L’industrie des EPI est engagée dans un véritable mouvement d’innovation et de réinvention. Ces EPI innovants ont pour caractéristique première d’entrer en interaction avec leur porteur et leur environnement en réagissant à une modification de température, de position, de lumière… en captant un signal, en l’analysant afin d’y répondre par exemple en transmettant une information, en stockant des données ou en produisant une action.

    De nouveaux développements en matière de SPII utilisant des logiciels « intelligents » avec la conception d'interfaces simples et intuitives (par exemple, des écrans tactiles) seront néanmoins nécessaires pour améliorer l’appropriation et encourager les opérateurs plus jeunes et plus âgés à utiliser les EPI. En effet, une approche connectée pourrait non seulement répondre aux besoins actuels en réduisant les accidents et en améliorant les conditions de travail, mais également préparer l'avenir. Cela pourrait également encourager l'adoption et l'utilisation correcte de l'EPI chez les futurs salariés (génération digitale) qui devraient représenter, selon l’Insee, 75 % de la population active mondiale d'ici 2025.

    Définir une terminologie commune est une nécessité

    Si la définition d’un EPI est règlementée et normalisée, ce n’est pas le cas pour les EPI et SPI intelligents.

    Les réflexions menées par la Direction technique de l’OPPBTP sur les points de vigilance au moment de la conception d’un EPI-SPI intelligent ont mis en exergue une confusion sur le marché des EPI entre les qualificatifs suivants : smart, intelligent, connecté, innovant, communicant. Dans certains cas, le discours commercial (smartwashing) laisse entendre qu’un EPI connecté est forcément intelligent, donc smart.

    De plus, le développement d’un EPI innovant est basé sur un processus interdisciplinaire réunissant simultanément plusieurs compétences : informatique, électronique, internet des objets, prévention, chimie, mécanique, ergonomie, etc.

    A RETENIR

    Se baser sur la même terminologie permettra de garantir à la fois l’efficacité de l’évaluation et la clarté du discours commercial, dès le stade de la conception de l’équipement.

    Les définitions proposées sont les suivantes :

    Innovation :

    La spécification technique européenne CEN/TS 16555 définit l’innovation comme la mise en œuvre d'un produit (bien ou service) ou d'un processus nouveau, ou sensiblement amélioré, d'une nouvelle méthode de marketing ou d'une nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques commerciales, l'organisation du lieu de travail ou les relations externes.

    Pour les EPI, une innovation est l’ensemble des étapes comportant des éléments d'entrée et des éléments de sortie clairement définis qui sont conçus pour générer, sélectionner et transformer des idées en EPI innovant. L’objectif de l’innovation dans les EPI est d’amener l’invention à trouver son marché et son porteur en lui apportant une réelle valeur ajoutée.

    EPI innovant :

    Tout d’abord, il convient de différencier nouvel EPI et EPI innovant. Une nouveauté est un ajout à l’état des connaissances ou du marché à un moment donné. Un EPI nouveau n’est pas nécessairement innovant.

    En revanche, on considère que, pour mériter le qualificatif d’innovant, l’EPI doit intégrer une innovation technologique portant sur l’un de ses aspects déterminants. En général, un EPI innovant offre soit un avantage supplémentaire soit une réponse à un problème qui n’en trouvait pas. En l’occurrence, une valeur ajoutée en prévention.

    Internet des Objets :

    L’Internet des Objets ne possède pas encore de définition officielle et partagée. Selon l'Union Internationale des Télécommunications (Recommandation UIT-T Y.2060 de 2014), l'Internet des Objets (IdO) est une « infrastructure mondiale pour la société de l'information qui permet de disposer de services évolués en interconnectant des objets (physiques ou virtuels) grâce aux technologies de l'information et de la communication interopérables existantes ou en évolution ».

    D'un point de vue technique, l'IdO consiste en une identification numérique directe et normalisée (adresse IP, protocoles smtp, http...) d'un objet physique (par exemple, une mesure) grâce à un système de communication sans fil qui peut être une puce RFID, un QR code, NFC, etc.

    Cloud :

    Dans la norme ISO/IEC 17788, le Cloud est défini comme un modèle permettant l’accès au réseau à un ensemble évolutif et flexible de ressources informatiques physiques ou virtuelles au moyen d’un système de déploiement et d’administration à la demande en libre-service.

