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Focus prévention

Lutte contre les addictions : quelles sont les règles dans l’entreprise ?

Les addictions, qu’elles soient liées à des substances licites (alcool, médicaments) ou illicites (drogues) ont des impacts sur la santé des travailleurs. La consommation de ces substances peut de plus mettre en péril leur sécurité, notamment lorsque les salariés sont amenés à se déplacer avec leur véhicule pour exercer leurs missions, lorsqu’ils conduisent des engins de chantier, ou encore lorsqu’ils sont amenés à manipuler des équipements ou produits dangereux. Les employeurs doivent par conséquent mettre en place une politique de prévention des risques professionnels liés aux pratiques addictives. Que vous impose la loi ? Que mettre dans le règlement intérieur et le document unique ? Nous faisons le point.

Mis à jour le 13/02/2025

Etablir un mode opératoire pour un chantier de BTP

Quelle démarche de prévention des risques liés aux pratiques addictives ?

Les risques engendrés par la consommation d’alcool, de produits stupéfiants ou de certains médicaments concernent tous les acteurs de l’entreprise :

  • l’employeur, qui doit faire respecter les dispositions du Code du travail et notamment celles introduites dans le règlement intérieur de l’établissement (ou à défaut dans une note de service) ;
  • chaque travailleur, qui doit prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail ;
  • les clients et les usagers de l’entreprise qui peuvent être impactés.

En tant qu’employeur, vous avez l’obligation de prévenir tous les risques professionnels auxquels sont exposés les salariés dans votre entreprise au titre du principe général de prévention des risques. Vous avez une obligation dite de moyens renforcés en matière de protection de la santé et de la sécurité de vos salariés.

Cette obligation implique notamment de prévenir les pratiques addictives (alcool, produits stupéfiants…) sur le lieu de travail afin de protéger la santé et la sécurité des travailleurs. Les risques liés à ces pratiques doivent être pris en compte dans l’évaluation des risques. Ils doivent alors figurer dans le document unique d’évaluation des risques professionnels afin que des actions de prévention adaptées à ces risques soient mises en place (article R4121-1 du Code du travail).

L’employeur pourra, par exemple, constituer un groupe de prévention (employeur, représentants du personnel, volontaires parmi les salariés et l’encadrement, médecin et infirmier du travail, IPRP…). Ses membres, formés à l’alcoologie par des formateurs compétents, peuvent notamment avoir les missions suivantes :

  • élaborer une fiche de constat des troubles du comportement d’un salarié possiblement liés à la consommation d’alcool ou de drogues ;
  • établir un état des lieux de l’entreprise (absences, accidents…) ;
  • informer sur les risques liés à l’alcool et organiser des formations/sensibilisations à l’alcoologie ;
  • prévoir ce qu’il convient de faire en cas de situation d’urgence (« empêcher le salarié sous l’emprise de l’alcool de… ») ;
  • rédiger un protocole d’encadrement de contrôle de l’alcoolémie et un protocole de contrôle inopiné (conditions et modalités) et établir la liste des postes de travail concernés ;
  • rappeler que chaque salarié a une obligation de sécurité envers lui-même et envers les autres personnes concernées par ses actes.

Alcool et drogues sur le lieu de travail : que dit la loi ?

Alcool

Le Code du travail encadre la consommation d'alcool sur le lieu de travail. Seules certaines boissons alcoolisées (vin, bière, cidre, poiré) sont autorisées. En revanche, il est interdit pour les salariés d’entrer et de séjourner en état d’ébriété sur le lieu de travail.

Afin de protéger la santé et la sécurité de ses salariés, et prévenir tout risque d’accident du travail, l’employeur peut limiter, voire interdire toute consommation de boissons alcoolisées sur le lieu de travail dès lors que cette consommation risque de porter atteinte à la santé et à la sécurité de ses salariés. La seule exposition des salariés à des risques pour leur santé et leur sécurité peut justifier l’interdiction de l’alcool par l’entreprise (Conseil d’État – 14 mars 2022 –n°434343).

Cette restriction doit toutefois être prévue au règlement intérieur ou, à défaut, dans une note de service. Il est recommandé de le faire en collaboration avec les représentants du personnel et le médecin du travail.

