En hyperbarie sèche ou humide, au cours de travaux publics sous-marins, de percement de tunnels ou en caisson immergé, les opérateurs hyperbares (plongeurs, scaphandriers) peuvent être soumis à des contraintes physiologiques importantes dues aux pressions élevées du milieu de travail. Leur santé peut en être affectée. Destiné au chef d'opération hyperbare (COH), au médecin hyperbare référent et au médecin chef de service du caisson hyperbare référent, ce focus prévention informe sur les différents types d'accidents mécaniques, biochimiques ou de décompression, leurs symptômes et leur prise en charge.
Rédigé le 27/11/2023
Un milieu hyperbare est un milieu dont la pression est supérieure à la pression atmosphérique. Toutefois, la notion de travail en milieu hyperbare ne s’applique que pour des pressions relatives supérieures à 100 hectopascals (hPa), soit l’équivalent d’environ 1 mètre d’eau, ce qui exclut, sans être exhaustif, les salles blanches en surpression, les blocs opératoires, l’industrie de micro-processeurs ou les structures gonflables pour le sport.
Le travail en milieu hyperbare peut s’effectuer en hyperbarie sèche, lors de travaux réalisés dans une enceinte où la pression est augmentée (hyperbarie médicale : chambre hyperbare thérapeutique, tubistes dans les tunneliers, contrôleurs de cellules d’avion par un test en pression, vérificateurs d’étanchéité des enceintes de confinement des centrales nucléaires…) ou en hyperbarie humide (cas des scaphandriers immergés, des aquaculteurs, des plongeurs soigneurs en aquariologie…). Ces activités sont des activités à risques pour la santé liés aux variations de pression.
P = F / S |
1 013,25 hPa = 101,325 kPa = 1,01325 bar = 1 ATA ≈ 10 m H2O ≈ 760 mm Hg ≈ 1 kg.cm-2 |
L’air atmosphérique exerce une pression, laquelle mesurée par des baromètres, est au niveau de la mer de 1 013 hPa. C’est une pression absolue.
Les instruments qui mesurent la pression dans un récipient sont des manomètres. Ils évaluent la différence de pression entre le contenu du récipient et la pression atmosphérique. C’est une pression relative. Elle peut augmenter en hyperbarie sèche dans une atmosphère comprimée ou en hyperbarie humide. Cette pression est égale à : P = h . M . g
Les unités sont : P en pascal ; h (hauteur de la colonne du liquide ou du terrain) en mètre ; M (masse volumique du liquide ou du terrain) en kg.m-3 ; g (accélération de la pesanteur) = 9,81 m.s-2. Ainsi, une colonne d’eau d’une hauteur de 10,33 mètres exerce une pression relative de 1 013 hPa ou 1,013 bar.
Les expositions professionnelles dans un milieu liquide n'ont pas lieu uniquement dans l’eau. Elles peuvent se produire dans des boues comme la bentonite de masse volumique plus élevée. De même, en cas de travail souterrain en tunnelier, on doit connaître la masse volumique du terrain afin de calculer la pression réelle exercée.
Les tables MT 2019 du ministère du Travail comportent des tables de plongée en bentonite de différentes densités, allant de 1,1 à 1,4.
Un certain nombre de travaux hyperbares ont lieu dans des régions montagneuses où l’altitude est élevée. Par conséquent, la pression atmosphérique étant plus basse, une adaptation des tables de décompression est nécessaire en particulier pour l’entretien de barrages (nettoyage des embâcles des grilles, inspection) ou l'inspection de piles de ponts :
Altitude (mètre) | Pression (hPa) | Pression (ATA) |
0 | 1 013 | 1 |
1 000 | 899 | 0,89 |
1 500 | 845 | 0,83 |
2 000 | 795 | 0,78 |
Les tables de décompression du ministère du Travail (MT 2019) « prennent en compte une pression atmosphérique standard en surface arrondie à 1 000 hPa (1 bar). Ces tables sont prévues afin d’être utilisées à des altitudes variant entre 0 et 300 mètres au-dessus du niveau de la mer et pour une variation de 0 à 30 hPa (0,03 bar) de la pression barométrique. En cas de changement plus important d’altitude ou de pression atmosphérique en surface, il conviendra d’utiliser la méthode de plongée en altitude ».
Les lois des gaz s’expriment en pression absolue. La pression atmosphérique terrestre est égale à 1 013 hPa = 1 ATA = 760 mm Hg ≈ 1 bar.
Pression x Volume = Constante |
Si la pression augmente, les volumes gazeux diminuent et inversement, si la pression diminue, les volumes gazeux augmentent. Ceci explique les risques d’accidents mécaniques.
