Plus de deux cents coordonnateurs sécurité et protection de la santé (CSPS) se sont retrouvés à Paris au ministère du Travail pour célébrer le 30e anniversaire de leur profession. Ils ont rappelé leur rôle incontournable en matière de prévention sur les chantiers en cas de coactivité, et la nécessité d’impliquer toujours davantage les maîtres d’ouvrage dans leurs missions.
Date : 17/10/2024
Fabienne Leroy
Le 30e anniversaire de la Coordination sécurité et protection de la santé (CSPS) a été célébré lors d'un colloque au ministère du Travail, en présence de Pierre Ramain, directeur général du travail (DGT), et de Paul Duphil, secrétaire général de l'OPPBTP. Objectifs de ce colloque : faire le bilan du Livre blanc de la CSPS publié il y a cinq ans, et donner des perspectives sur un métier en évolution, même si son exercice est encore jugé complexe par l’ensemble des acteurs du BTP.
En préambule, Pierre Ramain a rappelé l’importance de la mission CSPS au regard de la sinistralité et du nombre d’accidents du travail recensés dans le secteur du BTP. « 54 accidents pour 1 000 salariés du BTP et 120 morts par an, c’est beaucoup trop. Et la mobilisation de tous ainsi que votre rôle sont déterminants », a-t-il déclaré en ouverture du colloque, en signalant qu’une grande campagne de communication sur les accidents du travail allait être relancée par le ministère.
Le sujet essentiel de cette mission de CSPS est bien « de préserver la vie », a poursuivi Paul Duphil, qui, au préalable, a évoqué le décès d’un ouvrier sur un chantier de la gare Saint-Denis Pleyel en janvier 2022, en précisant que les règles de coactivité n’avaient pas été appliquées.
Cet accident dramatique met en exergue le rôle primordial du maître d’ouvrage lors d’une opération impliquant plusieurs entreprises ou travailleurs indépendants, a rappelé Paul Duphil. En intégrant le CSPS dès la conception du projet, et en collaborant efficacement avec lui, le maître d’ouvrage permet au coordonnateur de mener à bien sa mission… et donc de réduire les risques sur les chantiers.
Paul Duphil, secrétaire général de l'OPPBTP et Pierre Ramain, directeur général du Travail lors de l'ouverture du colloque.
Le colloque a mis en évidence l’amélioration des pratiques de coordination constatées sur le chantier ainsi que les évolutions réglementaires du secteur. Ces dernières sont issues notamment du Livre blanc de la CSPS, publié en 2018, et intégrant quatre enjeux et douze recommandations. Cette publication fait suite à une étude menée auprès de l’ensemble des acteurs de la construction (maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre, CSPS et entreprises).
Parmi les évolutions réglementaires majeures rappelées par Bertrand Kermoal, chargé de mission à la DGT (lire l'encadré CSPS : une réglementation en évolution), notons la création d’une licence professionnelle donnant accès aux missions de coordination SPS de niveau 2 (arrêté du 8 juin 2021 - lire l'encadré Faciliter l’accès à la profession).
Enfin, une nouvelle question-réponse sur le site du ministère précise les dispositions de l’arrêté du 26 décembre 2012 relatif à la formation des CSPS et des formateurs de CSPS. Le Livre blanc a également donné lieu à la publication de plusieurs outils pratiques à destination des coordonnateurs dans le cadre de leurs missions sur les chantiers.
