Réanimation cardio-respiratoire

    Depuis peu, du plateau d’appels téléphonique d’Orange*, à Lens, descendent à peu près toutes les heures des salariés qui font un tour de parking et puis s’en vont, retournent à leur poste. « J’étais touchée de voir ça, raconte Élodie Loeuillet, médecin du travail, qui les aperçoit de sa fenêtre. Nous avons servi à quelque chose. »

    Depuis un an, les vingt-trois médecins et infirmières des services de prévention de la santé au travail (SPST) d’Orange dans le Nord et l’Est de la France (6391 salariés) orchestrent une vaste sensibilisation aux risques cardio-vasculaires. Ils enregistrent ainsi des petites victoires. « Une nouvelle pause qui limite le risque professionnel reconnu de la sédentarité en plus de la pause réglementaire prévue au Code du travail, ça ne doit poser aucun problème nulle part », plaide Tiphanie Goetz, infirmière de santé au travail à Strasbourg du service autonome de prévention et de santé au travail d’Orange.

    Le but de la campagne est que chaque salarié agisse lui-même pour améliorer la santé de son cœur et de ses artères. Car en 2021, dans l'enquête Evrest (observatoire des données de santé des salariés émanant de la médecine du travail) ceux d’Orange, dans ce territoire allant de Boulogne-sur-Mer à Strasbourg, sont 1,5 fois plus en surpoids, font 1,2 fois moins d’activité physique et sont confrontés à 1,7 fois plus de problèmes cardio-vasculaires que la moyenne.

    Des bilans individualisés

    Les SPST concernés, encouragés par la loi du 2 août 2021 leur donnant des responsabilités en santé publique, ont imaginé des ateliers par groupes de dix personnes au maximum sur les trois thèmes : sédentarité et activité physique ; alimentation ; stress, tabac, alcool, sommeil. Une opération s’étalant sur deux ans. Mais la première étape consistait à établir des bilans individualisés. « Pour les intéresser, qu’ils se sentent motivés pour agir par la suite. Si nous leur avions simplement proposé des ateliers sur la pratique physique et l’alimentation équilibrée, le réflexe aurait été : je fais déjà ce qu’il faut, je mange des légumes et je fais du sport une fois par semaine », explique Tiphanie Goetz.

    Les 6 391 salariés ont donc été invités à des rendez-vous d’un nouveau genre avec leur médecine du travail : vingt minutes avec une infirmière, vingt minutes avec un médecin, consacrés à leur santé, le lien avec le travail étant laissé au second plan. À la sortie, chacun est reparti avec un « schéma d’artère » un outil de la Fédération française de cardiologie où sont portés autour du dessin d’une artère, seize indicateurs déterminants. Des mesures (pression artérielle, périmètre abdominal, cholestérol, glycémie) et des informations annexes (hérédité, stress, consommation de tabac et d’alcool, pratique sportive). « Une somme de données jamais recueillies dans les visites traditionnelles qui nous a permis d’ajuster localement les actions à travailler en atelier. Contre la sédentarité nous avons distingué trois types d’interventions pour ceux qui restent assis toute la journée et ne font pas de sport ou en font ou encore ceux qui bougent dans leur travail mais ne font pas de sport », précise Élodie Loeuillet, médecin du travail à Lens.

    Un atelier sur la sédentarité et l'activité physique

    La campagne d’entretiens lancée en mai 2023 s’est tenue généralement dans les locaux suffisamment vastes réservés aux formations. Elle devait durer six mois, elle se poursuit encore aujourd’hui. « Nous avons reçu près de mille demandes de rendez-vous, des retraités sont revenus. Un succès inattendu ! 17 % de l’effectif, c’est énorme pour une activité non obligatoire, qui s’est tenue parfois loin du lieu de travail, à Strasbourg, par exemple, dans deux sites seulement sur quatre », indique Tiphanie Goetz.

    L’appui de l’entreprise est allé au-delà de l’envoi des invitations à chaque salarié. Un lecteur de cholestérol (120 euros) a été acheté. On se l’est passé d’un endroit à l’autre. Des bandelettes de recueil du sang (75 euros les 25) ont été utilisées en quantité pour établir le bilan lipidique et mesurer la glycémie« L’alternative aurait été de demander des examens en laboratoire. Beaucoup ne l’auraient pas fait et nous n’aurions pas pu adapter notre conseil, tout de suite, voire orienter vers une prise en charge en soin de ville, en fonction des résultats complets de chaque personne et de sa vie », indique Tiphanie Goetz.

    Les médecins et infirmières des SPST se sont formés chacun deux jours sur l’alimentation. Ils se sentaient « légers » sur le sujet. Leurs frais de déplacements pour coordonner la campagne ont été payés. Un intervenant extérieur a été engagé pour un premier atelier thématique sur la sédentarité et l’activité physique. Au bout d’un an, le budget de l’opération dépasse les 20 000 euros mais ne devrait pas doubler pendant l’année qui reste.

    Jusqu’ici, les ateliers n’ont pas le succès qu’ont eu les bilans. Même s’ils ne durent qu’une heure, une règle absolue pour ne pas gêner le travail. « Sans doute par difficulté, malgré tout, à partager ne serait-ce qu’à dix, des faits très personnels », estime Élodie Loeuillet.

    Mais d’autres résultats apparaissent. Des salariés demandent des visites de suivi pour vérifier si leurs efforts paient. Un questionnaire sur les risques cardio-vasculaires a aussi été ajouté systématiquement au programme des visites ordinaires à la médecine du travail. Il est joliment baptisé « fil rouge », comme pour indiquer une suite de la campagne de prévention à propos de laquelle les professionnels parlent aussi comme d’un dépistage. À l’occasion des entretiens individuels, ils ont aussi détecté des hypertensions et des apnées du sommeil et les ont immédiatement traités.

    *Cette action a été présentée à l'occasion du congrès national de médecine et santé au travail de Montpellier, qui s'est tenu du 4 au 7 juin 2024.

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