Embaucher un travailleur européen : zoom sur les travailleurs détachés
En 2022, la France comptait hors transport routier, 223 300 salariés détachés au moins une fois en France par des entreprises étrangères établies à l’étranger, effectuant 646 900 détachements. 42 % de ces salariés travaillent dans la construction.
Une directive européenne applicable depuis juillet 2020 renforce le droit des travailleurs détachés. Pour lutter contre le travail illégal, la loi impose également au secteur du BTP une carte d'identification professionnelle.
Droit des salariés détachés, obligation des employeurs et des donneurs d'ordre. Nous faisons le point.
Date de mise à jour: 28 août 2023
©OPPBTP
Qu’est-ce qu’un travailleur détaché ?
Le travailleur détaché est salarié d’une entreprise de l’Union européenne qui l’envoie travailler pendant une période limitée sur le territoire d’un autre État membre de l’Union. La durée du détachement ne peut excéder 12 mois. Elle peut éventuellement être prolongée de 6 mois sur demande motivée de l’employeur. Attention, le travailleur détaché ne doit pas être confondu avec un salarié indépendant, ressortissant d’un état membre souhaitant s’installer de manière durable en France.
Une entreprise étrangère peut envisager de détacher ses salariés en France dans l’un de ces trois cas :
- Réaliser une prestation de services pour une entreprise française.
- Détacher un salarié au sein d’une entreprise du même groupe.
- Mettre à disposition des salariés au titre du travail temporaire.
Vous êtes salarié détaché : quels sont vos droits ?
La réglementation européenne sur les travailleurs détachés a fait l’objet de beaucoup de discussions depuis plusieurs années. Les dernières modifications datent de 2018 instituant un nouveau « noyau dur » de règles.
Vous êtes en France dans le cadre d’un détachement, vous bénéficiez donc d’un certain nombre de droits minimum garantis :
- une égalité de rémunération avec les travailleurs locaux y compris en ce qui concerne les heures supplémentaires, primes et indemnités ;
- les libertés individuelles et collectives ;
- la non-discrimination professionnelle ;
- l’égalité professionnelle hommes-femmes ;
- les congés payés ;
- la protection de la maternité, les congés de maternité et de paternité et d’accueil de l’enfant, les congés pour événements familiaux ;
- la durée du travail, les repos compensateurs, les jours fériés, les congés annuels payés, la durée du travail et le travail de nuit des jeunes travailleurs ;
- l’application des conventions collectives et des accords interprofessionnels ;
- le remboursement des frais de déplacement et de logement. L’employeur devra rembourser les coûts supplémentaires que représentent les frais de voyage, de nourriture et de logement. Ces montants ne peuvent pas être déduits du salaire du travailleur détaché.
En revanche, les règles françaises relatives à la conclusion et à la rupture du contrat de travail, à la représentation du personnel, à la formation professionnelle et à la prévoyance ne sont pas applicables aux travailleurs détachés. Ce sont les règles de votre pays d’origine qui s’appliquent. Cependant, au-delà de la durée maximale de 12 ou 18 mois, si l’employeur a demandé une prolongation, vous ne serez plus soumis aux règles spécifiques au détachement : les règles relatives aux conditions de travail et d’emploi du pays d’accueil seront appliquées, et non seulement les règles du noyau dur.
Les obligations de l’employeur avant l’arrivée du travailleur détaché
Le travailleur détaché citoyen d’un des pays de l’Union européenne n’a pas besoin de permis de travail pour effectuer des missions en France. Cependant, son employeur est soumis à certaines obligations.
Déclarer le détachement
En tant qu’employeur d’un salarié détaché en France, vous avez pour obligation de respecter certaines conditions et formalités légales. Ainsi, avant le début de la mission de votre salarié détaché, vous devrez faire une déclaration préalable à l’inspection du travail du lieu de la mission en vous connectant sur le site du Sipsi.
Désigner un représentant légal
Vous allez devoir désigner un représentant légal sur le sol français capable de faire le lien avec les agents de contrôle et leur fournir les documents nécessaires.