À ce sujet, le règlement intérieur doit dans ce cas au minimum mentionner :

  • l’interdiction absolue pour les salariés d’entrer ou de séjourner dans les locaux de l’entreprise sous l’emprise d’alcool ;
  • la liste des emplois dits « à risques » dans l’entreprise (exemples : travail en hauteur, conduite de véhicule, manipulation de produits dangereux) pour lesquels l’employeur interdit ou limite la consommation d’alcool. Cette limitation ou interdiction peut donc éventuellement concerner en pratique l’ensemble des opérateurs de chantier. Elle doit être justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché. Cette liste doit être établie avec le médecin du travail ;
  • les modalités de contrôle des éventuelles consommations d’alcool en ayant recours à un éthylotest. Ces contrôles doivent s’appliquer aux seuls travailleurs occupant ces postes à risques pour lesquels une simple erreur ou une défaillance peut avoir des conséquences graves. Chaque travailleur concerné devra avoir été dûment informé de la possibilité d’un contrôle inopiné. Le dépistage systématique est interdit ;
  • les possibilités de contre-expertise pour le salarié dépisté ;
  • les personnes habilitées à procéder au contrôle ;
  • la hiérarchie des sanctions disciplinaires encourues par le salarié en cas de résultat positif au contrôle.
Conduite et consommation d’alcool

Pour rappel, il est interdit pour les titulaires d’un permis probatoire et les conducteurs de transport en commun de conduire un véhicule de transport en commun avec une alcoolémie égale ou supérieure à 0,2 gramme par litre de sang ; pour les autres catégories de véhicules, l’alcoolémie ne doit pas être égale ou supérieure à 0,5 gramme par litre de sang. Un salarié conduisant avec un taux supérieur à la limite autorisée encourt une sanction pénale.

 

Drogues

Au regard de l’obligation de sécurité qui pèse sur l’employeur, ce dernier doit prévenir la consommation de drogues sur le lieu de travail. Si la consommation de produits illicites comme le cannabis (THC), la cocaïne, les amphétamines, l'ecstasy et autres stupéfiants n’est pas réglementée par le Code du travail, elle est en revanche prohibée par le Code de la santé publique.

Dans la mesure où leur consommation peut porter atteinte à la capacité de travail des salariés, l’employeur a la possibilité d’en contrôler l’usage pour les postes dits à risques au sein de l’entreprise.

Pour ce faire, l’employeur devra, comme pour l’alcool, renseigner cette possibilité dans le règlement intérieur (ou à défaut dans la note de service).

Pour opérer ces contrôles, l’employeur peut décider de recourir au test salivaire de recherche de stupéfiants, à condition de respecter les conditions posées par la jurisprudence rendue par le Conseil d’Etat du 5 décembre 2016, n° 394178 :

  • Le test ne peut être réalisé par l’employeur ou un supérieur hiérarchique que s’il est inscrit au règlement intérieur.
  • Le test doit être réservé aux seuls postes pour lesquels l'emprise de la drogue constitue un danger particulièrement élevé (par exemple pour la conduite) pour le salarié ou pour les tiers et ne doit pas être systématique. L’employeur doit établir la liste des postes concernés dans le règlement intérieur.
  • Le salarié doit pouvoir obtenir une contre-expertise médicale à la charge de l’employeur.
  • L’employeur ou le supérieur hiérarchique réalisant ce test doit respecter le secret professionnel sur les résultats.

 

Conduite et consommation de cannabidiol (CBD)

La conduite d’un véhicule après avoir consommé du CBD est considérée comme une conduite sous emprise de stupéfiant, peu importe la dose de THC absorbée. Il est donc interdit de conduire après avoir consommé du CBD (Cass, Soc, 21juin 2023, n°22-85.530).

 

Quelle conduite tenir face à un salarié manifestement sous l’emprise de l’alcool ou de drogues ?

Lorsqu’un salarié présentant un trouble du comportement manifestement causé par une consommation d’alcool ou de produits stupéfiants est affecté à un poste à risques, l’employeur doit le retirer immédiatement de son poste de travail afin de l’éloigner du risque.

De plus, l’obligation de sécurité de l’employeur s’étend jusqu’à l’organisation des secours. Par conséquent, l’employeur ne doit pas le laisser sans surveillance. Il peut par exemple le placer dans une salle de repos accompagné d’un collègue et ne doit pas le laisser rentrer chez lui sans être accompagné par un tiers, par exemple par une personne de l’entreprise ou un membre de la famille du salarié (Cass, Soc, 11 septembre 2024, n° 22-19.116). L’employeur peut également appeler les secours en cas de nécessité.

