Renforcer les structures béton avec des textiles collés pour éviter la déconstruction
Le renforcement par matériaux composites trouve son origine dans le procédé Lhermitte, qui consistait à coller des tôles d’acier sur les talons des nervures et des âmes des poutres. Ce procédé a connu un certain succès jusqu’à ce que l’on sache fabriquer des fibres de carbone, encore plus résistantes que l’acier. Ces fibres, une fois tissées, ont permis de réaliser des textiles plus légers et faciles à mettre en œuvre par collage pour le renforcement des structures. Sources d'économie de ressources naturelles, en évitant la déconstruction des ouvrages, ces procédés nécessitent le respect de certaines précautions lors de leur mise en œuvre.
Date de mise à jour : 24 oct. 2024
Impact en prévention
Le procédé de renforcement par textile collé présente plusieurs avantages en prévention des risques professionnels et en économie de ressources naturelles.
- Il permet de réutiliser des structures qui changent de destination plutôt que de les démolir pour les reconstruire, ce qui est coûteux en ressources et également en risques pris.
- Il évite ainsi la mise en décharge des déblais, que génère la démolition. Par conséquent, il réduit, voire supprime, la consommation d’aciers, de granulats, de ciment et de coffrages liée à la reconstruction.
- Si la démolition/reconstruction est trop coûteuse, on peut être tenté de mobiliser de nouveaux terrains pris sur les terres agricoles pour une construction neuve afin d’économiser les coûts de démolition/reconstruction en abandonnant les structures anciennes en friches industrielles.
Ce procédé nécessite néanmoins des travaux en hauteur, la préparation des supports béton, l’utilisation de produits qui peuvent présenter certains risques. Les précautions décrites dans ce document permettent de maîtriser ces risques.
Principe du renforcement de structure par composite
Le renfort du béton est obtenu par la constitution d’un composite constitué de l’association d’une colle résine époxy et du tissu de carbone (ou kevlar). C’est pourquoi certains documents parlent de renfort par composite. La fibre de renfort peut se présenter également sous forme de fils parallèles, collés en usine, de section rectangulaire (lames) ou circulaire (joncs). Les lames sont généralement collées sur les talons de poutres, comme les textiles, tandis que les joncs sont posés dans des saignées.
Objectifs des travaux de renfort et principe de calcul
Les objectifs recherchés par le renforcement sont généralement les suivants :
- accroître les charges d’exploitation (prise en compte d’un changement d’usage de la structure) ;
- réparer une structure endommagée ou présentant des défauts de calcul ou de réalisation ;
- renforcer l'ouvrage contre le risque de séismes (prise en compte des charges de séisme issues des nouveaux règlements).
Réalisation des calculs pour renforcer les ouvrages béton
Pour dimensionner les renforts, on considère :
- l'ajout d’une section de matière résistante qui se mobilise lors des déformations de la structure, provoquées par les nouvelles surcharges (lois de Navier et de Hooke) ;
- une section de béton, dont le calcul à la rupture s'effectue en appliquant la règle des trois pivots A, B et C, qui correspondent à l’atteinte de la déformation limite du matériau (pivot A acier déformé à 10 ‰, pivot B béton déformé à 3,5 ‰ en flexion, pivot C béton déformé à 2 ‰ en compression) ;
- pour les textiles collés, les recommandations de l’Association française de génie civil (AFGC) font intervenir le pivot D correspondant à la déformation limite du composite (valeur sur la fiche technique du procédé TFC Foreva de Freyssinet 15 ‰). Pour plus de détails, consulter le document de l'AFGC cité plus loin.
D’autres supports comme l'acier, la pierre ou le bois peuvent être renforcés par des composites. Ces applications ne sont pas abordées dans cette solution.
Principe de réparation par matériaux composites
Au cours de leur durée de vie, les structures béton sont souvent confrontées au changement de leur usage. Ce changement peut augmenter les charges d’exploitation et nécessiter un renforcement de la structure.