    La notion de Cloud computing est désormais très répandue dans les entreprises et les organisations. Le principe consiste à stocker les données dans des infrastructures dédiées situées un peu partout dans le monde. Les entreprises peuvent louer à des prestataires des espaces virtuels privés et ainsi réduire des investissements matériels coûteux.

    Big data :

    Les chiffres atteignent des sommets vertigineux dès qu’il s’agit des données. La taille de l’univers numérique dépasse actuellement les 40 zettabytes. Il convient de différencier la provenance de ces données massives qui sont générées en temps réel, non seulement par les humains, mais aussi par des capteurs et des objets connectés.

    Toutes les informations ne sont pas forcément « big » ; il existe une grande variété de qualificatifs dans le vocabulaire de la donnée dont les plus importantes pour les EPI sont :

    -Small data désigne des données dont la lecture et la compréhension ne nécessitent pas de recourir à des outils d’analyse complexes. Les Small data sont un sous-ensemble des Big data plus facile à manipuler ou à appréhender.

    -Smart data désigne un dispositif d’analyse de données en temps réel et directement depuis leur source, portant généralement sur des données provenant d’objets connectés et pertinentes par rapport à une problématique.

    Données personnelles :

    Sont considérées comme données personnelles des informations permettant d’identifier une personne, par exemple, un nom, une adresse postale, une adresse IP, une photo, un identifiant de connexion, etc.

    L’article 4 du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) est consacré aux définitions. Il indique que les données à caractère personnel sont toutes les informations se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable. Ce type de données peut aisément être collecté à travers un EPI connecté.

    Certaines données sont considérées comme sensibles lorsqu’elles concernent des informations pouvant donner lieu à discrimination : opinion, situation médicale, appartenance ethnique, données biométriques, etc.

    EPI connecté :

    L’EPI connecté est un objet dont la vocation première n’est pas d’être un périphérique informatique ni une interface d’accès à internet, mais auquel l’ajout d’une connexion à un réseau permet d’apporter une valeur supplémentaire pour la santé et la sécurité, en termes de fonctionnalité, d’information, d’interaction avec son porteur ou son environnement.

    EPI communicant :

    Un EPI communicant permet d’échanger avec d’autres systèmes pour obtenir ou fournir de l’information. En plus d’un ensemble de capteurs qui vont jouer le rôle de périphériques d’entrée, tels un capteur de mouvement ou un micro, l’EPI communicant possède également un ensemble d’actionneurs ou de périphériques de sortie, comme un écran ou un haut-parleur.

    EPI smart :

    Il existe deux approches possibles. La première consiste à considérer les termes « smart » et intelligent comme équivalents et donc interchangeables. La deuxième consiste à considérer que l’aspect « smart » prend en compte essentiellement l’élégance du design de l’EPI. Cela pourrait se traduire, par exemple, par le fait de présenter un EPI classique sous une nouvelle forme plus attrayante et élégante.

    L’OPPBTP privilégie et recommande la première approche.

    EPI intelligent :

    Un EPI intelligent est un équipement fonctionnel qui interagit activement avec son porteur et son environnement, c’est-à-dire qui répond ou qui s’adapte à des changements. L’intelligence de l’EPI se définit par rapport à sa valeur ajoutée en prévention et en protection. Pour qu’il soit intelligent, l’ajout d’un composant électronique, d’un capteur, d’un actionneur ou d’un calculateur doit avoir un apport en prévention des accidents ou maladies professionnels, voire améliorer les conditions de travail.

    Le terme EPI intelligent peut faire référence soit à un « équipement » de protection intelligent, soit à un « système » de protection intelligent. Un système est un ensemble d’éléments intégrés en interaction pour rendre à son environnement les services correspondants à sa finalité.

    Un EPI intelligent ou un système de protection intelligent doit protéger avant tout son porteur et respecter les exigences essentielles du règlement UE 2016/425 qui précise qu’un « EPI est un équipement conçu et fabriqué pour être porté ou tenu par une personne en vue de la protéger contre un ou plusieurs risques pour sa santé ou sa sécurité ».

