Dernière mise à jour le : 21/03/2024
L’entretien et la rénovation des ponts est à l’ordre du jour depuis une multiplication récente de sinistres. Les plus anciens d’entre eux réalisés en maçonnerie sont particulièrement concernés. Les travaux sont divers : fondations, maçonnerie, étanchéité, réseaux, remblai, couche de roulement,... Particularité : ils font appel à des échafaudages multidirectionnels réalisés sur mesure. Le point sur ces travaux et tous les risques associés.
Avant d'aborder les travaux d’entretien des ponts en maçonnerie, un rappel de vocabulaire spécifique sera tout d'abord bien utile. A noter qu'un tableau de synthèse permettra d’identifier, pour chaque catégorie de travaux, les risques principaux qu’il faut prendre en compte et les moyens à mettre en œuvre pour les prévenir.
Image 1 : Vocabulaire utilisé pour les différentes parties des ponts en maçonnerie (d’après un document Cerema)
Les ponts en maçonnerie franchissent les brèches à l’aide de voûtes. Les voûtes laissent apparaitre en sous-face un intrados et en façade un bandeau et des tympans. Les pierres de la voûte situées dans le corps de voûte sont les douelles. L’extrados est caché dans le corps du tablier. Il reçoit une chape d’étanchéité recouverte d’un remblai.
De part et d’autre, se trouvent des parapets formant les garde-corps du tablier. Les voûtes s’appuient sur des piles en partie courante et des culées aux extrémités, également en maçonnerie. Les fondations sont très souvent constituées de semelles souvent appuyées sur des pieux de bois très anciens.
A partir du diagnostic effectué, le maître d’ouvrage pourra programmer les travaux de réparation les plus urgents. Pour les ponts en maçonnerie, on observe les travaux courants suivants :
Etanchéité
Structure
Parement
Equipements
Pour traiter l’étanchéité du tablier des ponts en maçonnerie, il est nécessaire d'enlever l’enrobé, l’étanchéité défectueuse lorsqu’elle existe ainsi que le remblai entre les voûtes. Cela nécessite l’utilisation d’un engin de terrassement ainsi que des camions pour évacuer les déblais.
Voici deux exemples : les travées d’accès en maçonnerie du pont métallique de Cubzac; Les ponts ainsi que le pont Saint-Esprit de Bayonne.
Le pont Saint-Esprit de Bayonne a été doté en 1900, d’élargissements en béton armé, de part et d’autre des travées en maçonnerie. Les travaux de réfection d’étanchéité ont donc concerné également ces zones en béton armé rajoutées.
Photo 2 : Mise à nu des voûtes sur le pont de Cubzac-les-Ponts (source : NGE génie civil).
Photo 3 : Mise à nu des extensions en béton armé très anciennes sur le pont Saint-Esprit à Bayonne (source : maîtrise d’œuvre Getec Sud-Ouest).
Photo 4 : Protection des salariés lors du rabotage des enrobés en raison de la présence d’amiante détectée lors du diagnostic sur le pont Saint-Esprit à Bayonne (source : maîtrise d’œuvre Getec Sud-Ouest).
Diverses solutions d’étanchéité peuvent être utilisées. Par exemple sur le Pont Saint-Esprit de Bayonne, l'entreprise a utilisé des feuilles bitumées sous la chaussée ainsi que de la résine et de l’asphalte sous les trottoirs.
Une bonne étanchéité conditionne la tenue du tablier du pont car les dégradations s’effectuent souvent sous l’effet de l’eau et de la végétation. C’est valable pour la pierre, mais également sûrement encore plus, pour les extensions en béton armé. La réfection de l’étanchéité doit s’accompagner de la mise en place d’un drainage pour évacuer les eaux.
Photo 5 : Réalisation de l'étanchéité par feuilles bitumées sur le pont Saint-Esprit à Bayonne (source : maîtrise d’œuvre Getec Sud-Ouest).
Photo 6 : Réalisation de l'étanchéité des trottoirs avec de la résine sur le pont Saint-Esprit à Bayonne (source : maîtrise d’œuvre Getec Sud-Ouest).
Photo 7 : Finition de l’étanchéité des trottoirs par asphalte coulé à chaud sur le pont Saint-Esprit à Bayonne, (source : maîtrise d’œuvre Getec Sud-Ouest)
L’étanchéité doit être protégée, par exemple par du béton maigre. Ensuite, pour compenser le profil des voûtes, il faut niveler par un remblai qui doit être drainé pour éviter la stagnation des eaux d’infiltration.