Les variations de volume sont plus importantes dès les premières variations de pression :
Dans un mélange gazeux, la pression partielle d’un gaz est la pression qu’il aurait s’il était seul dans le milieu :
Pression partielle gaz = Fraction gaz x Pression absolue |
Poxygène = 0,21 x 760 mm Hg = 159 mm Hg
La somme des pressions partielles des différents gaz constituant le mélange est égale à la pression totale.
Poxygène + Pazote + Pgaz rares = Patmosphérique
Cela signifie qu’on peut modifier la pression partielle d’un gaz en modifiant sa concentration (%) ou fraction (0 à 1) ou bien la pression ambiante, ou bien les deux. Ceci explique, à titre d’exemple, la toxicité de l’oxygène en inhalant de l’air à une profondeur de 60 mètres.
Ainsi, certains gaz présents dans l’air inhalé peuvent devenir toxiques lorsque leur pression partielle est augmentée sous l’effet de l’augmentation de pression ambiante.
C’est le cas de l’azote, de l’oxygène, du gaz carbonique et de divers polluants comme le monoxyde de carbone, le méthane, l’hydrogène sulfuré, les vapeurs d’huiles.
A température constante et à saturation, la quantité de gaz dissous dans un liquide est proportionnelle à la pression partielle qu’exerce ce gaz sur le liquide en fonction d’un coefficient de solubilité α dépendant du gaz et du solvant. Ainsi, le gaz carbonique (CO2) est plus soluble dans l’eau et le sang, que le dioxygène (O2), plus soluble que l’azote (N2), plus soluble que l’hélium (He).
La loi de Henry explique l’accumulation de gaz dissous (ou tension de gaz) dans les tissus en fonction de la pression de ce gaz (donc de la profondeur) et de la durée d’exposition, ce qui conduit à la saturation. A saturation complète, il ne se dissout pas plus de gaz dans le liquide concerné qu’il ne s’en échappe.
Lorsqu’on diminue la pression de l’air respiré (décompression), la pression de l’air alvéolaire diminue, la quantité d’azote dissous dans les tissus diminue, c’est-à-dire que le nombre de molécules d’azote sortant de la phase liquide sera supérieur au nombre de molécules y entrant : c’est la désaturation qui va se poursuivre jusqu’à un nouvel état de saturation correspondant à la nouvelle pression ambiante.
La vitesse de ce processus va cependant dépendre de la période respective de chaque tissu. En effet, l’être humain n’est pas composé d’un seul volume ou compartiment ou tissu mais de plusieurs tissus, avec des périodes de saturation et de désaturation différentes, rapides comme dans le sang, le cerveau, la moelle épinière, ou lentes comme dans les graisses, les os, les tendons. Si bien que, lors de la décompression, la pression partielle d’azote dissous dans les tissus devient supérieure à la pression partielle de l’azote sous forme gazeuse : les tissus se trouvent alors en état de sursaturation par rapport à la pression ambiante (un liquide ou tissus est sursaturé lorsqu’il contient plus de gaz qu’il ne devrait en contenir à cette pression).
Cet état de sursaturation est instable et persiste jusqu’au moment où la saturation correspondant à la nouvelle pression est atteinte. Cette sursaturation ne doit pas dépasser une certaine valeur critique (appelée coefficient de sursaturation critique) au-delà de laquelle la formation de bulles d’azote peut se produire dans les tissus de l’organisme à l’origine des accidents de décompression (cas d’une boisson gazeuse dont l’ouverture du bouchon met brutalement le liquide à pression atmosphérique).
Plus la durée d’exposition et/ou la pression ou profondeur sont importantes, plus la saturation sera élevée. Cette notion de coefficient de sursaturation critique va conditionner le retour vers la pression atmosphérique. Un dégazage progressif ou désaturation de tous les tissus nécessite une décompression à vitesse décroissante, en respectant une vitesse de remontée contrôlée (12 m/min) et des paliers de décompression au fur et à mesure qu’on se rapproche de la pression atmosphérique.
Le retour au niveau de saturation initial qui était celui avant l’exposition au milieu hyperbare n’est pas immédiat et il existe une sursaturation résiduelle de certains tissus, plus ou moins importante, en fonction du nombre, du temps et de la pression d’exposition au milieu hyperbare. C’est la raison pour laquelle, toute diminution de pression atmosphérique supplémentaire comme un passage par un col en montagne ou un trajet en avion (altitude de cabine : 1 800 à 2 500 mètres, exceptionnellement plus) est à proscrire pendant un délai pouvant aller de 24 à 48 heures.
