Un jeu de cartes contre le risque routier

Franc succès au congrès national de médecine et santé au travail de Montpellier, début juin, pour le jeu de cartes « Kit à rouler ». Créé par Ensanté, service de prévention interentreprises de la Région de Montpellier, il sensibilise au risque routier.

« Nous l’avons imaginé pour améliorer les outils très utilisés comme les lunettes de simulation d’effet d’une prise d’alcool, de cannabis ou de LSD. Quand ils les ont sur le nez, les gens rient, s’amusent mais on a du mal à enchaîner sur des messages de prévention », raconte Aude Arino, assistante santé travail.

Avec ses collègues, elle a entrepris d’élaborer un moyen de sensibilisation plus efficace. Elle a abouti à ce qui s’apparente à un jeu de situations sous forme de jeu de cartes. Qui peut, lui aussi, se révéler drôle. Explications :

1. Des groupes de quatre à six personnes piochent six cartes au hasard : une carte profil conducteur (« en roue libre » ou « modèle ») ; une carte de chacune des catégories « moyen de locomotion », « émotions », « perturbateurs de la conduite », « moyens de prévention » ; une carte scénario (il y en a sept possibles).
2. À partir du scénario, les équipes doivent inventer une suite en intégrant toutes les cartes piochées et en respectant, en particulier, le profil conducteur choisi. Elles disposent de dix minutes pour la mettre au clair.
3. Un rapporteur par groupe raconte à tout le monde l'histoire inventée en montrant les cartes au fur et à mesure.
4. À la fin de la présentation de chaque groupe, l’animateur conduit un débat. Par exemple autour des moyens de prévention que les participants auraient pu mettre en place dans cette situation.

Des thématiques inspirées de la vie courante

L’enracinement dans la réalité joue un rôle primordial. Par exemple, parmi les sept scenarii possibles, il y a celui-là : « Vous êtes commercial itinérant. Il est 7 heures, un mardi vous avez 300 km à faire pour vous rendre à un rendez-vous à 11 heures. Vous n’avez pas eu le temps de préparer votre trajet. De plus la météo annonce un épisode de forts orages sur la région. Que faites-vous ? » Autre exemple : « J’ai un enfant en bas âge qui a été malade toute la nuit. Je dois participer à un séminaire ce matin à 200 km de là. Mais je me sens fatiguée et je suis prise de violents maux de tête. Que fais-je ? »

Ces scenarii empruntent à la vie courante des salariés. Ils s’appuient sur ce que les équipes d’Ensanté entendaient dans les entreprises. Stabilisés depuis un an, ils sont améliorés à la marge de temps en temps. Des cartes vierges dans le jeu sont prévues pour en écrire de nouveaux, selon le contexte que les professionnels de la prévention sont les mieux à même de connaître.

Au service Ensanté, depuis un an qu’il utilise le jeu, des séances de sensibilisation globales du personnel ont été organisées dans une vingtaine d’entreprises. Cela a concerné 250 salariés. Ces journées sont préparées avec l’employeur surtout quand des messages prioritaires sont à faire passer. Cela s’est fait en petits ateliers durant une heure à une heure et demie. Aude Arino raconte : « À partir de la situation, nous amenons doucement les participants à parler de leur réalité. À prendre conscience des dilemmes qu’ils ont à trancher, des obstacles à surmonter pour gérer le moment au mieux. En fonction de beaucoup de paramètres, dont leur condition physique et vie personnelle, et en fonction des contraintes de l’entreprise. Ils découvrent ce qui est susceptible de les perturber et les moyens à leur portée, parfois tout bêtes. Préparer ses trajets tombe sous le sens, ne pas oublier ses lunettes de soleil semble anodin, ça ne l’est pas. »

La prévention par le jeu

L’humour est porté par le choix des profils d’ange ou de démon du conducteur. « Ainsi, la prévention reste digeste, indique Aude Arino. Nous ne sommes pas dans la position de forces de l’ordre. » Les retours ont été très positifs. Quatre questions, accessibles sur téléphone à l’aide d’un QR code, clôturent les sessions. C’est une enquête rapide sur ce que les participants en ont retiré.

Le jeu peut être utilisé dans d’autres cadres : à la volée, sur un coin de table ou en rencontre individuelle. « Il faut disposer d’au moins un quart d’heure », précise Aude Arino. Mais à cette condition, il reste utile puisque le participant est tout de suite interrogé : « Que feriez-vous dans cette situation ? »

Ensanté a créé l’outil. Son service communication lui a donné son design. Pour le symbole, c’est un jeu de 54 cartes. Il sera bientôt vendu sur le site d’Ensanté, 60 euros pièce. Il peut intéresser d'autres services de prévention et de santé au travail pour animer leurs actions autour du risque routier.