Recruter des salariés en insertion : une expérience gagnante pour Chantiers Modernes Construction
Intégrer des travailleurs en insertion sur les chantiers est toujours fructueux selon Alvin Lhospitalier, responsable de travaux chez Chantiers Modernes Construction. Depuis deux ans et demi, son entreprise a réalisé 33 000 heures d’insertion (contre 11 300 heures initialement prévues) pour l’un des chantiers du prolongement de la ligne 11 du métro parisien.
Date de mise à jour : 14 nov. 2023
Auteur : Fabienne Leroy
©Vinci Construction
Chantiers Modernes Construction – associé à CBI, filiale également de Vinci Construction* – a réussi le pari de l’insertion sur l’un de ses chantiers phares liés au prolongement de la ligne 11 entre Paris et l’Est francilien. L’entreprise réalise en effet l’aménagement et les travaux de second œuvre de quatre nouvelles stations souterraines (voir Fiche d'identité des travaux, ci-dessous).
Dans ce marché, le maître d’ouvrage public (RATP) a inclus une clause contractuelle d’insertion à raison de 11 300 heures. « Ce qui revient à travailler 80 mois pour une personne, sur la base de 35 heures hebdomadaires. C’est l'une des raisons pour laquelle, on augmente le nombre de personnes suivies pour avoir le nombre d’heures correspondant », souligne le responsable de travaux Alvin Lhospitalier.
Pour rendre l’obligation contractuelle possible, les heures d’insertion ont été partagées avec certains des sous-traitants du groupement. « On a fait 50/50 en recourant à certains sous-traitants importants, notamment en gardiennage ou encore en serrurerie », reprend Alvin Lhospitalier.
- Prolongement de la ligne 11 du métro à Rosny-Bois-Perrier (93).
- 4 sites d’intervention correspondant aux stations « Serge Gainsbourg », « Montreuil-hôpital », « Place Carnot », « La Dhuys ».
- Travaux : Second œuvre et aménagement de quatre stations souterraines créées.
- Entreprises : Chantiers Modernes Construction (mandataire) et CBI.
Deux partenaires pour accompagner les salariés en insertion dans le BTP
Pour gérer sa part, les 50 % restants, et mener à bien sa mission d’insertion, Chantiers Modernes Construction, s’est appuyé sur deux partenaires majeurs : Liva et l’association Wake Up Café. Le premier partenaire, Liva, est une co-entreprise d’insertion créée par le groupe Ares et Vinci Construction, œuvrant dans les métiers de la logistique de chantier. Cette joint-venture sociale, créée en 2018, a pour mission d’accompagner un grand nombre de salariés en insertion.
« Avec Liva, nous avons mis en place la logistique de chantier sur les quatre sites sur lesquels nous intervenons, ce qui nous a permis d’embaucher 10 à 15 personnes en parcours d’insertion. Leurs missions ont consisté à transporter le matériel/matériaux jusqu’aux postes de travail (chariots télescopiques, lifts) et à remonter les containers de gravats pour les emmener vers les bennes de tri », indique Alvin Lhospitalier. Liva forme au préalable les salariés grâce à son service de formation et les intègre sur les chantiers dans le respect des procédures mises en place (quart d’heure sécurité/briefing…).
L’association Wake Up Café aide les détenus à se réinsérer
Le second partenaire, l’association Wake Up Café, accompagne Chantiers Modernes Construction depuis quelques années. Séduit par le concept de l’association, l’entreprise avait déjà sollicité cette structure pour tenter d’intégrer des jeunes en fin de parcours carcéral dans les métiers du BTP. Un projet basé sur un parcours de coaching individualisé.
« Nous avons construit un partenariat complet avec Wake Up Café, ce qui m’a permis d’aller dans une maison d’arrêt pour organiser un job dating. J’ai pu rencontrer cinq jeunes suivis par l’association avec des cours de lecture, de psychologie, de coaching… », témoigne Alvin Lhospitalier. Si aucun des jeunes rencontrés lors de ce job dating n’a manifesté d’intérêt pour le secteur, la rencontre a été enrichissante pour comprendre leur monde, selon le responsable de travaux.
