Grand entretien avec Olivier Domergue, directeur général de Spie France : « Chacun est acteur de la sécurité »
Le directeur général de Spie France détaille les actions de l'entreprise pour tendre vers l'objectif de « zéro accident » et diffuser la culture sécurité.
Date de mise à jour : 27 janv. 2022
Auteur : Virginie Leblanc
©Spie France
- Spie France s'est distinguée au Concours Sécurité Serce-OPPBTP.
- L'entreprise dispose d'un code prévention sécurité.
- Elle valorise la remontée des presqu'accidents et des bonnes pratiques.
- Article paru dans le magazine Prévention BTP n°257 de décembre 2021-janvier 2022, pages 34-37.
Spie France ne transige pas avec la sécurité. Olivier Domergue, son directeur général, explique comment les collaborateurs de l'entreprise sont mobilisés sur ce sujet. Des règles concrètes à respecter dans les différents métiers sont partagées dans un code de la prévention sécurité Spie. L'entreprise responsabilise ses collaborateurs, acteurs de la sécurité.
Près de deux ans après le début de la crise sanitaire, comment se porte votre entreprise ?
Notre niveau d'activité est quasiment revenu à celui de 2019, après avoir connu une chute de 9 % en 2020. Et nous avons la chance d'être positionnés sur des métiers et des enjeux d'avenir : efficacité énergétique des bâtiments, infrastructures de recharge électrique, photovoltaïque, maintenance de l'éolien en mer, transformation numérique…
Les filiales de Spie se sont distinguées par quatorze prix reçus au Concours Sécurité Serce-OPPBTP. Qu'est-ce que cela révèle de la diffusion de la culture de prévention dans votre entreprise ?
Ces prix récompensent d'abord la créativité et les initiatives de terrain de nos équipes pour faire progresser la prévention. La sécurité fait partie des valeurs de l'entreprise. En 2019, nous avons défini des principes de leadership s'appuyant sur sept piliers, dont le premier est la sécurité. De plus, nous partageons, dans un code de la prévention sécurité Spie créé en 2016, nos principales exigences au regard des risques majeurs rencontrés dans nos métiers. À savoir : ceux liés aux travaux électriques, au travail en hauteur, au levage, à la conduite sur la route, et à la préparation et à la réalisation des chantiers. Nous communiquons beaucoup sur notre objectif de zéro accident, à commencer par le zéro accident grave. En lien avec ce code, nous avons créé un livret de dix règles vitales. Par exemple : « Je m'assure que toutes les sources d'énergie sont identifiées, isolées, condamnées » ou « Je ne passe et ne reste jamais sous une charge suspendue ». Tous les mois, des causeries sont organisées autour de ces dix règles.
Comment vous assurez-vous que les règles diffusées soient assimilées et mises en pratique ?
L'enjeu est que les règles de notre code de la prévention s'enracinent dans les pratiques quotidiennes. Cela fait maintenant deux ans que nous avons lancé des écoles mobiles de la sécurité (EMS), pour porter la culture sécurité au plus près des équipes. Nous disposons de huit EMS. 11 400 personnes ont été formées lors de 2 500 sessions, dont chacune accueille six personnes maximum. Ces modules d'une demi-journée mixent théorie et mises en situation, avec des simulateurs de conduite et l'utilisation de lunettes de réalité virtuelle. C'est essentiel pour ancrer la culture sécurité. Il faut que chacun soit conscient qu'il est acteur de la sécurité.
Cela fait maintenant deux ans que nous avons lancé des écoles mobiles de la sécurité, pour porter la culture sécurité au plus près des équipes.
Comment maintenez-vous la mobilisation des équipes sur les sujets de prévention ?
Les accidents arrivent sur les chantiers mais souvent leurs causes sont liées à une mauvaise préparation, à une coactivité qui aurait pu être évitée, à des protections collectives non mises à disposition… La sécurité concerne tout le monde, pas uniquement les opérateurs sur les chantiers. Nous déclinons cela en objectifs individuels pour les managers. Une partie de leur rémunération annuelle variable est assujettie aux résultats en matière de sécurité. Nous nous inscrivons dans un processus de sanction juste et de reconnaissance. Lors d'un accident, un logigramme aide le manager et le QSE à analyser la responsabilité de la victime, mais aussi celle de son manager et de toute la ligne hiérarchique. Les sanctions peuvent aller jusqu'au licenciement. La reconnaissance, elle, passe par la valorisation de la remontée des presqu'accidents et des bonnes pratiques et les remises de prix.
Les outils digitaux au service de la prévention se répandent dans le BTP. Quels sont vos usages ?
Nos 3700 encadrants de chantier ont, pour 95 % d'entre eux, un mail, 90 % un téléphone et 83 % un smartphone. Nos opérateurs sont aussi de plus en plus équipés. L'objectif est de faciliter les interactions entre les équipes présentes sur chantier et leur hiérarchie. Par exemple, nous avons régulièrement des accidents liés à des chutes à travers des faux plafonds. Grâce à un outil doté de workflows, le chef de chantier qui doit intervenir à proximité d'un faux plafond doit mener une analyse spécifique de la situation, et envoyer les informations à son manager ainsi qu'à son QSE afin de définir les bonnes conditions d'intervention. Nous alimentons aussi nos causeries avec des vidéos et des témoignages, bien plus percutants qu'une communication « top-down ». Au niveau du groupe Spie, nous avons décidé de réaliser une vidéo à chaque accident grave. Nous misons sur le témoignage des personnes pour expliquer l'accident et revenir sur ce qu'aurait dû être le bon mode opératoire.