Enfin, on obtient le profil de la chaussée par rajout de grave ciment et d’enrobé ou d’un pavage. On peut également couler une dalle béton armé sur le remblai. Cela a été fait, par exemple, sur le pont de Cubzac-les-Ponts afin de pouvoir ancrer une passerelle latérale métallique pour cyclistes et piétons.
Photo 8 : Coulage de béton maigre pour la protection de l’étanchéité sur le pont Saint-Esprit à Bayonne (source : maîtrise d’œuvre Getec Sud-Ouest).
Photo 9 : Mise en place d’un drain raccordé aux réseaux d’eaux pluviales pour évacuer les eaux du remblai sur le pont Saint-Esprit à Bayonne (source : maîtrise d’œuvre Getec Sud-Ouest).
Photo 10 : Coulage d’une dalle béton sur les voûtes (pont de Cubzac-les-Ponts/NGE génie civil). La dalle en béton armé permet d’ancrer une passerelle latérale métallique pour les piétons et cyclistes, tout en complétant l’étanchéité. A l’arrière-plan une grue mobile pour la manutention de la benne lors du coulage.
Photo 11 : Mise en œuvre d’enrobés sur le pont Saint-Esprit à Bayonne (source : maîtrise d’œuvre Getec Sud-Ouest).
La structure du pont en maçonnerie commence par la fondation et se poursuit par les piles et culées puis par les voûtes.
La plupart des désordres sur les ponts en maçonnerie franchissant les rivières proviennent des fondations. En effet, il peut se produire des affouillements au voisinage des piles par les effets du courant qui sont de nature à affaiblir leurs appuis.
D’autre part, on constate, avec le réchauffement climatique, une baisse du niveau d’étiage des rivières, ayant pour effet très néfaste de mettre à sec les pieux de bois qui normalement devaient être toujours en zone immergée. Or, si les pieux de bois constamment immergés ne s’altèrent pas avec le temps, une alternance entre la mise au sec et l’immersion est catastrophique pour leur tenue.
D'autre part les sols compressibles trouvés souvent dans le lit ou à proximité des rivières peuvent engendrer des tassements importants sous les appuis et il faut y remédier.
Différentes techniques sont mises en œuvre pour éviter ces inconvénients :
Le rajout d’enrochements permet de protéger les massifs de fondation dégarnis par le courant de la rivière et ainsi de les consolider. On peut également créer des digues en aval de la rivière pour remonter le niveau d’étiage afin de maintenir les pieux de bois sous l’eau et éviter leur dégradation.
Après un relevé batimétrique (relevé des fonds) en amont et en aval du pont, le bureau d’études détermine la quantité d’enrochements à ajouter en amont et en aval pour combler les affouillements et protéger les fondations.
Image 12 : Mise en œuvre d’enrochements complémentaires et vue sur sur le relevé batimétrique avec relevé des fonds et hauteur d'eau sur le pont Saint-Esprit à Bayonne (source : maîtrise d’œuvre Getec Sud-Ouest).
Photo 13 : Pose d’enrochements à l’aide d’une pelle sur barge sur le pont Saint-Esprit à Bayonne (source : maîtrise d’œuvre Getec Sud-Ouest).
Photo 13 bis : Une digue a été constituée pour la réalisation de rideaux de palplanches autour des piles. Ils ont été remplis de béton et sont protégés par des enrochements.
Le forage de micropieux métalliques a été effectué sur le pont de Cubzac-les-Ponts pour renforcer une culée sur sol compressible. Un massif sur pieux en béton armé enserre la culée. Grâce à une conception astucieuse, il se met en charge en cas de tassement de la fondation d’origine.
Dans certains cas, (pont de pierre à Bordeaux), le forage des pieux a été effectué depuis le tablier à travers les piles. La pile est alors enserrée par précontrainte sur un massif à sa base afin de mettre en charge la nouvelle fondation. Les tubes métalliques peuvent servir à l’injection de coulis à la base de la fondation.
Photo 14 : Forage de micropieux pour renforcer une culée du pont de Cubzac-les-Ponts, (source : NGE Génie civil).
Dans le cas où les voûtes ont été endommagées (par exemple par un tassement de la fondation), il faut les démolir et les reconstruire. Pour cela, on utilise un cintre, le plus souvent en bois, sur lequel on peut disposer les douelles de la voûte préalablement taillées suivant la géométrie souhaitée.
