Entre 50 000 et 150 000 travailleurs européens utilisent le plomb, un produit classé dans la liste des cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR) dont l'usage n'est pas entièrement interdit en France. Reconnu comme toxique pour la reproduction, ses effets sont différents en fonction des individus et des quantités absorbées. En matière de prévention des risques professionnels, la recherche de plomb avant travaux répond aux principes généraux de prévention du Code du travail, dont l’article L4121-2 - 2° dispose qu’il faut « évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ». Il existe cependant d’autres sources et d’autres règles dans le domaine du plomb qui contraignent certains acteurs de la construction et concourent ainsi à évaluer ce risque.
Rédigé le 24/07/2024
Pour rappel, le plomb massif (plomb métallique tel que retrouvé dans les joints de vitraux, les éléments de couverture…) n’est pas interdit en France ni ailleurs en Europe.
Cependant, beaucoup de personnes pensent à tort qu'il existe une date « d’interdiction du plomb ». En réalité, la fin annoncée de l’utilisation de la céruse et de l’anglésite dans les travaux de peintures « réalisés par des professionnels » (Décret n° 48-2034 du 30 décembre 1948) a conduit à l’obligation de rechercher le plomb dans les bâtiments datant d’avant 1949.
Ce n’est qu’en 1994 que la mise sur le marché des préparations destinées aux travaux de peinture contenant de la céruse ou des sulfates de plomb a été interdite. Sur la base de cette interdiction et d’une étude menée sur le sujet (Jean-Paul Lucas et al. 2011. Étude Plomb-Habitat. Contamination par le plomb des logements français abritant au moins un enfant âgé de 6 mois à 6 ans - rapport final), 1994 peut donc être retenue comme la date à partir de laquelle la présence de plomb dans les peintures décoratives (esthétiques) pour le bâtiment est peu probable.
Au-delà de 1994, la vigilance reste de mise car des pigments (tels que le chromate de plomb (n° CAS 7758-97-6), le sulfochromate de plomb jaune (C. I. Pigment Yellow 34, n° CAS 1344-37-2), le chromate de plomb molybdate sulfate rouge (C. I. Pigment Red 104, n° CAS 12656-85-8) sont encore parfois incorporés dans des peintures techniques professionnelles et industrielles.
Au regard de la multitude de composés à base de plomb et de dérivés chimiques, le plomb peut encore apparaître sous différentes formes et avoir été utilisé dans un passé proche, voire être encore employé dans certains cas aujourd’hui.
Depuis août 2008 (arrêté du 19 août 2011 relatif au CREP et article L1334-5 du Code de la santé publique), un constat de risque d’exposition au plomb (Crep) doit être établi (article L1334-8 du Code de la santé publique) avant tous travaux portant sur les parties à usage commun d'un immeuble collectif affecté en tout ou partie à l'habitation et construit avant le 1er janvier 1949.
Les objectifs du Crep sont de :
L'altération des revêtements est considérée comme substantielle lorsqu'au moins une des conditions suivantes est vérifiée (article L1334-8 du Code de la santé publique / Arrêté du 25 avril 2006 relatif aux travaux en parties communes nécessitant un Crep) :
Il est cependant nécessaire de s’interroger sur d’autres revêtements qui, même s’ils ne contiennent pas habituellement du plomb, peuvent masquer certains matériaux qui en contiennent, par exemple les crépis, papiers peints, peintures et enduits récents, toiles de verre, moquettes, linoléum, tissus muraux et autres revêtements muraux composés d'une feuille de plomb contrecollée sur du papier à peindre…
Certains revêtements de type carrelage ou canalisations, qui renferment souvent du plomb, ne sont pas visés par l’établissement d’un Crep car le plomb n’est pas « accessible » à la population par inhalation ou par ingestion. Cependant, cela peut être différent pour les travailleurs en fonction des modes opératoires mis en œuvre.
Le diagnostic de risque d’intoxication par le plomb des peintures (Dripp) (arrêté du 19 août 2011) est réalisé lorsque le préfet d’un département est informé d’un cas de saturnisme infantile dans un immeuble ou partie d’immeuble, ou si un risque d’exposition au plomb lui est signalé. Il saisit alors l’agence régionale de santé afin de faire réaliser un Dripp portant sur les revêtements de l’immeuble concerné. Si le diagnostic est positif, le préfet informe le propriétaire par lettre recommandée avec accusé de réception de son obligation d’effectuer des travaux dans son immeuble. Un contrôle est réalisé à l’issue de ces travaux.
