Santé des artisans : fatigue physique, moral en baisse mais passion intacte
Malgré l’érosion de l’activité en 2022, les artisans du bâtiment conservent un rythme de travail intense, accru par la charge administrative. Leur forme physique et mentale en pâtit, mais leurs valeurs professionnelles les aident à tenir, comme en témoigne le nouveau baromètre Artisanté.
Date de mise à jour : 20 juil. 2023
Auteur : Chloé Devis
©Getty Images
La neuvième édition du baromètre de la santé et des conditions de travail des artisans du BTP et du paysage de la Capeb, réalisé par l’Iris-ST avec la CNATP auprès de plus de 2 000 chefs d’entreprise, livre des résultats contrastés.
Les aléas socio-économiques, trois ans après le début de la crise sanitaire, jouent sur le moral des dirigeants, alors même que 56 % affirment que leur activité a progressé en 2022. Les inquiétudes exprimées quant à un avenir proche sont fortes, avec un optimisme en baisse de 16 points par rapport à 2021. La principale cause de stress (citée par 56 % des répondants) reste la hausse des prix des matériaux et de l’énergie, bien que ce facteur s’atténue par rapport à 2021.
Le baromètre Artisanté confirme la force des vocations dans le secteur de l’artisanat.
Un équilibre vie privée-vie professionnelle difficile à trouver
Si les chefs d’entreprise réussissent à garder le cap, c’est au prix d’un rythme de travail quasiment aussi soutenu que l’année d’avant, variable selon qu’ils emploient ou non des salariés : en 2022, 23 % de ceux qui sont seuls à bord (14 % l’année d’avant) cumulent plus de 60 heures par semaine, contre 37 % de ceux qui emploient 11 à 15 salariés. La gestion administrative pèse toujours plus lourd dans le quotidien professionnel des dirigeants dès que l’effectif atteint 5 personnes : 42 % des répondants indiquent que ce type de tâches représente entre 25 % et 75 % de leur charge de travail, soit une hausse de 4 points par rapport à 2021.
Ces contraintes fragilisent inévitablement l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle : 83 % des enquêtés estiment ainsi que la première empiète sur la seconde. De fait, un sur deux poursuit son activité le week-end, et 36 % prennent au plus deux semaines de congé par an (45 % des artisans travaillant seuls).
Une santé plutôt perçue comme bonne malgré des signaux d’alerte
Quant à leur état de santé, les artisans continuent à affirmer, pour 64 % d’entre eux, qu’il est bon, une perception qui s’est fortement dégradée par rapport à 2021 où cette part atteignait 76 %. Ils sont 54 % à consulter peu ou quasiment pas leur médecin généraliste, par manque de temps pour 51 % d’entre eux. Les douleurs musculaires demeurent au premier rang des maux déclarés par les professionnels du secteur puisqu’elles concernent 61 % d’entre eux, contre 58 % qui souffrent d’une fatigue importante et 40 % de troubles émotionnels, ces deux catégories s’inscrivant en hausse de 9 points par rapport à 2021. Concernant la fatigue, le niveau d’intensité déclaré a augmenté en 2022 et va de pair avec des problèmes de sommeil, en hausse par rapport à l’an passé. Le stress touche « souvent » ou « très souvent » 57 % des répondants.
Un épuisement professionnel moins tabou qu’auparavant
Plus globalement, ils sont 85 % à considérer leur activité comme exigeante physiquement, et 89 % comme exigeante mentalement. Cette prédominance de la charge mentale se justifie par la multiplicité des tâches et des responsabilités auxquelles les chefs d’entreprise doivent faire face, et peut entraîner un épuisement professionnel caractérisé, notamment lorsque les résultats attendus ne sont pas au rendez-vous. Ainsi, 35 % des artisans, soit un point de plus qu’en 2021, déclarent avoir rencontré des difficultés psychiques (burn-out, anxiété, dépression…) au cours de l’année. Parmi eux 56 %, contre 52 % un an auparavant, déclarent en avoir fait part à un tiers. Qu’il s’agisse d’une personne de l’entourage et/ou d’une organisation professionnelle, c’est le signe que les artisans sont de plus en plus sensibilisés à l’importance d’un accompagnement pour faire face aux phases critiques, comme le relève la Capeb. D’où, note son président Jean-Christophe Repon, l’importance de continuer à œuvrer « pour qu’ils ne se soient jamais seuls et leur permettre de trouver des solutions le plus en amont possible. »
Des actions qui peuvent s’appuyer sur un socle inébranlable, le baromètre confirmant la force des vocations dans le secteur de l’artisanat : en 2022, 71 % des répondants continuent à se déclarer épanouis dans leur rôle de chef d’entreprise, et 82 % dans leur métier.