Daniel Rigout, président du syndicat des Entreprises générales de France (EGF) évoque l’engagement de son syndicat pour diffuser des bonnes pratiques en prévention santé sécurité. Les sous-traitants et les intérimaires sont impliqués. Interview.
Date : 03/08/2021
Virginie Leblanc
Président d’EGF depuis 2019, Daniel Rigout affirme la priorité accordée par les entreprises adhérentes d’EGF à la protection de la santé et de la sécurité de tous les intervenants. Elle irrigue les initiatives du syndicat, qui portent également sur les sujets d’innovation, de transition environnementale et énergétique.
Article paru dans le magazine PréventionBTP n°253 de juillet-août 2021, pages 34-37
La santé et la sécurité des collaborateurs de nos entreprises sont une préoccupation essentielle, et notre action sur ces sujets résulte de ce que nous sommes : le syndicat professionnel des entreprises générales. Membre à la fois de la FFB et de la FNTP, nous regroupons tous les majors du secteur, mais aussi des ETI et des PME. Un même état d’esprit nous anime, à l’image de notre logo : « Innover dans un monde durable ». Face aux transitions environnementales, énergétiques et numériques, nous nous définissons comme apporteurs de solutions innovantes, globales et engageantes, au service de nos clients et de la société. À ce titre, notre investissement sur la sécurité est à l’image des engagements de résultats que nous prenons auprès de nos clients. Nos taux de gravité et de fréquence en témoignent : ils sont en décroissance continue et près de trois à quatre fois inférieurs à ceux de la profession. Pour autant, nous entendons progresser davantage. Notre ambition reste le zéro accident ou, pour le moins, la capacité de nous hisser au niveau des meilleures industries*.
Cela nous offre un formidable observatoire sur le monde, en particulier sur les sujets de sécurité. Nous avons à apprendre notamment des pays anglo-saxons, qui affichent des taux d’accidentologie souvent bien moins élevés que les nôtres. Ils ont une approche pragmatique de la sécurité avec une vraie responsabilisation de tous les niveaux de la hiérarchie. Ils ont développé les pratiques d’observation des risques par tous à travers des « arrêts sur image » du chantier, où chacun peut alors analyser ce qu’il voit pour détecter les situations à risque, le tout suivi de commentaires et d’analyse. Nous avons un gros intérêt à nous nourrir de toutes ces bonnes pratiques pour progresser.
Nous n’avions jamais rencontré de situation similaire en France. Dès le début, EGF s’est engagé aux côtés de l’OPPBTP pour la rédaction du guide de préconisations de sécurité sanitaire. Nous avons notamment apporté l’expérience de situations comparables vécues en Asie lors des pandémies précédentes. Cette période a démontré que, face à une situation inconnue, le BTP a su réagir vite et s’adapter. Notre profession a pleinement justifié sa position d’industrie essentielle à l’économie du pays. Nous avons également apporté la preuve que nous savions maintenir notre activité en respectant la santé-sécurité des salariés.
Nous pouvons citer comme premier exemple notre livret d’accueil des sous-traitants, qui témoigne de notre volonté d’embarquer tous les intervenants du chantier sur les thèmes de la sécurité. Le partage de règles communes permet d’anticiper les problèmes de coactivité, de planifier et de prioriser les tâches. Deuxième exemple : plus récemment, nous avons voulu donner des outils aux entreprises pour agir sur le sujet difficile de l’usage des substances psychoactives. Drogue, alcool, consommation inappropriée de médicaments viennent troubler gravement l’attention des collaborateurs au bureau ou sur le chantier et générer des risques d’accidents. Le guide que nous avons élaboré offre des outils pratiques aux entreprises pour s’attaquer à ce problème, dans le respect de la liberté individuelle des salariés. Troisième exemple : la création d’un groupe de travail avec les préfabricateurs, afin d’élaborer des outils et des règles communes pour le dimensionnement et le bon positionnement des armatures de frettage. Cette démarche fait suite à la survenue d’accidents liés à des dispositions constructives inadaptées au niveau des ancrages d’escaliers préfabriqués en béton. Notre objectif est que nos entreprises soient en mesure d’exiger des fournisseurs un certain nombre de critères assurant la sécurité des produits utilisés.
EGF organise tous les deux ans un concours Prévention Santé Sécurité. Le premier prix 2020 a distingué le site internet tutopro.fr.