Le Dripp poursuit des objectifs et une métrologie similaire au Crep.
Même si des travaux ont été menés pour supprimer la source d’exposition, des matériaux repérés au cours de l’enquête peuvent subsister ou ne pas avoir été identifiés comme étant à l’origine de la situation dangereuse, voire avoir été « seulement recouverts ou encapsulés » pour ne plus être accessibles. Il est donc nécessaire de procéder à une nouvelle évaluation du risque plomb préalablement à des travaux.
En complément des diagnostics liés au saturnisme et à la recherche de plomb avant la réalisation de travaux, un contrôle après travaux (en application de l'article L1334-2 du Code de la santé publique) est également nécessaire. Cependant, il ne s’applique que dans les cas suivants (articles R1334-8 Code de la santé publique et L511-14 Code de la construction et de l’habitation) :
Dans chacun des locaux concernés, une inspection des lieux est menée à l'issue des travaux, au moins une heure après le nettoyage des surfaces. Elle doit permettre de s’assurer que :
Un prélèvement surfacique (test lingette) est alors réalisé. Pour que le résultat soit « recevable », celui-ci ne doit pas excéder la valeur seuil actuelle de 1 000 µg/m² (et dans une démarche de prévention, ne pas être supérieur à l’empoussièrement initial).
La valeur seuil prévue au Code de la santé publique a pour origine de « prévenir » les cas de saturnisme (consensus établi dès 1999) et est retenue usuellement à défaut de seuil défini dans le Code du travail (voir Plomb dans l’environnement extérieur – Recommandations pour la maîtrise du risque, Rapport du groupe de travail du Haut Conseil de la santé publique du 1er février 2021).
Avant d'organiser des travaux de démolition dont la surface hors œuvre brute est supérieure à 1 000 m² (article R126-8 du Code de la construction et de l'habitation) ou des travaux de « rénovation significative », le maître d’ouvrage doit faire caractériser les déchets du chantier et notamment les déchets dangereux contenant de l’amiante ou du plomb (article R126-11 du Code de la construction et de l’habitation).
On considère comme une rénovation significative de bâtiment toute opération consistant à détruire ou à remplacer au moins deux des éléments de second œuvre mentionnés ci-après, à condition que les travaux concernés conduisent à détruire ou remplacer une partie majoritaire de chacun de ces éléments :
Il n’existe pas d’exigences techniques en termes de repérage du plomb au sein du Code du travail, à l’instar de réglementations relatives à certaines poussières cancérogènes.
Le maître d’ouvrage a cependant l’obligation (article L4531-1 du Code du travail) de mettre en œuvre certains des principes généraux de prévention prévus à l’article L4121-2 du Code du travail et notamment le principe lié à l’évaluation des risques de son opération.
L’entreprise qui réalise un déplombage et/ou d’autres travaux en présence de plomb est également tenue de procéder à l’évaluation des risques auxquels sont exposés ses salariés au titre du même article. Cette évaluation est transcrite dans son document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP).
En l’absence d'un cadre méthodologique réglementaire précis, la norme NF X46-035 (Repérage plomb - Recherche de plomb avant travaux dans les revêtements et matériaux et produits de construction) a été publiée en 2021. Elle définit les modalités de réalisation d’un repérage de plomb avant travaux « RAT Pb » en coordination avec les acteurs concernés, notamment les diagnostiqueurs (liste des diagnostiqueurs certifiés accessible sur le site du ministère de la Transition écologique, de la Cohésion des territoires et de la Mer). Le domaine d’application de cette norme se limite aux matériaux d’immeubles bâtis présentant du plomb ajouté intentionnellement. Cependant, à défaut d’autres sources, rien n’interdit d’utiliser un certain nombre des principes méthodologiques et techniques de cette norme afin de réaliser un RAT Pb sur un périmètre plus large que celui cité dans la norme, comme pour la recherche de plomb dans d’autres ouvrages ou encore du fait d’une pollution résiduelle (poussières et particules sur les sols ou façades…).
En application des principes généraux de prévention, le maître d’ouvrage doit envisager l’opportunité de déplomber les zones avant l’intervention des différents corps d’état.
Dans le cas d’une rénovation, hormis pour le cas particulier des monuments historiques ou dans le cadre d’éléments en plomb massif visibles (tels que la couverture) où d’autres contraintes peuvent intervenir en lien avec les cahiers des charges de conservation du patrimoine, la substitution par d’autres matériaux ne contenant pas de plomb est à privilégier.
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