Vous êtes le donneur d'ordre ou le maître d'ouvrage du prestataire de services établi hors de France et détachant temporairement ses salariés ? N’oubliez pas de vérifier, avant le début du détachement, qu’il s'est bien acquitté de ses obligations vis-à-vis de l’inspection du travail et a désigné un représentant en France.
Demander une carte d’identification professionnelle
Afin de lutter contre la fraude aux travailleurs détachés depuis l'étranger, la loi impose aux employeurs de demander pour leur salarié ou intérimaire détaché une carte d’identification professionnelle. Cette demande, payante, s’effectue exclusivement en ligne sur le site cartebtp.fr.
La carte BTP comprend des informations sur le salarié (nom, prénom, sexe, date de délivrance de la carte et son numéro, un identifiant, les coordonnées de l'Union des caisses de France et une photo du salarié) et sur l'employeur (nom, numéro Siren). Elle est valable pendant toute la période du détachement.
Cette carte devra être présentée lors des contrôles de l'inspection du travail. Si vous n’avez pas fait cette déclaration, vous risquez jusqu'à 4 000 euros d'amende par salarié non déclaré (8 000 euros en cas de récidive dans un délai de deux ans à compter du jour de la notification de la première amende).
S’affilier à la caisse de congés payés
En tant qu’employeur établi hors de France d’un salarié détaché, vous avez également l’obligation de vous affilier à la caisse de congés payés et ainsi de verser des cotisations au titre du régime « chômage intempéries » et de l’organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP). Toutefois, pour les entreprises de l'UE, l’EEE ou la Suisse, il existe des dispenses d’affiliation, en cas de preuve d’un régime équivalent, dans leur pays.
Les règles de santé et de sécurité au travail
Les règles pour l’employeur étranger
En tant qu’employeur effectuant une prestation de service en France, vous êtes responsable de la protection de la santé et de la sécurité de vos salariés détachés pour cette mission. Vous devez veiller à la sécurité des lieux de travail de vos salariés en tenant compte des risques professionnels auxquels ces derniers peuvent être exposés pendant leur période d’activité en France (travail en hauteur, risque d’exposition à l’amiante, au bruit…).
Ils doivent bénéficier des prestations d’un service de santé au travail, sauf si vous pouvez démontrer que vos salariés sont soumis à une surveillance équivalente dans leur pays d’origine.
Les règles pour l’entreprise utilisatrice
Dans certains cas, c’est l’entreprise utilisatrice ou le donneur d’ordre qui prend en charge l’organisation matérielle des obligations relatives à la santé au travail du salarié dans le cadre de son propre service de santé au travail :
- lorsque le détachement se fait pour le compte d’un employeur et sous sa direction dans le cadre d’un contrat de prestation avec un bénéficiaire établi en France ;
- lorsque le détachement se fait dans un établissement de la même entreprise ou dans une entreprise d’un même groupe ;
- lorsque le détachement est effectué par une entreprise de travail temporaire étrangère.
En revanche, si un salarié est détaché pour le compte d’un employeur établi dans un pays tiers mais qu’il n’existe pas de contrat entre l’employeur et le bénéficiaire du détachement (ou si l’entreprise intervient pour le compte d’un particulier), il appartient alors à l’entreprise étrangère d’adhérer, pour ses salariés détachés, au service de santé au travail interentreprises territorialement et professionnellement compétent.
Embauche d'un travailleur européen : quelle protection en cas d’accident ou de maladie ?
Pour bénéficier de la prise en charge des soins en France :
- L’employeur doit informer l’organisme de son pays du détachement et remettre au salarié le formulaire A1 indiquant la législation de sécurité sociale applicable au travailleur détaché.
- Le salarié demande le document S1 à la caisse d’assurance maladie de son pays d’origine et le remet dès son arrivée en France à la CPAM de son lieu de résidence. Ce document permet d’obtenir un numéro de sécurité français et une carte vitale, et ainsi de se faire rembourser des soins en France.
Si le salarié détaché n’est pas affilié au régime français de sécurité sociale et qu’il est victime d’un accident du travail, une déclaration doit être faite par l’employeur ou son représentant à l'inspection du travail dans les 48 heures (en cas de détachement par une entreprise de travail temporaire étrangère, cette déclaration est faite par l’entreprise utilisatrice ou le donneur d’ordre).