Trois faits marquants sont à retenir concernant la réglementation liée à la pratique du métier :
Le colloque a permis de faire un retour d’expérience sur la recommandation n° 11 du Livre blanc, relative à la création d’une licence professionnelle CSPS. Ainsi, l’accès à la profession est facilité grâce à cette licence professionnelle par voie d’apprentissage qui permet de réaliser des missions de coordination de niveau 2. Théo Giudice, 23 ans, a ainsi témoigné de sa formation en alternance dispensée par l’IUT de la Ciotat avec un tutorat dans le groupe Socotec. « Je souhaitais devenir pompier professionnel et je suivais un cursus HSE (hygiène, sécurité, environnement), ce qui m’a permis de découvrir d’autres métiers liés à la prévention, dont celui de CSPS. La polyvalence du métier m’a plu (NDLR : bureaux-chantiers) et j’aime la communication, qui est importante pour nos missions. »
De gauche à droite : Sandrine Gallot (Université de la Ciotat), Théo Guidice (alternant CSPS) et Barbara Knoell (Socotec)
La promotion du métier de coordonnateur SPS (recommandation n° 12 du Livre blanc) a été évoquée avec trois témoins dont Franck Pinchemel (Presents) et Céline Coué Pasquiet (Socotec).
De fait, quatre outils issus du Livre blanc permettent de faciliter les missions de coordination (lire l'encadré Quatre outils pour le CSPS). Ils sont « simples et faciles à utiliser », selon les témoins invités lors de ce colloque : Pascal Coutaz Replan (Alpes contrôle), Lionel Asperti (CEP), Didier Lacour (Lacour consultants), Pierre Haxaire (Ediphice) et Hicham Tahiri, CSPS (Fort’ concept management).
Par exemple, la trame du plan général de coordination (PGCSPS) offre une vision plus claire ainsi qu’une dimension plus ludique à cet outil réputé complexe. Résultat : il est apprécié notamment des jeunes CSPS mais aussi des maîtres d’ouvrage, selon les témoignages des invités.
Pascal Coutaz Replan, Lionel Asperti, Didier Lacour, Pierre Haxaire et Hicham Tahiri, membres des groupes de travail ont présenté les outils issus du livre blanc de la CSPS.
Autre constat : la profession bénéficie d’un accompagnement des organismes de prévention, dont la Cnam et l’OPPBTP. Les axes de progrès sont importants, selon le témoignage de Christophe Desplat, ingénieur-conseil à la Cnam risques professionnels. À titre d’exemple, une étude menée sur 2075 opérations de construction (logement, bureaux, entrepôts) a permis de vérifier comment les prescriptions en CSPS ont été mises en œuvre sur les chantiers.
Pour Christophe Desplat, cette étude montre que les objectifs de prévention des CSPS ont été traduits de manière opérationnelle. En effet, la probabilité de mise en œuvre des actions est passée du simple au double.
L’accompagnement des maîtres d’ouvrage sur leur compréhension des missions des CSPS s’effectue également sur le terrain. « Les Carsat vont prochainement accompagner cinq cents nouvelles opérations, dont des chantiers de travaux publics et de rénovation thermique », ajoute l’ingénieur-conseil à la Cnam. Notons enfin que les Carsat poursuivent leurs actions de formation avec quelque six cents MOA et MOE formés chaque année.
Du côté de l’OPPBTP, Frédéric Fize, responsable du domaine coordination SPS à l’OPPBTP, a présenté un nouveau site internet dédié à la CSPS. Dans la logique du site OPPBTP MOA Bâtissez en prévention, déjà connu, le nouvel outil en construction hébergera toutes les informations et les documents utiles à la profession. Ressources, ouvrages, outils pratiques, questions-réponses, points juridiques et réglementation seront ainsi consultables gratuitement sur le site dédié. Des ressources partenaires (Cnam, INRS, Direction générale du travail) seront également disponibles sur cet outil. Enfin, le site proposera un accès aux clubs SPS pour les coordonnateurs intéressés.