Ainsi, après la construction du cintre, les étapes suivantes consistent à le mettre en place sur un étaiement et à travailler sur échafaudage pour reconstruire la voûte, les tympans et le parapet.
Photo 15 : Reconstitution du parement d’un tympan. Au premier plan le cintre qui a permis de reconstruire la voûte sur le Pont de Cubzac-les-Ponts (source : Les compagnons de Saint-Jacques).
Les pierres peuvent s’altérer sous l’effet de l’eau, du gel ou de l’abrasion due à l’écoulement de l’eau. Les pierres à changer sont retirées par affouillement et remplacées par des pierres neuves.
Photo 16 : Affouillement de la maçonnerie pour changement de pierres défectueuses. Utilisation d’une chèvre de levage sur un échafaudage constituant un platelage complet sous les voûtes. du pont de Cubzac-les-Ponts (source : Les compagnons de Saint-Jacques).
Photo 17 : Engin de manutention des blocs de pierre avec bras auxiliaire et louve sur le pont-sur-le-Gers à Aurenque (source : SGRP Maçonnerie Pierre de taille à Lectoure).
Photo 18 : Potence de manutention sur échafaudage sur le pont de la Charité-sur-Loire (source : MAIA Sonnier/ Deluermoz).
Lorsque que l’on redoute que les maçonneries de part et d’autre du pont ne s’écartent, on place généralement des tirants d’ancrage et des croix de chaînage afin de s’opposer à ce déplacement.
Photo 19 : Après l'installation d'un échafaudage, le forage de trous traversant le tablier du pont et la mise en place de tirants d’ancrage ont été réalisés. Ici, chantier de l'aménagement des chemins de Saint-Jacques de Compostelle D7 Lectoure (source : Entreprise Gauthier).
Photo 20 : Le tirant et les croix d’ancrage ont été installés au niveau de la culée côté Aurenque. Pont sur le Gers à Aurenque (source : SGRP Maçonnerie Pierre de taille à Lectoure).
Le joint de chaussée assure la liaison entre le pont et la suite de la route. Quand on refait la chaussée, il est bon de le changer ou d’en ajouter un quand il fait défaut. Cela permet notamment d’encaisser les dilatations différentielles sans dommage.
Photo 21 : Changement du joint de chaussée sur le pont Saint-Esprit à Bayonne (source : maîtrise d’œuvre Getec Sud-Ouest).
Sur les parements en pierre, les joints doivent être correctement garnis afin d’assurer l’étanchéité et la tenue dans le temps. Il convient tout d’abord d’éliminer la végétation qui a pu pousser dans les joints, de les dégarnir (soit manuellement, soit par sablage) et ensuite de les regarnir par un mortier compatible avec la nature de la pierre.
C’est également l’occasion de changer les pierres trop endommagées. Le parement des pierres peut être ravalé par sablage ou, lorsque celui-ci est proscrit, manuellement, à l’aide de chemin de fer.
Parfois le sablage est proscrit pour ne pas abimer la pierre ou éviter les déchets dans l’eau des rivières. Il faut donc ravaler les pierres à la main avec des outils tels que les bouchardes ou les chemin de fer.
Photo 22 : Le chemin de fer ou rabotin est un outil à main qui permet le ravalement manuel des pierres.
La nature des travaux à effectuer (changement de pierre, rejointoiement, ravalement), leur localisation (sur les parapets, sur les piles, en sous-face etc.) et enfin la protection de l’environnement en particulier de l’eau de la rivière conditionnent la conception de l’échafaudage.
Des bâches mises en place empêchent les chutes de matériaux issues par exemple du dégarnissage des joints.
Photo 23 : Sur ce chantier, le recours au sablage a été proscrit pour préserver l’eau de la rivière. Un échafaudage en U renversé a été disposé sur le tablier pour dégager les joints, les regarnir et changer certaines pierres. Le plateau bas de l'échafaudage est bâché pour éviter de troubler l'eau avec la chute des gravats (protection de l'habitat des écrevisses autochtones menacées par les écrevisses américaines envahissantes et nuisibles) L’intrados du pont n’a pas été traité pour préserver l’habitat de chiroptères. Pont sur le Gers à Aurenque (source : SGRP Maçonnerie Pierre de taille à Lectoure).
Photo 24 : Sur ce pont, un échafaudage latéral prenant appui sur les piles et le tablier, a facilité le ravalement des tympans et bandeaux ainsi que des piles sur le pont de la Charité-sur-Loire (source : MAIA Sonnier/ Deluermoz).