    Intelligence artificielle (IA) :

    L’intelligence artificielle se définit principalement par sa capacité d’apprentissage autonome, comme le rappelle la norme ISO 2382-2015 : « capacité d’une unité fonctionnelle à exercer des fonctions généralement associées à l’intelligence humaine, tel que le raisonnement ou l’apprentissage ».

    L'IA intégrée à un EPI permet à ce dernier de percevoir, d'analyser des données, de raisonner, de prendre des décisions et d'agir, fonctions généralement confiées à l’Homme.

    Au moment de la conception, plusieurs défis majeurs sont à relever afin que l'invention évolue vers l'innovation et que le futur EPI (ou SPI) rencontre son porteur.

    Les enjeux liés à la conception d’un EPI innovant

    Dans certains cas, la confrontation entre les exigences du terrain et les caractéristiques d’un EPI innovant intervient trop tardivement dans son élaboration. Or, les étapes entre la R&D pure et la mise sur le marché sont primordiales pour construire un équipement fiable.

    La compétition de plus en plus forte entre les développeurs d’EPI (ou SPI) intelligents engendre une nécessité de diminuer les coûts, d’augmenter la qualité et de réduire les délais. La prise en compte de ces trois préoccupations ne doit pas se faire au détriment de l’usage, des besoins et des attentes du porteur. Une démarche ciblée terrain permettra à l’EPI innovant de trouver son porteur tout en respectant la triple performance : efficacité, confort et coût.

    Les besoins réels de l’utilisateur et de son environnement de travail

    La majorité des solutions innovantes, quelquefois qualifiées d’« intelligentes », nécessite une maîtrise technique multidisciplinaire, basée sur plusieurs compétences à la fois (mécanique, informatique, matériaux, chimique, nouvelles technologies de l’information et de la communication). En revanche, il est primordial de commencer par une maîtrise efficace de l’analyse des besoins et des spécificités des utilisateurs du BTP avec les différents environnements de travail d’un compagnon. L’humain doit rester primordial et conserver la priorité sur l’équipement (ce n’est pas à l’Homme de s’adapter à l’équipement, mais l’inverse). L’absence de cette étape indispensable, liée aux conditions terrain, pourrait engendrer un investissement conséquent pour produire des EPI identifiés comme smart et onéreux, mais qui ne répondent pas aux besoins réels. Le futur EPI ne trouverait donc pas son marché.

    De nombreux auteurs (comme Sagot, en 2012) insistent sur le rôle central de la participation des utilisateurs dans le processus de conception innovant, de façon à concevoir conjointement l’objet, le produit, le système et son usage.

    Apporter un plus, sans risque

    L’une des préoccupations majeures, face à un EPI innovant, est de vérifier que ses dispositifs supplémentaires (connectés, intelligents) n’entraînent ni risques nouveaux ni gêne accrue pour l’utilisateur et qu’ils fonctionnent correctement dans toutes les situations d’utilisation prévisibles. Il est plus judicieux d’en tenir compte au moment de la conception du futur EPI (ou SPI). Les travaux de l’ENSAM et de l’INRS de mars 2012 ont pu le préciser, montrant le risque de dissocier les aspects santé et sécurité par rapport aux objectifs fonctionnels, voire de les ignorer. En ce sens, le travail initié par la Direction technique de l’OPPBTP depuis 2018 a pour objectif d’accompagner les startups et les fabricants sur la prise en compte non seulement des besoins terrain mais aussi de la prévention dès la conception du nouveau système de protection.

    Si la sécurité, voire la vie d’un compagnon, dépend de la transmission d’informations correctes par l’électronique intégrée dans son SPI, il est absolument essentiel que celle-ci fonctionne correctement dans tous les environnements du BTP, parfois très particuliers (conditions météorologiques exigeantes, ambiances poussiéreuses, présence d’engins en mouvement, travaux souterrains, etc.).

    L’absence de méthode standardisée permettant de tester et d’évaluer un SPI pousse les employeurs et les salariés à se méfier de ce type de solutions techniques, même si chacun s’accorde à dire qu’elles représentent une valeur ajoutée. La composante psychologique de cette question est également à prendre en compte car la confiance des opérateurs est difficile à restaurer après une mise en défaut.

    La protection des données personnelles

    La transformation numérique des EPI ne peut se faire que dans un environnement de confiance. Cette notion est essentielle à l’heure où les applications demandent de plus en plus de données personnelles.