Ces accidents sont la conséquence de la loi de Mariotte-Boyle. Ils sont la conséquence des variations de volume gazeux en fonction des variations de pression. Toutes les cavités contenant un gaz peuvent être soumises à un barotraumatisme : les poumons, l’oreille moyenne et l’oreille interne, les sinus, les dents, le tube digestif. A cela, on peut ajouter le placage de combinaison étanche ainsi que le placage de masque.
Elle survient plutôt en hyperbarie humide qu’en hyperbarie sèche (au cours de laquelle la vitesse de décompression est contrôlée de l’extérieur), lors d’une remontée sans expiration, soit par remontée en panique soit lors d’une remontée d’un plongeur inconscient par un collègue.
La conséquence de la surpression pulmonaire en est une rupture des alvéoles pulmonaires.
Les symptômes sont généraux, de type malaise, dyspnée (gêne à la ventilation), parfois décès. La douleur thoracique n’apparaît qu’en cas d’atteinte pulmonaire périphérique et n’est donc pas obligatoire pour faire le diagnostic car le parenchyme pulmonaire ne possède pas de récepteurs à la douleur, ceux-ci étant situés sur les plèvres.
Les signes neurologiques, lorsqu’ils sont présents, témoignent d’une embolie gazeuse avec passage de gaz dans le sang et vers l’encéphale.
Pendant les diminutions de pression ou lors de la remontée, il ne faut jamais bloquer sa respiration et il faut toujours penser à expirer profondément.
Rappel d'anatomie
Le tympan est une barrière entre le conduit auditif et la cavité tympanique dans laquelle aboutit la trompe d’Eustache, conduit de 3 à 4 centimètres de longueur qui s’ouvre dans le rhinopharynx (l'arrière-nez). La trompe d’Eustache est naturellement collabée et deux muscles permettent son ouverture, notamment au moment de la déglutition ou lors de la manœuvre de béance tubaire volontaire.
Anatomie de l'oreille
Barotraumatisme de l’oreille moyenne
Lors d’une exposition à la pression, si la trompe d’Eustache reste collabée en l’absence de manœuvre dite d’équilibration comme la béance tubaire volontaire ou la manœuvre dite de Valsalva, la pression ne s’exerce que par le conduit auditif avec tendance à faire bomber le tympan vers l’intérieur (ou cavité tympanique). Les symptômes sont d’abord une sensation de plénitude de l’oreille, puis d’une douleur pouvant être insupportable associée à des bourdonnements et des vertiges. Dans le cas extrême, on peut observer une rupture du tympan avec hémorragie.
Les manœuvres d’équilibration des pressions de l’oreille moyenne doivent rester « douces ». La béance tubaire volontaire reste à privilégier. Les manœuvres dites de Valsalva ne doivent pas être forcées.
En cas de difficultés, la trompe d’Eustache se collabe et n’est plus perméable. Il est préférable de diminuer la pression ou la profondeur, afin de pouvoir à nouveau équilibrer les pressions.
Les accidents barotraumatiques de l’oreille interne
La stimulation thermique asymétrique n’est pas un accident mécanique, mais survient lorsqu’un liquide à température différente pénètre dans un seul conduit auditif externe (entrée d’eau froide). Ceci entraîne alors un vertige giratoire.
Le vertige alternobarique est un vertige rotatoire consécutif à une asymétrie de pression entre les oreilles moyennes par dysperméabilité tubaire (une des deux trompes d’Eustache est moins perméable que l’autre). Ce type de vertige bref survient lors de la remontée ou décompression. Il disparaît en déglutissant, après arrêt de la décompression.
La stimulation mécanique est fréquemment la conséquence d’une manœuvre de Valsalva « forcée » avec un « coup de piston » de l’étrier (« étrier » sur le schéma de l'anatomie de l'oreille, plus haut) sur la fenêtre ovale causant une surpression dans la cochlée. Les conséquences sont des vertiges, des nausées avec parfois des vomissements, une surdité et des acouphènes (sifflements permanents dans l’oreille).
Les recommandations sont les mêmes que pour l’oreille moyenne : pas de manœuvre de Valsalva forcée.
Les barotraumatismes des sinus
Les os de la face comportent plusieurs cavités creuses, aériques, reliées à la cavité nasale par de très fins canaux. Lorsque ces canaux sont peu perméables ou obstrués comme lors d’un rhume, l’équilibration des pressions est difficile voire impossible. Dans ce cas, lors de l’augmentation de la pression ou de la profondeur, une douleur violente peut apparaître. Il peut aussi arriver que la douleur survienne lors de la diminution de pression (ou lors de la remontée) en cas de présence d’un polype (petite excroissance de chair) en forme de battant de cloche qui obstrue le méat (orifice) et empêche l’air de sortir. Dans les deux cas, on peut observer une douleur et des épistaxis (saignements de nez).