Invités à venir témoigner, un maître d’ouvrage et un maître d’œuvre ont fait part de leurs retours d’expérience sur les chantiers avec les CSPS. Ainsi, Pierre Durand, maître d’ouvrage pour la RATP, exprime désormais sa satisfaction de pouvoir « se reposer sur les CSPS », malgré le changement de paysage (et la multiplication de la sous-traitance). La « dématérialisation des relations » avec les acteurs de chantier lui fait regretter l’absence des « sachants en responsabilité, trop peu présents sur le terrain », à son goût. « Les CSPS n’ont pas une vie facile mais les maîtres d’ouvrage en ont conscience. Nous devons leur apporter les moyens et s’intéresser à eux », résume Pierre Durand, qui plaide pour l’intervention des CSPS dès la phase conception du projet jusqu’à sa livraison.
Pierre Durand, maître d'ouvrage pour la RATP et Charles Dolbakian, architecte (Gera Architectes) ont témoigné de leurs expériences positives avec les CSPS.
De son côté, Charles Dolbakian, architecte (Gera Architectes), constate que de nombreux progrès ont été réalisés en matière de sécurité sur les chantiers, même s’il reste encore des points d’amélioration. L’architecte aime d’ailleurs témoigner des réalités du terrain en prenant des clichés révélateurs, notamment en lien avec l’hygiène sur les chantiers. Il photographie ainsi les bungalows de chantier, les vestiaires et les réfectoires, de manière anonyme, en montrant des vêtements, des chaussures… parfois, en piteux état. « Il faut augmenter le rythme de nettoyage des bases-vie. Et pour cela, il faut s’y mettre à plusieurs, avec le maître d’ouvrage et le CSPS…», plaide l’architecte.
Pour renforcer la culture de la sécurité, de nombreux clubs SPS ont vu le jour, réunissant des professionnels du secteur pour échanger sur les bonnes pratiques. Actuellement, plus de dix-neuf clubs sont actifs à travers la France, à l’instar du club de la région Normandie, venu témoigner de son expérience à l’occasion du colloque.
Les trois animateurs du club Normandie (Dominique Marienne pour l’OPPBTP, Noël Desmonts de la Carsat et Benjamin Ackermann, Dreets) ont ainsi expliqué leurs actions. Elles consistent à partager des retours d’expérience CSPS, échanger et harmoniser de bonnes pratiques, afin de monter en compétences. Parfois, certains sujets en lien avec l’actualité réglementaire sont évoqués.
De gauche à droite : Dominique Marienne (OPPBTP), Noël Desmonts (Carsat), Benjamin Ackermann (Dreets) et Vincent Tellier (CSPS).
Trois réunions annuelles (parfois assorties de visites de chantier) permettent de fédérer une vingtaine de CSPS normands, de profils différents, indépendants ou issus de groupes régionaux ou nationaux. « On apporte chacun notre pierre à l’édifice pour trouver des solutions et exercer au mieux nos missions », indique Vincent Tellier, CSPS, membre du club Normandie.
Ainsi, la grille d’inspection du CISSCT (Collège interentreprises de sécurité, de santé et des conditions de travail) a fait l’objet d’une réflexion du club CSPS normand afin de faciliter sa rédaction et sa mise en œuvre sur le chantier. Résultat : un gain de temps désormais assuré avec une diminution de réunions annexes et d’appels téléphoniques, selon les témoins présents.
Alors, quelles sont les perspectives pour le futur ? Plusieurs pistes ont été abordées comme celle de l’intelligence artificielle, qui pourra soulager la profession sur le plan administratif, notamment lors de l’analyse des documents de chantier. Il sera alors plus facile de voir s’il manque des éléments ou pas, a souligné Marlène Luengo (Socotec).
De son côté, Antonio Pereira, (BTP consultants), insiste sur l’implication des CSPS en phase conception. « Le CSPS doit être curieux, impliqué et s’intéresser à toutes les nouvelles technologies et techniques constructives, comme le béton bas carbone ou la construction hors site… » ajoute-t-il.
