L’employeur est le premier acteur de la mise en place de la démarche de prévention au sein d’une entreprise. Il est tenu d’une obligation de sécurité qui lui impose de prendre toutes les mesures pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés. Nous faisons le point sur les contours et l’évolution de cette notion d’origine jurisprudentielle au fil des années.
Rédigé le 13/06/2024
L’obligation de sécurité de l’employeur s’articule autour de 3 axes :
Ce sont les juges qui, à l’occasion d’arrêts rendus dans des situations réelles de travail, définissent les pratiques qui constituent des manquements à l’obligation de sécurité des employeurs. En pratique, la Cour de cassation a notamment reconnu le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité dans les situations suivantes :
Jusqu’en 2002, la Cour de cassation considérait en France que l’employeur était tenu d’une obligation de sécurité de moyen, c’est-à-dire qu’il devait mettre en œuvre des moyens permettant d’assurer la sécurité des salariés.
A l’occasion des arrêts dits « amiante » du 29 février 2002 (Cass, Soc, 28 février 2002, n° 00-11.793 ; n° 00-10.051 ; n° 99-21.255), l’obligation de sécurité de l’employeur a pris la forme d’une obligation de sécurité de résultat.
Le seul constat de l’atteinte à la santé ou à la sécurité du salarié suffisait alors à qualifier le manquement de l’employeur à son obligation, quelles que soient les mesures de prévention prises par l’employeur. Cette définition jurisprudentielle entraînait une reconnaissance quasiment systématique de la responsabilité de l’employeur.
Il a par exemple été jugé que l’exposition à un risque, cumulée à l’insuffisance de mesures de prévention, était suffisante pour retenir le non-respect de l’obligation de sécurité de l’employeur, même si aucun accident du travail ou maladie professionnelle n’avait été préalablement reconnu (Cass. Soc., 30 novembre 2010, n° 08-70.390).
Il a également été reconnu que l’employeur manquait à son obligation de sécurité dès lors qu’un salarié était victime sur le lieu de travail d’agissements de harcèlement moral ou sexuel exercés par un autre de ses salariés, quand bien même l’employeur aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements (Cass. Soc, 3 février 2010, n° 08-44.019).
En pratique, l’employeur ne réussissait à s’exonérer de sa responsabilité en cas d’atteinte à la sécurité du salarié qu’en démontrant l’existence d’un cas de force majeure (Cass, Soc, 4 avril 2012, n° 11-10.570).
Puis l’évolution de la jurisprudence, initiée par un arrêt du 25 novembre 2015 (Cass, Soc, n° 14-24.444), dit arrêt « Air France », a conduit les juges à davantage tenir compte des mesures de prévention mises en place par l’employeur pour apprécier le respect de son obligation de sécurité. La Cour de Cassation soumet désormais l’employeur, non plus à une obligation de sécurité de résultat, mais à une obligation de sécurité de moyens dite « renforcée ».
Les décisions rendues postérieurement à cet arrêt ont permis de confirmer que l’employeur n’est plus tenu d’une obligation de sécurité de résultat engageant de plein droit sa responsabilité. Il peut démontrer qu’il a respecté son obligation de sécurité dès lors qu’il apporte la preuve qu’il a mis en œuvre toutes les mesures de prévention nécessaires pour préserver la santé et la sécurité des salariés. La charge de la preuve du respect de l’obligation de sécurité repose donc sur l’employeur (Cass, Soc, 28 février 2024, n° 22-15.624). C’est à ce dernier d’apporter la preuve de ce qu’il a mis en œuvre.
Désormais les juges réalisent un contrôle plein et entier sur la qualification de manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur en analysant chaque mesure de prévention prise par l’employeur.
En matière de harcèlement moral ou sexuel au travail, les mesures immédiates prises par l’employeur pour faire cesser une situation seront également prises en compte par les juges pour apprécier le respect de son obligation de sécurité (Cass, Soc, 7 décembre 2022, n° 21-18.114).
Bien qu’un danger ait pu se matérialiser, si l’employeur parvient à démontrer avoir accompli toutes les mesures générales de prévention prévues à l’article L4121-1 du Code du travail, dans le respect des principes généraux de prévention prévus à l’article L4121-2 du Code du travail, son obligation pourra être considérée comme respectée.
Nota : l’éventuelle faute d’imprudence commise par un salarié n’a pas d’incidence sur l’obligation de sécurité de l’employeur (Cass, Soc, 15 nov. 2023, n° 22-17.733).
Tout salarié qui estime que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, ou qui constate une défectuosité dans les systèmes de protection, peut quitter son poste de travail ou refuser de s'y installer. C’est ce que l’on appelle le droit de retrait.
Il a le droit d'arrêter son travail sans l'accord de son employeur et, si nécessaire, de quitter son lieu de travail pour se mettre en sécurité. Il n'est pas tenu de reprendre son activité tant que la situation de danger persiste.
L’exercice du droit de retrait est cependant encadré :
Nota : Aucune sanction, ni aucune retenue de salaire ne peut être prise par l'employeur à l'encontre du travailleur ou du groupe de travailleurs qui a exercé son droit de retrait de manière légitime.
Si un salarié estime que son employeur n’a pas respecté son obligation de sécurité en commettant des manquements graves, il peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur, ce qui est un mode de rupture du contrat de travail à l’initiative des salariés disposant d’un contrat de travail à durée indéterminée (CDI).
L’employeur d’un salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle (AT/MP) s’expose également à devoir verser une réparation financière en cas de faute inexcusable. La reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur permet au salarié victime (ou à ses ayants droit en cas de décès) d’obtenir une indemnisation complémentaire (majoration de rente ou de capital, dommages et intérêts), en plus des prestations auxquelles il avait déjà droit en application du Code de la sécurité sociale. Cette reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur doit être demandée par le salarié victime ou ses ayants droit devant le pôle social du Tribunal judiciaire.
Pour que la faute inexcusable de l’employeur soit retenue, il reviendra au salarié de démontrer que la survenance de l’AT/MP résulte d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, et que l’employeur avait ou aurait dû avoir connaissance du danger auquel il était exposé et qu’il n’a pas pris les mesures pour l’en préserver.
Le manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur peut également éventuellement faire l'objet d'une condamnation pénale de l’employeur au tribunal correctionnel.
Celui-ci peut en effet voir sa responsabilité pénale engagée en cas d’accident du travail sur le fondement du Code pénal qui sanctionne le délit d’atteinte involontaire à la vie (article 221-6 du Code pénal) ou à l’intégrité physique (articles 222-19 et suivants du Code pénal).
Un employeur (ou son délégataire) peut également être poursuivi sur le fondement de l’article L4741-1 du Code du travail qui prévoit une amende de 10 000 € maximum en cas d’infraction aux règles d'hygiène et de sécurité au travail relatives aux sujet suivants :
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