Les sinus frontaux, ethmoïdaux et maxillaires
L'exposition à des variations de pression n’est pas recommandée en cas d’épisode de rhinite infectieuse ou allergique.
En présence de dents défectueuses, il peut exister des microcavités qui vont accumuler de l’air lors de l’augmentation de pression (ou de la profondeur). Lors de la diminution de pression (ou de la profondeur), l’augmentation de volume de l’air piégé peut entraîner des douleurs, une fracture dentaire ou l’expulsion d’un amalgame. Le traitement est uniquement dentaire.
Un examen dentaire préalable est recommandé.
Les barotraumatismes digestifs surviennent en principe dans les derniers mètres lors de la décompression ou remontée.
La colique du scaphandrier est liée à l’accumulation de gaz intestinaux dans une anse intestinale avec augmentation de volume lors de la remontée. Les conséquences sont des douleurs abdominales d’où le nom de « colique » avec très rarement un risque de perforation intestinale avec pneumopéritoine (présence de gaz dans la cavité abdominale). Il n’y a pas de traitement spécifique en l'absence de perforation digestive.
La rupture gastrique barotraumatique est secondaire à la présence d’air dégluti dans la poche à air gastrique et à son augmentation de volume lors de la remontée, en l’absence d’éructation afin d’éliminer cet air. Il s’en suit une douleur gastrique aiguë. La chirurgie ou les systèmes de réduction gastrique favorisent ce type d’incident.
En cas d’oppression gastrique lors de la remontée, il faut arrêter celle-ci et éructer ou « roter ». En effet, en cas de surpression gastrique, le cardia (orifice supérieur de l’estomac) se ferme et ne permet plus d’éructer.
Le placage de la combinaison étanche survient lors de la descente et est secondaire à un défaut d’équilibration de la pression à l’intérieur de la combinaison. Les conséquences sont la présence d’hémorragies au niveau des plis, épiderme et derme, avec œdème à distinguer d’un accident de type I lymphatique. Le traitement consiste en l’application de topiques locaux si besoin.
Le placage du masque relève du même mécanisme lors de la descente. Les conséquences peuvent être une épistaxis ou des hémorragies sous conjonctivales au niveau oculaire. Le traitement est ophtalmologique si besoin.
Les scaphandriers, au cours de travaux dans des barrages ou des écluses, peuvent être confrontés à des fuites d’eau au travers de fissures de la paroi. Une fissure de 25 cm2 comme la surface d’une main, à une profondeur de seulement 10 m, exerce une pression totale équivalente à un poids de 25 kg posé sur cette main. Il est alors très difficile de s’en dégager d’autant que cette pression augmente avec la profondeur et la surface de la fissure.
Ces accidents sont en relation avec la loi de Dalton et sont fonction de la pression partielle des différents gaz inhalés.
L’air que nous respirons est composé de 78,08 % d’azote (N2), de 20,95 % d’oxygène (O2) et de moins de 1 % de gaz rares comme l’argon, le néon, l’hélium, le krypton et le xénon ainsi que quelques traces de dioxyde de carbone (CO2), de méthane, d’hydrogène (H2) et d’ozone.
L’azote, l’argon, le néon, l’hélium, le krypton et le xénon sont des gaz neutres ou inertes. C’est-à-dire qu’ils n’ont pas réactions chimiques avec leur environnement dans les conditions normales de pression et de température.
La connaissance des propriétés physiques des gaz permet de comprendre les différents effets des gaz inhalés lors d’une exposition à différentes pressions. Ceci permet ainsi d’expliquer les raisons qui conduisent - en fonction des conditions de travail - à remplacer l’air respirable par des mélanges gazeux modifiés, tels que le Nitrox (mélange azote – oxygène) ou bien l’utilisation de l’hélium.
Il s’agit d’un gaz nécessaire à la vie. En air à pression atmosphérique, sa pression partielle est d’environ 210 hPa ou 0,21 bar relatif.
En cas de diminution de cette pression partielle (par augmentation de l’altitude ou mélange de gaz appauvri en oxygène inhalé à pression atmosphérique), la disponibilité en oxygène est moindre : c’est une hypoxie. Les symptômes sont des nausées, des céphalées (maux de tête), une hyperventilation (respiration rapide et ample), une tachycardie ainsi que des troubles du comportement.