L’ouverture du métier aux jeunes fait également partie des défis à relever. La profession ne peut pas seulement intégrer des seniors ou profils expérimentés, relève Patrick Grossmann (Presents). D’où la nécessité de pousser davantage l’apprentissage et de proposer aux alternants un véritable accompagnement sur des chantiers plus intéressants. Ce sera ainsi une façon de répondre à « la quête de sens » exprimée par les jeunes générations, vite lassées des missions répétitives.
Enfin, améliorer la qualité de vie et surtout la qualité des missions des CSPS devient un enjeu crucial. Quelque 30 % des CSPS géreraient plus de 80 chantiers par an, selon le Livre blanc. Vincent Giraudeaux (Yseis) rappelle l’importance de se sentir utile sur un chantier, en réalisant une mission de qualité.
Marlène Luendo, Antonio Pereira, Patrick Grossmann, Vincent Giraudeau, Olivier Duval et Olivier Dhardivillers ont évoqué des pistes pour l'avenir des CSPS.
Et une mission de qualité, c’est d’abord une mission qui démarre le plus en amont en possible du chantier, dès la phase conception, souligne Olivier Duval (Coordef). « Plus de 70 % de la qualité et la bonne tenue d’un chantier s’organisent en phase conception », rappelle-t-il. C’est donc à ce moment précis que la CSPS doit intervenir pour appréhender le chantier en amont et prévenir le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre.
« L’objectif est bien de montrer que le CSPS a une valeur ajoutée, et qu’il n’est pas seulement un passage obligé et contraint pour le maître d’ouvrage », reprend Olivier Dhardivillers (Absides). Les témoignages des opérations réussies avec les maîtres d’ouvrage engagés et la capacité à communiquer des CSPS doivent ainsi être développés et promus.
« L’avenir est entre nos mains, résume Marlène Luengo (Socotec), même si nous devons continuer de progresser et à éduquer les maîtres d’ouvrage et d’œuvre sur notre mission de CSPS. »
Frédéric Fize, responsable du domaine CSPS à l'OPPBTP
Quel est le contexte de ce colloque et qui est venu y participer ?
Nous avons fêté les 25 ans de la profession, il y a cinq ans et avons présenté le Livre blanc de la CSPS. Des guides et des outils pratiques ont été produits par les groupes de travail. Enfin, la création de la licence professionnelle SPS a permis de former de jeunes CSPS, aujourd’hui actifs. À l’occasion des 30 ans des CSPS, nous voulions faire un point d’avancement et montrer que la profession s’était mobilisée pour progresser et avancer.
Nous avons invité pour ce colloque les représentants des organismes de prévention, comme la Cnam et les Carsat, l’INRS, les acteurs de la certification et de formation des CSPS et quelques maîtres d’ouvrage et maîtres d’œuvre. Mais le public principal était constitué de CSPS puisqu’ils étaient presque deux cents dans la salle, compte tenu de cet événement qui leur était dédié.
Quels sont les enseignements principaux de ce colloque ?
Nous voyons se dessiner une volonté commune de coopération sur les projets avec les CSPS, les maîtres d’ouvrage et maîtres d’œuvre sur les projets, et c’est très positif. En effet, maintenant que la mission de CSPS existe, il faut orienter le travail de coordonnateur sur l’anticipation des risques et le travail en amont du chantier.
Concernant l’avenir, quelles pistes d’actions ont été dégagées par la profession ?
La profession a formulé plusieurs pistes de réflexion et de progression. C’est tout d’abord, l’intégration du digital et de l’Intelligence artificielle dans l’exercice du métier. C’est ensuite, la prise en compte de nouvelles techniques de construction comme le béton bas carbone, la construction bois ou hors site. Par ailleurs, la profession veut redonner du sens au métier et ouvrir davantage ces missions à des profils moins expérimentés mais dotés des compétences nécessaires. En clair, elle souhaite s’ouvrir davantage aux jeunes grâce au tutorat. Enfin, la profession veut mettre en évidence le rôle du CSPS en phase de conception et lui permettre de s’intégrer dans le projet le plus tôt possible.
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