Quelles tendances observez-vous quant à votre sinistralité ?
Comme toutes les entreprises, nous regardons notre taux de fréquence ainsi que notre taux de gravité. Et nous comptabilisons évidemment les accidents de nos intérimaires. Nous observons que de moins en moins d'accidents sont liés à des risques majeurs, aujourd'hui 5 % à 6 %, contre 12 % en 2019. Mais 70 % de nos accidents sont liés aux TMS, à la circulation et aux chutes de plain-pied, ainsi qu'à l'utilisation de machines et outillages. Face à ce constat fait en 2020, nous avons élaboré pour 2021 un module d'éveil musculaire, réalisé avec un prestataire, My Ostéo Prévention. Nous regardons aussi les disparités entre nos directions d'activité. Nous travaillons sur une grille d'analyse de maturité de la culture sécurité afin d'identifier les entités où la maturité est élevée et celles où elle l'est moins. Ce qui permet de cibler davantage les entités les moins en avance, là où la marge de progrès en prévention sera la plus grande. Nous allons déployer ces analyses de maturité à partir de janvier 2022.
Le dialogue sur nos contraintes respectives nous aide à faire progresser la prévention.
- Votre mot préféré ? Ensemble-Valeur(s), au sens de la création de valeurs et des valeurs.
- Le mot que vous détestez ? Certitude.
- Le métier que vous auriez aimé exercer en dehors du vôtre ? Écrivain ou menuisier.
- Le métier que vous n’auriez pas aimé faire ? Huissier ou employé de pompes funèbres.
- Votre bâtiment préféré ? Le Stade de France (notamment car j’ai participé à sa construction).
- Le son, le bruit que vous aimez ? La musique rock-Le son des vagues.
- Le son, le bruit que vous détestez ? La cloche ou le marteau-piqueur.
- Le livre que vous emporteriez sur une île déserte ? 22/11/1963 de Stephen King.
- Une personnalité pour illustrer un nouveau billet de banque ? Simone Veil (Femme/Talent/Persécution).
Vous êtes également président de la commission Santé-sécurité du Serce. Comment s'organise le partage de bonnes pratiques dans la profession ?
Le concours Serce-OPPBTP, déjà évoqué, est un excellent moyen pour partager des bonnes pratiques avec l'ensemble de la profession. Dans la commission Santé-sécurité, les entreprises travaillent ensemble, elles ont bien compris que la prévention n'est pas un sujet de compétition. À chaque réunion, nous faisons un tour de table sur nos accidents graves, ce qui nous amène à travailler sur des sujets communs. Aujourd'hui, nous lançons un groupe de travail sur l'intérim afin de disposer d'un socle commun d'exigences vis-à-vis des entreprises de travail temporaire. De plus, nos clients, comme EDF, Enedis ou la SNCF, sont invités à nos réunions, et ils sont preneurs de notre approche visant à partager le risque. Le dialogue sur nos contraintes respectives nous aide à faire progresser la prévention.
Olivier Domergue
Après un début de carrière au sein du groupe Bouygues, Olivier Domergue rejoint Spie en 2007. Il est directeur général de Spie France depuis 2017.
- 1988 : École nationale des ponts et chaussées (filière génie civil).
- 1990 : Responsable d'affaire puis d'activité chez Colas.
- 1996 : Ingénieur Projet au sein des équipes du Stade de France & de Cœur Défense chez Bouygues Bâtiment Île-de-France.
- 2001 : Team manager chez Bouygues Construction (changement d'ERP).
- 2003 : Directeur d'activité génie climatique chez Bouygues Energies & Services.
- 2007 : Directeur d'activité génie climatique chez Spie Île-de-France Nord-Ouest.
- 2013 : Directeur général de Spie Nucléaire.
- Depuis 2017 : Directeur général de Spie France.
Spie France
Filiale du groupe Spie, Spie France est un acteur majeur de la transition énergétique et numérique. Ses métiers recouvrent aussi bien l'installation et la maintenance de systèmes électriques, de chauffage et climatisation, de ventilation des bâtiments, les utilités et automatismes pour l'industrie, que la pose de réseaux de télécommunication fixes ou mobiles, ou encore la gestion d'infrastructures informatiques et de traitement de données. L'entreprise est organisée en cinq filiales et six divisions nationales, Spie ICS (services numériques et technologiques), Spie CityNetworks (réseaux d'énergie et numériques, transports et services à la cité), Spie Facilities (maintenance et facility management), Spie nucléaire (services spécialisés pour l'industrie nucléaire), et enfin Spie Industrie & Tertiaire (partenaire industriel de référence pour des solutions smart et agiles) et la division tertiaire de Spie Industrie & Tertiaire (construction et rénovation de bâtiments intelligents et performants). Spie France compte 19 000 collaborateurs qui interviennent depuis plus de 400 implantations nationales. Avec près de 45 500 collaborateurs dans le monde et un fort ancrage local, Spie a réalisé, en 2020, un chiffre d'affaires consolidé de 6,6 milliards d'euros.