En cas d’augmentation de cette pression partielle (par augmentation de la proportion d’oxygène dans le mélange gazeux inhalé ou par augmentation de la pression ambiante), il s’agit d’une hyperoxie et l’oxygène devient toxique au niveau pulmonaire, cérébral et oculaire :
- la phase tonique d’une durée de 30 secondes à 2 minutes avec contractions musculaires généralisées, arrêt de la ventilation et perte de connaissance. Il ne faut surtout pas remonter la victime qui risque alors une surpression pulmonaire ;
- la phase clonique d’une durée de 2 à 3 minutes avec des convulsions et reprise d’une ventilation irrégulière qui permet de remonter la victime ;
- la phase post-convulsive d’une durée de 5 à 30 minutes avec récupération progressive de la conscience, confusion et agitation ;
- l’élévation du taux de gaz carbonique dans le sang ou hypercapnie est un facteur favorisant, de même que l’exposition en milieu humide, cette dernière expliquant la différence de susceptibilité entre l’hyperbarie sèche et l’hyperbarie humide ;
En conséquence, la pression partielle d’oxygène inhalée doit être inférieure ou égale à 600 hPa, soit 1,6 bar en hyperbarie humide et à 1 200 hPa, soit 1 200 hPa, soit 2,2 bars en hyperbarie sèche.
Dès 1835, Victor Junod rapporte que les troubles comportementaux liés à l’exposition en milieu hyperbare sont voisins de ceux de l’intoxication alcoolique. En 1935, Albert Behnke rattache ces troubles à une pression partielle d’azote trop élevée. Il s’agit de la narcose aux gaz inertes, principalement à l’azote.
Pour un gaz et un individu donné, il existe une pression partielle seuil au-delà de laquelle les symptômes apparaissent puis s’intensifient en fonction de la pression. Ces symptômes sont des troubles de l’idéation avec diminution de l’attention, de la concentration, du raisonnement, une désorientation temporo-spatiale avec incapacité à évaluer le temps, des troubles perceptifs et hallucinations avec hypoalgésie (diminution des perceptions douloureuse), intensification des perceptions visuelles et auditives, dépersonnalisation et épisode délirant, des troubles psychomoteurs avec perte la dextérité et des troubles de l’humeur avec euphorie et surestimation de soi.
Les facteurs déterminants sont les suivants.
La pression partielle du gaz neutre.
Pour l’azote, on relève :
Pression relative | Symptômes |
1à 4 bars (10 à 40 m) | Diminution des capacités d’exécution, euphorie |
4 bars (40 m) | Altération du raisonnement, de la mémoire, retard de réaction |
4 à 6 bars (40 à 60 m) | Hilarité, logorrhée, augmentation de la confiance en soi |
6 bars (60 m) | Somnolence, hallucinations, altérations du jugement |
Les gaz neutres
Les différents gaz neutres n’ont pas le même pouvoir narcotique (pouvoir lié à une substance caractérisée par ses effets sur le système nerveux). Ce dernier dépend de sa masse molaire qui est la masse d’une mole de gaz ou plus simplement son poids. Comme le montre le tableau ci-dessous, plus un gaz est de masse molaire élevée, plus son pouvoir narcotique est grand. Le pouvoir narcotique de référence est celui de l’azote assimilé à une unité et les pouvoirs narcotiques des autres gaz sont référencés par rapport à celui de l’azote. Nous avons ajouté dans ce tableau le protoxyde d’azote (N2O), gaz normalement utilisé en anesthésie ou pour élaborer des crèmes Chantilly mais dont l’usage festif était connu des « soirées écossaises » dès la fin du XVIIIe siècle sous le nom de « gaz hilarant » et revenu à la mode. Ce dernier à pression atmosphérique possède un pouvoir narcotique 28 fois supérieur à celui de l’azote alors que l’hélium a un pouvoir narcotique négligeable.
Gaz | Masse molaire | Pouvoir narcotique Azote = référence |
Hélium (He) | 4 | ˂ 0,07 |
Azote (N2) | 28 | 1 |
Protoxyde d’azote (N2O) | 44 | 28,1 |
Ceci a donc conduit à utiliser des mélanges oxygène-azote-hélium avec remplacement d’une partie de l’azote par l’hélium ou, oxygène-hélium, afin de diminuer l’effet narcotique du mélange gazeux inhalé. Un des avantages de l’utilisation de l’hélium est son faible poids moléculaire, sept fois inférieur à celui de l’azote, ce qui diminue considérablement le travail respiratoire et limite les essoufflements. Cependant, l’hélium possède une conductivité thermique environ six fois supérieure à celle de l’oxygène ou de l’azote, ce qui en fait un gaz qui favorise le refroidissement de l’organisme.