Pour expliquer le principe, voici le cas d’une structure béton à renforcer en raison d’un accroissement de charges d’exploitation. Cette étude de cas permet d’aborder de façon concrète les différents types de renforcement par matériaux composites les plus courants.
Cette structure béton est constituée de poutres de 10 m de portée, de section 60 x 100 cm, supportant une dalle béton de 25 cm d’épaisseur et de 10 m de portée entre poutres. Les poutres sont elles-mêmes supportées par des poteaux de 4 m de hauteur et de 60 x 60 cm de section.
Structure béton à l'origine
Projet de rajout de charges
De nouvelles charges dans le bâtiment nécessitent un renforcement
Le nouvel exploitant souhaite ajouter une machine très lourde sur une dalle de 3,50 x 3,50 m destinée à répartir les charges et à amortir les vibrations. D’autre part, les conditions d’exploitation de l’étage supérieur nécessitent de rajouter un poteau sur la dalle.
Le ferraillage prévu lors de la conception de la structure ne prend pas en compte ces charges et il faut donc faire un nouveau calcul afin de prévoir, si nécessaire, un renforcement.
Renfort poteaux-poutre dalle
Comment renforcer la poutre, les poteaux et la dalle de béton
Tous calculs faits, la reprise de ces nouvelles charges nécessite :
- le renforcement de la poutre à la flexion et à l’effort tranchant ;
- le renforcement des poteaux pour augmenter l’effort de compression par confinement ;
- le renforcement ponctuel de la dalle pour éviter le poinçonnement.
Le projet de renforcement nécessite le rajout de matériaux composites en sous-face de la nervure et sur les âmes de la poutre, ainsi que le confinement par matériaux composites des deux poteaux. Enfin, il faut réaliser un maillage en matériaux composites en sous-face de la dalle au droit du poteau.
Renfort de poutre
Coller les bandes de renfort en sous-face le long de la poutre
Deux bandes de renfort doivent être collées en sous-face tout le long de la poutre pour le renfort au moment de flexion. Au niveau de l’appui, cinq bandes en forme de U doivent être collées pour le renfort à l’effort tranchant. Des cornières assurent l’ancrage des bandes d’effort tranchant dans la dalle. Il est possible d’utiliser, à la place des cornières, des mèches collées et ancrées dans un trou foré dans la dalle.
Les poteaux sont renforcés par des bandes verticales collées tout le long des quatre faces. Ces bandes verticales sont complétées par des bandes transversales qui enserrent le poteau à espaces réguliers pour réaliser un confinement permettant d’augmenter l’effort de compression.
Au droit du poteau qui transmet des charges depuis le niveau supérieur, le renforcement par une grille de matériaux composites pallie le poinçonnement non prévu dans le ferraillage initial.
Renfort ponctuel de dalle
Phases de réalisation des travaux lors du renforcement d'un pont par textiles collés
Sur ce chantier de renforcement d’un pont par textiles collés, le travail au niveau des appuis est réalisé à l’aide d’un échafaudage de pied, tandis que dans les travées, on utilise une plate-forme automotrice à ciseaux.
Travail en hauteur avec une plate-forme élévatrice à ciseaux
Préparation du support à renforcer par textiles collés
Il faut préparer le support béton pour garantir l’adhérence du composite. Le décapage est réalisé à l’aide d’une ponceuse reliée à un aspirateur. On a effectué la captation à la source des poussières. L’opérateur est, de plus, équipé d’un masque antipoussières de type P3.
Le but est de se protéger contre les poussières de silice cristalline émises lors du ponçage. Certaines structures sont protégées contre le feu par des flocages. Dans ce cas, il convient de demander aux maîtres d’ouvrage un repérage amiante avant travaux (RAT) afin de s’assurer que le flocage n’en contient pas. Si le flocage est amianté, l’enlèvement du revêtement ne peut être effectué que par une entreprise certifiée en désamiantage (sous-section 3) pour ces travaux et disposant de personnels formés.