Dans le cadre de l’évaluation des risques réalisée par l’employeur, il revient à ce dernier d’établir une procédure de conduite à tenir face à un salarié présentant le trouble du comportement manifestement causé par une consommation d’alcool ou de produits stupéfiants.

En cas de litige lié à la rupture du contrat de travail d’un salarié licencié pour consommation d’alcool ou de produits stupéfiants, le juge s’assurera que l’employeur a satisfait aux exigences de prévention qui lui incombent. Pour attester de la prise en compte du problème, l’employeur pourra présenter :

  • l’annexe du contrat de travail signée par le salarié, précisant qu’il lui a été remis un règlement intérieur lors de son embauche ou éventuellement le contrat de travail signé du salarié occupant un poste à risques précisant l’interdiction de consommer de la drogue ou de l’alcool ;
  • les dispositions du règlement intérieur relatives la consommation d’alcool, l’interdiction de l’ébriété ou de la consommation de drogues sur le lieu de travail ;
  • les dispositions du document unique d’évaluation des risques professionnels ainsi que le plan d’action de prévention ou du programme annuel de prévention des risques professionnels ou d’amélioration des conditions de travail (Papripact), selon la taille de l’entreprise.

 

Consommation de médicaments et altération de la vigilance au travail

En raison des effets d’altération de la vigilance (diminution des réflexes, troubles visuels, somnolence…), la prise de certains médicaments comme les benzodiazépines, somnifères, antidépresseurs ou neuroleptiques peut présenter de véritables risques pour la sécurité des salariés, d’autant plus s’ils occupent des postes à risques ou lorsque la conduite automobile fait partie de leurs missions (par exemple, pour se déplacer sur les chantiers, pour les rendez-vous clients…).

En France, les médicaments sont classés en trois niveaux de dangerosité pour la conduite et sont identifiables par trois pictogrammes qui figurent sur l’emballage du médicament. Pour consulter les catégories de médicaments appartenant aux niveaux 1, 2 et 3, consultez l’arrêté du 8 août 2008.

 

Pictogrammes de danger sur les boîtes de médicaments Les trois pictogrammes qui indiquent le niveau de dangerosité.

Les prescriptions médicales délivrées aux salariés étant couvertes par le secret médical, l’employeur ne peut exiger d’un salarié qu’il lui communique des informations relatives à son état de santé. Une clause dans le règlement intérieur visant à contrôler la prise de médicaments ou interdisant aux salariés d’être sous l’emprise de médicaments ne serait donc pas valide.

Cependant, chaque collaborateur est tenu d’exécuter loyalement son contrat de travail et est tenu d’une obligation de sécurité vis-à-vis de lui-même et des autres collègues. Au regard de cette obligation, et afin de prévenir le risque d’accident, il est nécessaire que les salariés se renseignent sur les effets des traitements médicamenteux qui leur seraient prescrits et qu'ils se rapprochent de leur médecin du travail s’ils occupent un poste à risques ou en cas de doute sur leur capacité à pouvoir occuper leur poste de travail.

Si le salarié est en arrêt de travail et qu’il est soumis à un traitement médicamenteux lourd, il lui est recommandé de solliciter une visite de préreprise auprès de son service de prévention et de santé au travail (SPST). La visite de préreprise peut également être demandée par le médecin traitant du salarié ou le médecin du travail. Cette visite permettra d’anticiper le retour du salarié dans de bonnes conditions tout en permettant au médecin du travail de juger de la compatibilité du traitement médicamenteux du salarié avec le poste de travail. Il pourra éventuellement mettre en place des aménagements pour son retour au travail.

Il est donc important que l’employeur mène des actions de prévention et de sensibilisation collectives des salariés affectés à des postes à risques ou à la conduite de véhicules automobiles et de les informer sur la bonne démarche à adopter en cas de prise de médicaments.

L’insertion d’une clause dans le règlement intérieur ou au sein de la fiche de poste recommandant aux salariés affectés à des postes à risques de consulter le médecin du travail en cas de prise de médicaments susceptibles d'altérer leurs capacités est également possible.

 

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