Un employeur peut-il refuser d’embaucher quelqu’un qui ne parle pas français ?
Cette question est également l’occasion de rappeler les obligations du chef d’entreprise vis-à-vis des salariés présents dans son entreprise qui parlent peu ou mal le français.
Il n’y a pas dans le Code du travail de dispositions obligeant un salarié entrant dans une entreprise à parler français. En effet l’article L5221-3 du Code du travail prévoit que « l’étranger qui souhaite entrer en France en vue d’y exercer une profession salariée et qui manifeste la volonté de s’y installer durablement atteste d’une connaissance suffisante de la langue française sanctionnée par une validation des acquis de l’expérience ou s’engage à l’acquérir après son installation en France ». Comme on le voit, les critères d’application de cet article sont flous.
Par ailleurs, depuis la loi Toubon n° 94-665 relative à l‘emploi de la langue française, l’employeur a l’obligation d’utiliser le français pour certaines informations délivrées à ses salariés. En plus du contrat de travail et du règlement intérieur, les documents « comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire à celui-ci pour l’exécution de son travail doivent être rédigés en français » (article L1321-6 Code du travail).
Enfin, les informations, les notices d’instructions, et les avertissements en matière de santé et de sécurité concernant l’installation, le montage, la mise en service, l’utilisation, le fonctionnement, l’entretien et la réparation de machines ou l’utilisation d’équipements de protection individuelle doivent être exprimés en français (point 1.7 de l’annexe I prévue à l’article R 4312-1 du Code du travail et points 1.4 et 2.12 de l’annexe II prévue à l’article R 4312-6 du Code du travail).
Le fait pour des salariés du secteur du BTP de ne pas parler et de ne pas lire le français est donc problématique eu égard aux nombreuses règles et indications liées à la sécurité présentes sur les chantiers.
Peut-on donc imposer la maîtrise d’une langue comme condition d’embauche sans que cela soit considéré comme une discrimination ? Si l’exigence de la langue française répond à un objectif légitime, et si elle est essentielle pour remplir les fonctions du poste, un employeur peut refuser l’embauche d’un candidat qui ne parle pas français. En l’occurrence sur un chantier la compréhension des règles liées à la sécurité est indispensable, un chef d’entreprise peut donc refuser d’embaucher des personnes ne parlant pas le français.
Si l’employeur recrute malgré tout des salariés/intérimaires parlant peu ou mal le français, quelles sont ses obligations ?
L’employeur a des obligations de formation et d’information lors de l’arrivée de nouveaux salariés ou intérimaires (articles L4141-1 et L4141-2 du Code du travail) : l’employeur doit décrire les risques eu égard à leur poste, expliquer les règles de sécurité et de circulation sur le chantier, les informations relatives aux EPI. Il doit le faire de façon intelligible pour tous les salariés (CDI, CDD, intérimaires) et donc se poser la question de la langue. Il doit en effet s’assurer que ces instructions et informations sont bien comprises des salariés, par tous moyens à sa convenance : traduction des documents, recours à un interprète et schémas explicatifs.
S’il y a un accident et qu’il est démontré que les salariés n’ont pas reçu une information compréhensible, sa responsabilité pourra être engagée.
Date de mise à jour : 20 mai 2024