Décapage de béton à l'aide d'une ponceuse reliée à un aspirateur.
Préparation de la résine époxy
Sur ce chantier, la préparation de la résine est effectuée en mélangeant les deux composants (résine et durcisseur) à l’aide d’un outil malaxeur fixé sur une perforatrice électrique. L’opérateur est équipé d’un masque respiratoire complet avec une visière protégeant le visage. Les cartouches filtrantes sont du modèle Abek. Le masque respiratoire est complété par une combinaison jetable et des gants de protection.
Préparation de la résine époxy par le salarié équipé d'un masque respiratoire.
Collage des bandes textiles en sous-face de la nervure et leur enrobage de colle
Le collage des bandes textiles en sous-face est effectué à l'aide d'une PEMP automotrice à ciseaux. Le port des combinaisons, des gants et des casques à visière est à noter.
Collage des bandes sous talon-poutre.
Traçage des bandes textiles sur les âmes de poutres
L’implantation des textiles sur les âmes résulte d’un calcul et on doit les placer soigneusement aux emplacements prévus. Pour cela, un traçage préalable s’impose.
Traçage pour le renfort des âmes.
Collage des bandes textiles sur les âmes (renfort à l’effort tranchant)
Le collage des bandes textiles sur les âmes s'effectue suivant le même principe que le collage en sous-face de nervure, toutefois les bandes sont verticales.
Collage renforts âme.
Analyse du risque et plan particulier de sécurité et de protection de la santé
Il est fortement recommandé d'analyser le risque traitant du travail en hauteur et de la préparation des surfaces béton proposée dans le document de l'AFGC « Réparation et renforcement de structures au moyen de matériaux composites : recommandations provisoires. Février 2011 », pages 109 et 110.
Voici une synthèse traitant des risques spécifiques à ces techniques.
Préparation des supports béton
Moyens utilisés pour la purge du béton dégradé :
- marteau et burin,
- brise-béton,
- nettoyeur haute pression,
- ponceuse portative électrique ou pneumatique.
Moyens de prévention contre le bruit
Il faut privilégier les matériels les moins bruyants, c'est-à-dire ceux qui ont le niveau de puissance acoustique - LwA, exprimé en dB(A) - le plus faible.
Pensez également à :
- éloigner les sources sonores de l’opérateur ;
- diminuer le temps d’exposition ;
- opter pour des protections individuelles (bouchons, casques antibruit).
Moyens de prévention pour les projections
- Ne pas démonter les capots des machines destinés à arrêter les projections.
- Protéger en priorité les yeux, avec des lunettes ou des visières.
- Éloigner le personnel non nécessaire aux travaux.
Moyens de prévention contre les poussières
- Connaître le caractère pathogène des poussières : généralement le ponçage du béton génère des poussières contenant de la silice cristalline. Il faut également se méfier des flocages qui contiennent de l’amiante et demander un repérage amiante avant travaux au maître d’ouvrage. Dans le cas où le revêtement contient de l’amiante, son enlèvement ne peut être effectué que par une entreprise certifiée.
- Capter les poussières à la source sur les ponceuses en les reliant à un aspirateur de classe H,
- Réaliser un décapage à l’humide, par exemple par jet haute pression.
- Se protéger avec un masque anti-poussière équipé de cartouches P3 et adapté au niveau d’empoussièrement que l’on génère.
Utilisation de produits chimiques
Il est préférable d'évaluer le risque chimique pour mieux l'appréhender.
Préparation de la colle
- Pour connaître la nature des colles utilisées, consulter la fiche de données de sécurité (FDS) qui doit être fournie par le fabricant du produit. Elle indique les précautions d’emploi et les protections à utiliser.