    Les développeurs à succès placent la collecte des données au cœur de leur stratégie. La sécurité des réseaux de communication, la traçabilité, la conservation et la confidentialité des données recueillies sont des enjeux qu’il ne faut pas négliger. Les systèmes doivent être sécurisés efficacement contre le piratage informatique.

    En outre, lorsque le système surveille des fonctions corporelles en particulier, des protocoles doivent définir la manière de collecter et de traiter ces données afin de ne pas porter atteinte à la vie privée de l’utilisateur.

    L’année 2018 a été marquée par l’entrée en application, au printemps, du RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données). Cette nouvelle règlementation européenne devient le texte de référence concernant la protection des données personnelles et s’applique de façon uniforme dans les pays de l’Union européenne. La Cnil et ses homologues européens ont vu leur pouvoir de sanction augmenter face aux entreprises gérant des données à caractère personnel et qui ne respecteraient pas les nouvelles règles de protection de ces données.

    La compatibilité entre les équipements

    Si des vêtements, des chaussures et des gants de protection doivent être combinés avec une protection de la tête et un masque respiratoire, voire avec une protection contre les chutes de hauteur, il faut veiller à ce que tous ces équipements soient parfaitement compatibles sur les deux plans : l’efficacité de la protection et l’ergonomie de l’ensemble.

    Les composants intelligents doivent être connectés les uns avec les autres afin que toutes les informations parviennent à l’utilisateur à partir d’une seule et même source, sinon il risque d’être « submergé » par ces informations, et sa vigilance mise en défaut. Soit le compagnon sera obligé de se concentrer sans cesse sur les nombreux divers avertissements qui lui seront communiqués, soit il risque a contrario de les ignorer purement et simplement.

    L’harmonisation entre plusieurs normes

    Des points de vue réglementaire et normatif, il reste encore beaucoup à faire avant que les EPI et SPII puissent être conçus et utilisés sereinement. En effet, ils ne relèvent plus uniquement de la législation relative aux EPI [Règlement (UE) 2016/425], mais aussi d’autres réglementations qui doivent être prises en compte, parmi lesquelles :

    • la Directive sur les équipements radioélectriques (RED - 2014/53) ;
    • la Directive sur la compatibilité électromagnétique (CEM - 2014/30) ;
    • la Directive machine (2006/42) ;
    • le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD - 2016/67).

    Or l’harmonisation entre les différentes normes n’est pas toujours tangible. Il faudrait faire intervenir différents organismes notifiés pour démontrer la conformité avec l’ensemble des normes et réglementations applicables.

    A NOTER

    Un projet de règlement IA est en cours, s’articulant autour de différents types d’IA :

    • celles qui sont interdites,
    • les IA à haut risque qui nécessitent de respecter un certain nombre d’exigences avant de pouvoir être mises sur le marché,
    • et enfin tous les autres systèmes d’IA qui sont considérés comme ne présentant pas ou peu de risque pour la santé, la sécurité ou les droits fondamentaux.
    RESSOURCES DOCUMENTAIRES
    • Phases amont de l’innovation : proposition d’une démarche d’analyse de besoin et d’évaluation de l’acceptabilité d’un produit. Helmi Ben Rejeb. Institut National Polytechnique de Lorraine, 2008.
    • Design et ergonomie : facteurs d’innovation dans la conception, Bazzaro, F., Charrier, M. & Sagot, J.C., 2012.
    • Prise en compte de la sécurité dès la conception du produit, expérience pédagogique. Patrick Martin, Cyrille Baudouin, Bruno Daille-Lefevre, Xavier Godot, Alain Etienne, et al.
    • Démarche et innovation dans la conception et la production des systèmes intégrés, mars 2012.
    • L’impact et les attentes pour la normalisation dans l’IA, Comité Stratégique Information et Communication Numérique, avril 2018.
    • Hygiène et sécurité du travail, Savoirs & Actualité, n°251, juin 2018.
    • Intelligence artificielle (IA), Luke Stark, Zenon W. Pylyshyn, novembre 2018.
    • https://www2.deloitte.com/fr/fr/pages/technology/articles/tendances-data-et-analytics-2016.html
    • https://www.insee.fr/fr/statistiques/3303384?sommaire=3353488

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