Une seconde rencontre avec d’autres jeunes, suivie d’un entretien individuel de recrutement, a débouché sur l’intégration et le suivi de quatre jeunes dans les équipes de production du chantier de prolongement de la ligne 11.
« Nous avons intégré l’un d’eux dans chaque équipe présente sur chacune des quatre stations, nos équipes de production étant constituées de trois à quatre personnes, avec le chef de chantier, le (ou les) compagnon(s) et un salarié en insertion », ajoute-t-il. Précisons que les travaux du lot second œuvre-aménagement comprennent du cloisonnement en blocs béton, du ravoirage, et de la pose de revêtements muraux, carrelage, inox, verre, serrurerie, garde-corps…
Deux jeunes en parcours d’embauche avec une formation qualifiante
Depuis leur intégration, il y a deux ans, deux jeunes en insertion âgés de 22 et 23 ans, en régime semi-carcéral, sont restés dans les effectifs de l’entreprise. Des difficultés d’accès et d’éloignement n’ont pas permis au troisième jeune de poursuivre son travail chez Chantiers Modernes Construction. « Mais il poursuit ses missions dans le BTP en intérim », précise le responsable de travaux.
Une formation qualifiante de coffreur-maçon sera proposée par Vinci Construction aux deux jeunes gens, en partenariat avec le groupement d’employeurs pour l’insertion et la qualification (GIEQ). Cette promotion, ouverte sur demande, dispense deux années de formation (une année pour la maçonnerie, et l’autre pour le coffrage) tout en garantissant le versement d’un salaire. « La qualification obtenue avec cette formation permet de gagner un salaire supérieur au salaire minimum (Smic) », conclut Alvin Lhospitalier. Elle offre en outre de nombreuses perspectives d’embauche dans le secteur en recherche de main-d’œuvre qualifiée.
*Filiale de Vinci, Construction, Chantiers Modernes Construction est spécialisée dans le domaine des travaux publics et du génie civil en Ile-de-France.
En savoir plus : Wake Up Café : Changer leur regard, Changer notre regard, https://www.wakeupcafe.org/
Alvin Lhospitalier, responsable de travaux chez Chantiers Modernes Construction a parié sur l'insertion.
Quelles sont les clés du succès en matière d’insertion de personnel sur les chantiers ?
Alvin Lhospitalier : Il faut faire preuve d’humilité, car il n’y a pas d’école pour gérer l’insertion. Le mieux est de se faire accompagner par des structures qui ont cette capacité. Il est en effet important de s’adosser à des associations qui savent convertir nos besoins en véritables postes d’insertion. Cela demande donc de l’engagement et de l’implication, car si on ne porte pas cette envie, le projet n’aboutira pas. J’ai dû recadrer deux fois un jeune après les heures de bureau dans un café, en lui expliquant qu’il fallait saisir sa chance et ne pas la gâcher. Aujourd’hui, il est encore plus motivé et il est resté dans nos équipes.
Comment les équipes vivent-elles au quotidien l’insertion ?
Pour que ça fonctionne, il faut bien sûr convaincre et emmener les équipes, en commençant par les encadrants afin qu’ils acquièrent les bons réflexes. Nos compagnons, âgés de 30 à 56 ans, ont également été formés à accueillir des professionnels atypiques, avec de la bienveillance. Notre brief est simple : il faut être communicant et bien communiquer, et c’est ce qu’ils ont fait… et même bien fait !
Quel bilan faites-vous au bout de deux ans et demi ?
Au début, les équipes ne connaissaient pas l’insertion et n’en avaient pas envie. Aujourd’hui c’est payant, et demain, ce sera totalement naturel, d’autant plus que nous avons réussi à emmener un collectif autour de ce projet. Par exemple, pour les travaux d’espaces verts, notamment sur les ilots de verdure recouvrant les parcelles bétonnées, nous sourçons les associations locales pour faire travailler les personnes en situation de handicap. De la même façon, lors de nos événements pour lesquels nous faisons appel à un traiteur, nous recourrons à des traiteurs solidaires qui emploient des cuisinières en insertion, en provenance d’Afrique ou d’Inde… C’est l’une de nos réussites dont nous sommes fiers !