Photo 25 : L’échafaudage intègre également une passerelle pour les piétons les séparant de la circulation routière sur le pont de la Charité-sur-Loire (Source : MAIA Sonnier/ Deluermoz).
Photo 26 : Pour traiter l’intrados des voûtes, un échafaudage permettant l’accès en sous-face du pont facilitera les opérations (utilisé ici pour un pont à poutres béton précontraint).
Photo 27 : Une nacelle négative peut également être utilisée pour traiter l’intrados ici sur le Pont Saint-Esprit à Bayonne. Ce dernier moyen est très utilisé pour les inspections (source : maîtrise d’œuvre Getec Sud-Ouest).
Photo 28 : Un échafaudage a été installé pour la réparation et le ravalement des voûtes et des tympans. Une nacelle à ciseaux garantit un démontage plus aisé de l’échafaudage sur le Pont de Cubzac-les-Ponts (source : Les compagnons de Saint-Jacques).
Photo 29 : Réparation d’un encorbellement en béton de 1900 (sûrement un des bétons les plus anciens de France) rapporté de part et d’autre d’un pont en maçonnerie pour son élargissement. Il s’agit de dégager les armatures, les passiver contre la rouille, et reconstituer l’enrobage avec un mortier spécial pour le pont Saint-Esprit à Bayonne (source : maîtrise d’œuvre Getec Sud-Ouest).
Lors des travaux d’entretien des ponts anciens, il est fréquent que l’on profite des travaux pour rajouter des passerelles, le plus souvent métalliques, pour le passage des piétons et des cyclistes.
Photo 30 : L’ancrage d’une passerelle latérale métallique a nécessité le coulage d’une dalle béton (voir Figure 10) ainsi que la création de réservations dans la pierre à la base des parapets pour réaliser l’ancrage du support de passerelle dans la dalle. Il a fallu pour cela utiliser une tronçonneuse pneumatique et une nacelle élévatrice/ PEMP (pont de Cubzac-les-Ponts, NGE Génie civil).
La mode est à la fibre optique pour la diffusion d’internet. Lorsque l’on enlève le remblai d’un pont en maçonnerie, c’est l’occasion d’incorporer un caniveau pour ces réseaux nouveaux. Mais tous les autres réseaux sont concernés : eau potable, assainissement, eaux pluviales, gaz, électricité etc.
Photo 31 : Des caniveaux destinés au passage de nouveaux réseaux sont installés dans le remblai du Pont Saint-Esprit à Bayonne (source : maîtrise d’œuvre Getec Sud-Ouest).
Les rambardes ou les parapets peuvent avoir été endommagés par les chocs, le gel, la corrosion. Ils peuvent être en pierre, en béton armé ou métalliques. On peut profiter des travaux pour les changer ou les réparer.
Photo 32 : Les rambardes anciennes (ou parapet) sont déposées et remplacées par des rambardes neuves préfabriquées en usine. Un système astucieux de garde-corps provisoire protège contre les chutes à l’eau sur le pont Saint-Esprit à Bayonne (source : maîtrise d’œuvre Getec Sud-Ouest).
Pour accéder au contenu de l'article, voir le site Légifrance, code du Travail.
Articles R4534-3 à R4534-6 du Code du travail
Articles R4323-58 à R4323-61 du code du travail
Articles R4323-62 à R4323-64 du Code du travail
Articles R4323-65 à R4323-68 du Code du travail
Articles R4323-69 à 80 du Code du travail'
Articles R4323-23 à R4323-25 du Code du travail
Articles R4323-29 à 49, articles R4324-24 à R4324-29 et article R4534-109 du Code du travail
Tous les vendredis, notre lettre hebdomadaire vous propose un condensé d’actualités sur la prévention et dans le secteur du BTP.
En savoir plusInsérez vos espaces publicitaires sur le site, le magazine, et/ou la newsletter PréventionBTP
Voir le Kit MédiaExplorez des solutions pratiques et réalistes pour améliorer la vie sur vos chantiers.
Construisez, avec toute l’entreprise, des mécanismes et systèmes de prévention adaptés et personnalisés.
Simplifiez-vous la vie avec des outils faciles et pratiques, qui vous aideront à mettre en place la prévention dans votre entreprise.
Explorez des ressources pratiques pour sensibiliser les compagnons et sécuriser les situations de travail.
Connectez-vous à l'actualité de la prévention : articles, événements, magazine…