Les expositions en hyperbarie avec inhalation d’air sont limitées à une pression relative de 5 000 hPa soit 50 m de profondeur en eau. Au-delà, un autre mélange gazeux doit être utilisé.
Les autres gaz
Ceux-ci sont, comme le gaz carbonique (CO2), un polluant, ou bien la conséquence d’une mauvaise ventilation en milieu hyperbare. Selon la pression partielle de gaz carbonique, les symptômes vont d’une légère hyperventilation, à un essoufflement intense avec des céphalées (maux de tête), puis des vomissements avec narcose et enfin syncope.
Les autres gaz polluants rencontrés au cours du travail en milieu hyperbare, comme le méthane ou l’ammoniac, sont prévenus par une analyse et une ventilation forcée ou le port d’un masque dans le cas de lixiviats.
On appelle accident de décompression (ADD) les conséquences immédiates ou retardées de la formation de bulles gazeuses dans le corps à la suite d’un retour à la pression atmosphérique. Ce type d’accident peut survenir après une exposition en hyperbarie humide comme en hyperbarie sèche.
Ces symptômes sont habituellement classés en deux catégories : les accidents de type I dits bénins et les accidents de type II dits sévères.
Les symptômes d’accident de décompression apparaissent généralement dès le retour à la pression atmosphérique jusqu’à trois à quatre heures après pour les accidents de type II et, jusqu’à un délai d’une quinzaine d’heures pour les accidents de type I.
En dehors du non-respect des tables de décompression, les facteurs favorisants sont un travail musculaire intense avant, pendant ou après l’exposition en milieu hyperbare, un manque d’entraînement, une exposition au froid pendant le travail en milieu hyperbare ou lors de la décompression, l’obésité et les âges extrêmes.
Le terme « bénin » est un faux ami puisqu’il signifie « sans conséquence grave », ce qui n’est pas toujours le cas puisque ces accidents peuvent entraîner des séquelles invalidantes. Il s’agit de symptômes cutanés ou musculo-ostéo-articulaires ou généraux.
Les symptômes cutanés
Le prurit ou puces sont des démangeaisons cutanées survenant peu après le retour à la pression atmosphérique. Il n’y a pas de signes locaux en dehors de possibles lésions de grattage. Le traitement consiste en une oxygénothérapie normobare (oxygène au masque à haute concentration) jusqu’à disparition des symptômes, mais nécessite une surveillance de quelques heures car un accident de décompression de type II peut se dévoiler.
Les manifestations circulatoires cutanées ou moutons sont des lésions cutanées urticariennes, plus ou moins douloureuses, pouvant régresser spontanément ou évoluer vers une couleur violacée et une nécrose cutanée. Il convient de la distinguer d’une éventuelle allergie aux composés de la combinaison. Le traitement consiste également en une oxygénothérapie normobare jusqu’à disparition des symptômes et une surveillance de quelques heures car un ADD de type II peut se dévoiler.
Les accidents lymphatiques ont un aspect de cellulite avec peau d’orange ou de pseudo-gynécomastie en conséquence de la présence de bulles dans les vaisseaux lymphatiques sous-cutanés parfois liés à une compression locale par la combinaison ou la ceinture. Le traitement consiste également en une oxygénothérapie normobare jusqu’à disparition des symptômes et une surveillance pendant quelques heures car un ADD de type II peut se dévoiler.
Les symptômes musculo-ostéo-articulaires
Communément appelés « bends » par référence à l’attitude pliée au niveau des hanches, des travailleurs du début du XIXe siècle qui ont percé le premier tunnel sous la Tamise ou construit le pont de Brooklyn, ils sont provoqués par la présence de bulles de gaz au niveau des articulations, des tendons qui sont riches en fibres nerveuses sensitives et dans les os.
Les symptômes musculo-ostéo-articulaires apparaissent dans un délai allant de la fin de la décompression jusqu’à une quinzaine d’heures après celle-ci, faisant faussement évoquer un trouble rhumatologique.
Ils sont localisés aux articulations, par ordre décroissant : l’épaule, le genou, le coude, la hanche, le poignet et la cheville (de fait, toute articulation sollicitée au cours du travail en hyperbarie). Le symptôme principal est la douleur, parfois insidieuse, torpide et supportable, faisant évoquer un trouble rhumatologique et retardant ainsi le diagnostic et le traitement. Cette douleur peut s’accentuer progressivement ou être d’emblée extrêmement violente, permanente et insupportable avec une sensation de broiement et d’arrachement, accompagnée d’une gêne fonctionnelle. Elle est majorée en cas de mobilisation de l’articulation en cause.