- Dans la plupart des cas, il s’agit de colles époxy à deux composants : une résine et un durcisseur. Pour préparer la colle, il faut mélanger la résine et le durcisseur afin de déclencher la réaction de polymérisation. Cette réaction émet des polluants atmosphériques dont il faut se protéger généralement par un masque équipé de cartouches filtrantes Abek (à vérifier sur la fiche de données de sécurité).
- En plus de la protection respiratoire, lors de l’utilisation des colles à base de résines époxy, il faut être équipé de combinaison et de gants adaptés (précisé dans la FDS).
- Le tableau 51 reconnaît comme maladie professionnelle les dermites eczématiformes consécutives à l’exposition aux résines époxy.
Collage des bandes textiles
La résine époxy étant très agressive pour la peau (l’enlèvement nécessiterait d’arracher la peau), il convient donc de se protéger avec :
- une visière complétée par des lunettes (double protection pour les yeux) ;
- des gants aux produits chimiques mis en œuvre (consulter la FDS) ;
- une combinaison complète jetable.
Les documents de référence incontournables
- STRRES (Syndicat national des entrepreneurs spécialistes de travaux de réparation et de renforcement de structures) www.strres.org
- Guide Fabem 7 Réparation et renforcement de structures par armatures passives additionnelles. page 160, paragraphe 5 : ajout d’armatures passives à la surface du béton.
- Association française de génie civil : www.afgc.asso.fr
- Réparation et renforcement de structures au moyen de matériaux composites : recommandations provisoires. Février 2011.
Outre les essais et les modalités de calcul, ce document propose en annexe des fiches techniques avec les procédés suivants :
- Freyssinet Foreva TFC (tissu)
- Freyssinet Foreva LFC (lamelles pultrudées)
- Vinci Rocc+ (tissu)
- Sika Wrap (tissu)
- Sika Carbodur (lamelles pultrudées)
- SPPM Compodex C12 (lamelles pultrudées)
- SPPM Compodex VE/Bi (tissu)
- VSL V2C N°1 (lamelles pultrudées)
- VSL V2C N°2 (tissu)
- Renforcement parasismiques de structures en béton armé par matériaux composites : recommandations provisoires juin 2015
- CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment) : www.cstb.fr
- Avis techniques pour les procédés qui en ont fait la demande. https://evaluation.cstb.fr
- Site de l’OPPBTP Prévention BTP : www.preventionbtp.fr
Parmi les contenus proposés, consulter les thèmes suivants : travail en hauteur, bruit, vibrations, poussières (silice, amiante…), risque chimique…
Risques travail en hauteur et maladie professionnelle risque époxy
Échafaudages
ArticleR4323-69 du Code du travail (montage, démontage et transformation des échafaudages formation)
Article R4323-70 du Code du travail (plan de montage, notice du fabricant, note de calcul)
ArticleR4323-71 du Code du travail (protection intégrée dès le montage)
Article R4323-72 du Code du travail (solidité et bon état de conservation d’un échafaudage)
ArticleR4323-73 du Code du travail (stabilité de l’échafaudage)
ArticleR4323-74 du Code du travail (effets du vent, résistance des appuis)
ArticleR4323-75 du Code du travail (déplacement, basculement d’un échafaudage roulant)
ArticleR4323-76 du Code du travail (charge admissible d’un échafaudage)
ArticleR4323-77 du Code du travail (protection collective sur échafaudage)
ArticleR4323-78 du Code du travail (planchers d’échafaudages)
ArticleR4323-79 du Code du travail (échafaudages, moyens d’accès)
Appareils pour le levage des personnes
Article R4323-31 du Code du travail (levage des personnes avec des appareils spécifiques)
Arrêté du 1er mars 2004 relatif aux vérifications des appareils et accessoires de levage
Arrêté du 2 décembre 1998 relatif à la formation à la conduite des équipements de travail mobiles automoteurs et des équipements de levage de charges ou de personnes
Tableau des maladies professionnelles résines époxy n° 51
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006746364