Extension du périmètre de l’indemnisation en cas de faute inexcusable
La Cour de cassation élargit le périmètre de l’indemnisation des victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles en cas de faute inexcusable. Elle opère un revirement de jurisprudence afin de permettre aux victimes d’obtenir une indemnité complémentaire au titre des souffrances physiques et morales endurées.
Date de mise à jour : 9 févr. 2023
Auteur : Virginie Leblanc
©GettyImages
Deux décisions du 20 janvier 2023 de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation opèrent un revirement de jurisprudence en estimant que la rente versée par la caisse de Sécurité sociale aux victimes d’AT/MP n’indemnise pas leur déficit fonctionnel permanent (le handicap dont vont souffrir les victimes dans le déroulement de leur vie quotidienne).
Dans les deux affaires, deux salariés sont décédés des suites d’un cancer du poumon lié à l'inhalation de poussières d’amiante dans le cadre de leur activité professionnelle.
Jusqu’alors, la Cour de cassation jugeait que la rente prévue par le Code de la Sécurité sociale, et versée aux victimes AT/MP en cas de faute inexcusable de l’employeur, indemnisait la perte de gain professionnel, l’incapacité professionnelle et le déficit fonctionnel permanent.
Indemnité distincte en complément de la rente
Pour obtenir de façon distincte une réparation de leurs souffrances physiques et morales, les victimes devaient apporter la preuve que leur préjudice n’était pas déjà indemnisé au titre de ce déficit fonctionnel permanent.
Désormais, la Cour décide que la rente ne répare pas le déficit fonctionnel permanent. Ainsi, en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, la victime, qui est en droit de demander la réparation de tous les préjudices non indemnisés par le versement de la rente majorée, peut demander l’indemnisation de ses préjudices liés aux souffrances physiques et morales après la consolidation, sans avoir à démontrer qu’elles n’ont pas déjà été indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent.
Ce revirement de jurisprudence permet donc aux victimes d’AT/MP consolidés de percevoir, en complément de leur rente, une indemnité distincte, correspondant aux souffrances physiques et morales (déficit fonctionnel permanent).
Les employeurs dont la faute inexcusable serait reconnue pourraient ainsi être contraints de réparer intégralement ce préjudice, ce qui traduirait par une augmentation des montants dus au titre de leur condamnation.
La mise en place de mesures de prévention par les entreprises reste ainsi le meilleur moyen pour se prémunir contre ce risque financier et contre toute lourde condamnation.