La prise d’antalgiques est sans effet et ne fait que retarder la prise en charge. La douleur disparaît en général rapidement lors d’une recompression thérapeutique d’urgence réalisée sans délai après l’apparition des symptômes. Cette recompression thérapeutique soulage la douleur et prévient la survenue d’une éventuelle évolution vers l’ostéonécrose (destruction de l’os) dysbarique.
Les efforts ou le sport avant et après l’exposition en milieu hyperbare doivent être évités. Pendant cette exposition, les travaux nécessitant des efforts importants doivent être mécanisés autant que possible.
Une douleur ostéoarticulaire survenant après un séjour en milieu hyperbare doit être considérée comme un « bend » et traitée par une recompression thérapeutique d’urgence.
L’ostéonécrose dysbarique est l’évolution d’un « bend » non traité ou traité trop tardivement. Plusieurs stades sont décrits en fonction de la gravité, allant d’une nécrose de la moelle osseuse à celle de l’os, une fracture osseuse et un décollement et une destruction du cartilage articulaire.
Ces atteintes sont examinées par tomodensitométrie (scanner) ou mieux par IRM. Dans le cas d’une activité professionnelle, l’ostéonécrose dysbarique fait partie du tableau n° 29 de la liste des maladies professionnelles et son délai de prise en charge est de vingt ans après la dernière intervention en milieu hyperbare.
Les symptômes généraux
Parfois, on peut observer un malaise général avec anorexie et fatigue intense. Cette dernière est un très bon symptôme de la surcharge en azote et ne doit pas être confondue avec une fatigue liée au travail. Ces symptômes doivent faire suspendre les activités en milieu hyperbare et éventuellement bénéficier d’une oxygénothérapie normobare jusqu’à leur résolution.
Ce sont les accidents pulmonaires, neurologiques ou de l’oreille interne. On les rencontre plutôt en hyperbarie humide où les vitesses de remontée peuvent ne pas être maîtrisées.
Les accidents pulmonaires
Parfois appelés « choke » de l’anglais « to choke » qui signifie suffoquer ou étouffer, les accidents pulmonaires sont la conséquence d’une destruction de l’endothélium (couche de cellules qui tapissent les parois intérieures des vaisseaux) et des capillaires pulmonaires avec destruction de la membrane alvéolo-capillaire (membrane très mince qui existe entre l’air alvéolaire et le sang capillaire, où se font les échanges gazeux essentiels au maintien de la vie). Il s’en suit un œdème pulmonaire lésionnel (par opposition à l’œdème pulmonaire d’origine cardiaque ou cardiogénique).
Les symptômes sont une dyspnée (difficulté de la respiration), une douleur rétro-sternale, une toux avec des crachats hémoptoïques (contenant du sang) pouvant aller jusqu’au décès.
Le traitement consiste en une oxygénothérapie normobare (à pression atmosphérique) et une réanimation conventionnelle.
Les accidents neurologiques
Les accidents neurologiques peuvent être médullaires (moelle épinière), cérébraux ou au niveau de l’oreille interne.
Les symptômes surviennent le plus souvent dans un délai autour de l’émersion, mais parfois retardé jusqu’à 3 ou 4 heures. Il s’agit d’une douleur interscapulaire (entre les omoplates) ou lombaire en « coup de poignard » qui est pathognomonique (spécifique) mais observée que dans 5 % des cas.
Il existe des troubles sensitifs à type de paresthésies (sensation de picotements, fourmillements) pouvant évoluer vers une atteinte sensitive à tous les modes (toucher, chaleur, douleur). De même, on retrouve des troubles moteurs avec, au début des symptômes, une faiblesse musculaire ou paraparésie (paralysie légère des membres inférieurs) pouvant évoluer vers la paraplégie flasque des membres (paralysie plus ou moins complète des deux membres inférieurs le plus souvent). Moins fréquemment, ces troubles sont latéralisés avec hémiplégie (paralysie d’un côté du corps). Enfin, la survenue de troubles sphinctériens comme une rétention urinaire (impossibilité d’uriner alors que la vessie est pleine) est de mauvais pronostic.
Ces accidents peuvent être la conséquence de microbulles formées in situ dans les lacis veineux médullaires, ou bien provenant de microbulles d’origine artérielle. Les microbulles formées in situ peuvent être favorisée par une anomalie anatomique appelée « canal médullaire étroit » situé le plus souvent au niveau cervical. Il s’agit d’un rétrécissement du canal dans lequel se trouve la moelle épinière favorisant la stase des bulles.
