points de plus que les 30-44 ans et les 45-65 ans).
Sur la plupart des autres indicateurs de bien-être ou mal-être au travail, les jeunes actifs se distinguent assez peu des autres classes d’âge. Et quand c’est le cas, comme pour le sentiment d’épuisement, l’enquête souligne que cela peut traduire leurs conditions de travail objectives : « on sait que, dans de nombreuses organisations, les tâches les plus pénibles sont reportées sur les derniers arrivés ou celles et ceux qui ont la meilleure condition physique. Nos résultats soulignent d’ailleurs que les jeunes sont plutôt plus exposés que les autres groupes d’âge à toute une série de pénibilités : posture statique prolongée, mouvements répétitifs, exposition à un bruit continu et répété, horaires atypiques, port de charges lourdes, exposition à des produits dangereux… »
Méthodes de management plus participatives
Autres enseignements, les jeunes actifs souhaitent travailler en proximité avec leurs managers et le reste du collectif de travail. Ils expriment un besoin de dialogue et de partage de l'information (30 %) davantage que leurs aînés (26 %). « Pour les fidéliser, les entreprises devront leur proposer des méthodes de management plus participatives, des ambiances professionnelles plus conviviales, des plans de carrières plus dynamiques et mieux reconnaître leurs compétences », avance le rapport.
Pour les jeunes actifs, comme pour le reste de la société d’une manière plus générale, l’exercice de l’autorité ne peut plus être de nature simplement statutaire : seuls 40 % d’entre eux acceptent « par principe les décisions de leur hiérarchie. » Les autres ne sont pas pour autant réfractaires par principe à l’autorité mais, tout comme leurs aînés, ils souhaitent qu’elle soit justifiée : 52 % des jeunes actifs veulent soit être en accord avec les décisions soit les comprendre pour les accepter. « On est bel et bien entré dans l’ère de l’autorité négociée », affirme l'enquête.
Qu’en est-il de leur appréciation du télétravail ? « C’est là que les résultats sont les plus contrastés et, à certains égards, les moins cohérents avec la réputation des jeunes actifs : ceux-ci ont en effet une expérience sensiblement plus négative du télétravail que leurs aînés », révèle l’étude. Ils ressentent en effet plus souvent que les autres le sentiment de « pouvoir moins apprendre de leurs collègues », d’être « trop sédentaires », de « rater des informations », de peiner à séparer vie personnelle et professionnelle… Ils ont également souvent le sentiment d’être moins efficaces quand ils sont en télétravail (54 %), dans des proportions plus importantes que les 30-44 ans (43 %) et les 45-65 ans (29 %).
L’étude explique : « Sans doute parce qu’ils sont, pour beaucoup d’entre eux, encore en phase d’apprentissage, d’acquisition de compétences ou de construction de leur réseau professionnel, les jeunes actifs vivent le télétravail, plus souvent que leurs aînés, comme une coupure, voire comme une perte d’opportunités. »
Cela n’empêche cependant pas les plus jeunes de se déclarer favorables dans de fortes proportions (66 %) à la « généralisation du travail hybride » (en partie sur site, en partie à domicile) dans le futur.
Un travail qui correspond à leurs valeurs
Parmi les idées reçues sur le rapport des jeunes au travail, revient le thème de la quête de sens. Les questions environnementales, la lutte contre les inégalités sociales et les discriminations seraient en particulier des causes auxquelles ils seraient plus sensibles. L’étude constate que dans leur grande majorité, les jeunes déclarent effectuer un travail qui correspond à leurs valeurs (78 %).
De plus, lorsqu'on les interroge sur ce qui est le plus important dans leur vie professionnelle, l’item « effectuer un travail utile, qui a du sens » n’arrive qu’en sixième position (il tombe même très bas chez les jeunes actifs des secteurs du commerce, de l’industrie et de la construction) alors qu’il est cité en quatrième position chez les 30-65 ans. De la même manière, lorsqu’on les interroge sur les critères les plus importants pour rejoindre une nouvelle entreprise, « l'utilité des missions pour l'entreprise ou pour la société » est davantage citée par les 30-65 ans (13 %) que par les 18-30 ans (11 %) et n’arrive qu’au dixième rang sur treize.
Le rapport identifie in fine six visages de la jeunesse au travail aujourd’hui : les Ambitieux (39 %), les Satisfaits (14 %), les Distanciés (6 %), les Attentistes (11 %), les Combatifs (20 %) et les Découragés (10 %). Ces groupes de jeunes se distinguent par des rapports au travail différents, selon ce qu'il représente pour eux et selon l’intensité de leur volonté d’évolution professionnelle. L’appartenance à ces groupes varie bien souvent en fonction du milieu social d’origine et de la catégorie socioprofessionnelle.
*Enquête intitulée « Un portrait positif des jeunesses au travail : au-delà des mythes », publiée le 1er février par Terra Nova et l’Apec.
Les analyses présentées par le rapport de l’Apec et de Terra Nova reposent sur une étude quantitative en ligne menée auprès d'un échantillon principal de 3 073 jeunes actifs de moins de 30 ans et d'un échantillon miroir de 2 045 actifs de 30 à 65 ans.