À son lancement, fin 2017, nous sommes partis d’un constat : le nombre d’accidents sur nos chantiers est plus important chez les intérimaires. Ils ne sont pas toujours préparés à l’environnement dans lequel ils vont arriver. Pour y remédier, nous proposons une formation de deux jours sur les prérequis fondamentaux en sécurité dans notre profession, élaborée notamment avec l’ASE BTP et l’OPPBTP. Le PASI BTP, valable dix ans, est une attestation délivrée à l’intérimaire. Une plate-forme d’échanges, mise à disposition par EGF, répertorie à ce jour 46 centres de formation référencés, 22 000 intérimaires formés au PASI BTP, et 1 300 agences de travail temporaire partenaires. Signe du succès de cette formation, le principal syndicat de la FNTP, Routes de France, a décidé mi-avril de le déployer à toutes ses entreprises d’ici au 1 er janvier 2022. Cela représentera un doublement des effectifs. D’ores et déjà, beaucoup de nos adhérents ont imposé le recours à des intérimaires dotés du PASI BTP. Notre objectif est d’aller vers 100 % des intérimaires détenteurs de ce passeport.
Nous voulons être le fer de lance de toute la profession en matière de prévention et faire partager nos objectifs à tous les partenaires du chantier. À cet égard, le premier prix du concours Prévention Santé Sécurité 2020 d’EGF est exemplaire. Il a distingué un site internet, tutopro.fr, qui permet de partager les savoir-faire et les bonnes pratiques sur les chantiers, via une cinquantaine de tutoriels et de vidéos. Le lauréat l’a rendu accessible à tous, y compris ses concurrents. Nous travaillons également sur tout ce qui tend à organiser et à mieux préparer les tâches : c’est favorable à la sécurité. À ce titre, le BIM représente un vecteur de progrès en la matière : notre récente publication « Le BIM pour la sécurité sur les chantiers » en détaille les atouts pour construire en sécurité.
Nous souhaitons tendre vers le chantier 4.0 : zéro accident, zéro carbone, zéro déchet, zéro nuisance. En ce sens, notre obligation première est d’assurer l’intégrité de nos collaborateurs sur les chantiers de construction. C’est pourquoi nous travaillons actuellement sur un indicateur d’accidentologie tous corps d’état, afin d’identifier l’ensemble des AT avec arrêt touchant nos collaborateurs, les intérimaires et les sous-traitants. L’objectif est de pouvoir utiliser ces données pour travailler mieux ensemble. Mais les entreprises générales d’EGF sont également mobilisées pour répondre aux enjeux de transition environnementale et énergétique et à l’objectif de tendre vers une société bas carbone, lesquels vont conduire à faire évoluer l’organisation des chantiers, les modes constructifs et les matériaux employés.
Daniel Rigout, président du syndicat des Entreprises générales de France (EGF)
L’économique ne peut pas être notre motivation de départ quand on parle de sécurité. Cependant, nous savons qu’une bonne organisation, une bonne préparation du chantier, la motivation des équipes agissent favorablement sur la performance des entreprises, sur leur productivité, mais aussi sur la qualité des ouvrages et le respect des délais. C’est un cercle vertueux.
La profession évolue, elle s’empare des techniques innovantes les plus avancées, de l’IA, des modèles numériques. Elle génère un nombre croissant d’emplois qualifiés, elle est au cœur des enjeux de la société et de la construction de la ville de demain. Cela doit être un élément de motivation pour attirer les jeunes vers nos métiers. Et le premier signe de respect à leur égard, c’est de leur garantir des conditions de travail exemplaires.
* Le taux de gravité des AT des entreprises générales était de 0,8 en 2018 (BTP : 2,4 en 2019), et le taux de fréquence de 9,24 en 2018 (BTP : 32,4 en 2019).
Créé en 1903, le syndicat professionnel EGF regroupe une quarantaine d’adhérents représentant un millier d’entreprises sur le territoire. Ils génèrent un chiffre d’affaires annuel de 20 milliards d’euros en France et emploient près de 100 000 collaborateurs. EGF est membre de la FFB et de la FNTP. Le syndicat valorise les bonnes pratiques des entreprises générales sur des sujets techniques et des sujets liés aux ressources humaines et à la responsabilité sociétale. Il accompagne ses adhérents sur les questions juridiques, de logement ou la transition écologique et numérique. Il dispose de quatorze délégations régionales. Tous les deux ans, EGF organise un concours Prévention Santé Sécurité afin de valoriser des innovations et pratiques exemplaires partout en France.
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