Le traitement de ces accidents est une urgence et doit comporter une réhydratation per os ou par voie intraveineuse, une oxygénothérapie normobare continue immédiate au masque à haute concentration et une recompression thérapeutique.
Ces accidents atteignent l’encéphale (le cerveau), le cervelet, le tronc cérébral (situé à la base du cerveau) et la partie haute de la moelle épinière cervicale. La formation de bulles dans ces tissus étant exceptionnelle, ils sont assimilés à des embolies gazeuses mettant le plus souvent en cause dans leur genèse un shunt D-G (droite-gauche) ou court-circuit du sang artériel vers le sang veineux, sauf dans le cas d’une complication d’une surpression pulmonaire. Ce shunt D-G peut être un foramen ovale perméable (FOP) qui est un passage entre les deux oreillettes du cœur, naturel chez le fœtus et qui se ferme progressivement après la naissance. Toutefois, cette communication peut rester potentiellement perméable chez environ 30 % de la population adulte. Dans ce cas, la réouverture de ce passage du sang veineux vers le sang artériel se produit lorsque la surpression intrathoracique devient supérieure de 6 à 10 cm d’eau soit environ 10 hPa. Cette pression est aisément obtenue lors d’une manœuvre de Valsalva ou équivalent en fin de plongée, un mouchage violent, une défécation, une remontée en force sur une embarcation dépourvue d’échelle, un effort comme la remontée de l’ancre, le portage de matériel ou le franchissement d’un muret.
Ce shunt peut être également au niveau pulmonaire, en particulier lors d’efforts soutenus en fin de plongée et après plongée.
Les symptômes sont le plus souvent hémicorporels de type monoparésie (paralysie légère d’un seul membre), paralysie d’un membre, paresthésies (sensation de picotements, fourmillements) d’un membre ou d’un côté, troubles cérébelleux (altération ou perte du contrôle des mouvements volontaires, de la coordination et de l’équilibre). En cas d’atteinte du tronc cérébral, ces troubles peuvent être bilatéraux.
Ces troubles doivent être considérés comme une embolie gazeuse. Le traitement d’urgence est constitué d’une oxygénothérapie normobare continue immédiate au masque à haute concentration, une réhydratation et une recompression thérapeutique réalisée en urgence.
Le labyrinthe osseux est une cavité située dans le rocher de l’os temporal et contient le labyrinthe membraneux qui regroupe l’ensemble des structures de l’oreille interne : la cochlée ou limaçon, et le vestibule.
Le labyrinthe osseux
Le labyrinthe membraneux
La cochlée ou limaçon est la partie de l’oreille interne enroulée en spirale qui contient les terminaisons nerveuses du nerf auditif (organe de Corti). Son rôle est donc l’audition. Elle reçoit les variations de pression et donc les vibrations sonores par l’intermédiaire du tympan, des trois osselets (marteau, enclume, étrier) au niveau de la fenêtre ovale.
Ce système amplifie de plus de 20 fois les pressions perçues par le tympan.
Le vestibule relié aux canaux semi-circulaires a pour rôle clé le contrôle de la position (équilibre) et la stabilisation du regard.
Les accidents de décompression de l’oreille interne doivent être bien différenciés des barotraumatismes de l’oreille interne. Ils peuvent être liés soit à un dégazage d’azote dans les liquides labyrinthiques qui sont des liquides à période courte de saturation, avec dilacération de l’organe de Corti ou du vestibule, soit une ischémie (arrêt ou insuffisance d’apport de sang) du labyrinthe qui a une vascularisation de type terminal (sans réseau de suppléance), par embolie gazeuse.
Les symptômes sont de type vestibulaire (équilibre) avec parfois une composante cochléaire (audition) et apparaissent au palier, en fin de plongée ou le plus souvent immédiatement lors de la sortie de l’eau, parfois avec une latence d’apparition. Il s’agit d’une grande crise vertigineuse avec impossibilité à maintenir la station debout, de nausées et de vomissements à ne pas confondre avec un « mal de mer », parfois accompagnée d’hypoacousie (diminution de l’audition) ou d’acouphènes (sifflements).
Le traitement demande une oxygénation normobare au masque à haute concentration, une hydratation par voie veineuse du fait des vomissements et une recompression thérapeutique d’urgence.
En partant des constatations selon lesquelles l’oxygène diminue la saturation en azote de l’organisme, mais que ce gaz devient toxique à partir d’une certaine pression partielle, et que l’azote favorise la narcose et sature l’organisme avec un risque d’accident lors de la décompression, il a été proposé différents mélanges gazeux en fonction de la pression de travail et de la durée d’exposition :
Nous remercions le Docteur Blandine Aublin pour la rédaction de cet article.
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