TMS et souffrance psychique : maladies à caractère professionnel les plus fréquemment signalées
De nombreuses maladies soupçonnées d’être en lien avec l’activité ne sont pas reconnues comme maladies professionnelles ni indemnisées comme telles. Ces maladies à caractère professionnel toucheraient 5 à 7 % des salariés selon une récente enquête de Santé publique France.
Date de mise à jour : 2 mai 2023
Auteur : Cendrine Barruyer
Santé publique France a publié le 18 avril 2023 un rapport portant sur l’évolution des maladies à caractère professionnel (MCP) entre 2012 et 2018. Ces maladies sont identifiées comme ayant un lien avec l’activité professionnelle mais ne sont pas reconnues comme maladie professionnelle (et donc non indemnisées). En 2018, plus de 40 000 salariés ont été vus dans le contexte du programme MCP et sur l’ensemble de la période étudiée, et 1 375 médecins du travail ont participé à l’enquête. Les résultats de ce travail confirment la fréquence des MCP : 5 à 7 % des salariés sont touchés par des symptômes non reconnus en maladies professionnelles mais que les médecins du travail estiment être en lien avec l’activité du salarié.
Pour rappel, l’Assurance maladie publie régulièrement des données sur les maladies professionnelles (MP) indemnisées. Il existe en effet deux dispositifs permettant la reconnaissance d’une maladie comme MP : les tableaux de maladies professionnelles, qui rassemblent l'ensemble des critères médico-administratifs ad hoc, et les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) pour les pathologies qui ne remplissent pas ces critères. « Mais cela ne représente que la partie émergée de l’iceberg », souligne Juliette Chatelot, épidémiologiste à Santé publique France.
Depuis la loi du 9 août 2004, l’agence a la charge de surveiller les MCP. La notion de MCP a été introduite par le législateur dès 1919 afin de contribuer à l’évolution des tableaux de maladies professionnelles et au repérage de nouvelles pathologies d’origine professionnelle. Pour mieux connaître ces MCP, l’agence a mis en place, en collaboration avec l’Inspection du travail et les services de santé au travail, un système unique de surveillance.
Maladies à caractère professionnel : signalement en croissance
Le taux de signalement des MCP est en croissance : il est passé de 4,9 % en 2007 à 7,1 % en 2018 chez les hommes, et de 6,2 % à 11,4 % chez les femmes. Une forte augmentation était observée entre 2016 et 2018, avec un taux multiplié par 1,4 chez les hommes et 1,5 chez les femmes. Chez les hommes, les taux de signalement les plus élevés étaient régulièrement observés dans les secteurs de la construction et de l’industrie.
Entre 2012 et 2018, près de la moitié des pathologies signalées pour les hommes était des troubles musculo-squelettiques (TMS) et environ un tiers relevait de la souffrance psychique. Venaient ensuite les troubles de l’audition et les irritations et/ou allergies (environ 5 % chacun). La prévalence des TMS étant maximale chez les ouvriers et minimale chez les cadres. Plus de 80 % des agents incriminés lors des signalements de TMS étaient des facteurs biomécaniques (mouvements répétitifs, posture, travail avec force). Chez les hommes, venaient ensuite les agents physiques (9,5 %) dont près des 3/4 concernaient des vibrations. Les troubles de l’audition concernaient majoritairement les hommes (89 %). Parmi eux, la prévalence variait de 0,2 à 0,3 % entre 2012 et 2018. La construction était le secteur le plus concerné (prévalence variant de 0,3 à 0,8 % selon les années).
Sous-déclaration des maladies professionnelles
Autre enseignement clé : la sous-déclaration des maladies professionnelles. Sur l’année 2018, 1 110 TMS signalés en MCP (70,5 % du total) correspondaient en fait à un tableau de MP. Même situation pour les troubles de l’audition qui, dans huit cas sur dix, relevaient d’un tableau de MP. Autrement dit, alors qu’elles auraient pu être déclarées en MP, ces affections ne l’avaient pas été par les salariés. Les raisons de cette sous-déclaration sont multiples : méconnaissance du processus de demande de réparation, bilan diagnostic insuffisant ou encore refus du salarié par crainte de perdre son emploi.
Dernier enseignement : l’érosion du nombre de médecins du travail impliqués dans le projet (17 % de participants en 2012 versus 13 % en 2018). L’agence constate que la surcharge de travail des médecins et des équipes ne leur permet pas toujours de consacrer le temps nécessaire à ces enquêtes. Elle réfléchit à la possibilité de simplifier le recueil de données afin qu’il soit le plus transparent possible pour les praticiens.