Quasiment omniprésente dans notre secteur, la silice cristalline, si elle est inhalée, peut être très dangereuse pour la santé. Afin de limiter les risques, il est indispensable de réduire la production de poussières qui peuvent pénétrer au plus profond des poumons.
Date de mise à jour : 2 avr. 2024
Présente à l’état naturel dans le sable et les carrières, la silice cristalline est également présente sous forme transformée dans de nombreux matériaux comme le béton, le carrelage et certaines roches… L’inhalation de poussières de silice cristalline peut provoquer des maladies graves et des cancers.
En France, près de 365 000 travailleurs seraient exposés à la silice cristalline dont une majorité d’artisans et de salariés du BTP. Les situations de travail et métiers susceptibles d’être concernés sont nombreux parmi lesquels on note notamment les sableurs et les professionnels intervenant lors des opérations de démolition, de découpe (béton, carrelage), de taille de pierre et de ponçage béton.
La silice cristalline est l’un des constituants majeurs de la croute terrestre. Elle est ainsi présente dans la majorité des roches naturelles, comme le sable, le granite ou le grès. Du fait de sa prévalence dans la plupart des matériaux naturels, d’origine minérale, la silice cristalline entre dans la composition de nombreux matériaux de construction élaborés comme le béton, le carrelage, les briques, les enduits et les peintures.
A l’état libre, il existe deux variétés de silice : la silice amorphe (terre de diatomée naturelle par exemple) et la silice cristalline. La silice cristalline existe sous différentes formes (appelés polymorphes) dont les principales sont :
Différents types de roches contenant de la silice cristalline ; a : grès dont presque tous les grains sont du quartz, b : schiste qui contient anormalement de nombreux petits blocs de quartz blanc, c : granite à grains fins dont les grains beiges correspondent à du quartz.
Le risque d’inhalation de poussières de silice cristalline existe dès que de la poussière est produite, par exemple lorsque l’on gratte, que l’on perce ou que l’on taille des matériaux qui en contiennent.
En raison de la présence de silice cristalline dans la majorité des matériaux naturels (granits, marbres, sables …) et des matériaux de construction courants tels que le béton ou le carrelage ; le secteur du bâtiment et des travaux publics est particulièrement concerné par le risque d’exposition à la silice cristalline alvéolaire (par inhalation).
Les expositions à la silice cristalline alvéolaire peuvent survenir lors :
Tableau des teneurs en silice cristalline majoritairement rencontrés dans des matériaux courants. Ces matériaux étant naturels, il peut exister des cas où les teneurs diffèrent de celles présentées dans ce tableau.
On constate une grande diversité de situations de travail dans les secteurs de la construction susceptibles d’émettre des poussières de silice cristalline alvéolaire selon des conditions d’expositions variables et multiples.
L’inhalation de poussières de silice cristalline provoque des irritations des yeux et des voies respiratoires mais également des maladies différées qui se développent après plusieurs années d’exposition. Elles affectent en premier lieu les poumons.
Lors de sollicitations mécaniques ou de la mise en œuvre de matériaux, des particules de silice cristalline de tailles micrométriques ou nanométriques sont libérées dans l’air. L’absence de poussières visibles à l’œil nu ne garantit pas l’absence de particules de silice cristalline et donc un risque d’exposition.
L’exposition à ces poussières peut engendrer :
La fréquence et l’intensité d’exposition aux poussières de silice cristalline sont des facteurs déterminants. La toxicité de la silice cristalline est particulièrement importante lors de pics d’exposition lors d’opérations particulièrement émissives en poussières et lorsque les particules sont fraichement émises.
Effets pulmonaires :
La silicose est la maladie emblématique de l’exposition à la silice cristalline. Il s’agit d’une fibrose pulmonaire due à l’accumulation de particules dans les poumons entraînant une insuffisance respiratoire. La silicose est une maladie irréversible ; une fois la maladie déclarée, sa progression se poursuit et ce malgré l’arrêt de l’exposition aux poussières de silice cristalline. Elle peut survenir rapidement à la suite d’une exposition intense de courte durée (silicose aigüe) ou sur un temps plus long (15 à 20 ans) à la suite d’une exposition chronique.
En outre, depuis 1997, le CIRC[1] a classé la silice cristalline comme cancérogène certain pour l’Homme (groupe 1). Une exposition à la silice cristalline augmente le risque de développer un cancer broncho-pulmonaire.
L’exposition à la silice cristalline est également associée à d’autres pathologies respiratoires comme la bronchite chronique, la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) et une altération des fonctions respiratoires.
[1] Centre International de Recherche contre le Cancer
Atteintes auto-immunes :
L’exposition à la silice cristalline chez certains travailleurs est associée à un accroissement du risque de développer une maladie auto-immune. Un large spectre de maladies auto-immunes est concerné comme la sclérodermie systémique, la polyarthrite rhumatoïde et le lupus érythémateux systémique.
Tableau de maladies professionnelles :
Les maladies professionnelles en lien avec une exposition à la silice cristalline ainsi que les critères de reconnaissance associés sont présentées dans le tableau n° 25 du régime général de la Sécurité Sociale « Affections consécutives à l’inhalation de poussières minérales renfermant de la silice cristalline (quartz, cristobalite, tridymite), des silicates cristallins (kaolins, talc), du graphite ou de la houille. »
Suivi individuel (médical) renforcé (SIR) et suivi post-professionnel :
Les travailleurs affectés à un poste exposant à des risques particuliers bénéficient d’un Suivi Individuel Renforcé (SIR). La liste des postes à risques particuliers est précisée à l’article R4624-23 du Code du travail, parmi lesquels figurent les travaux exposant aux agents chimiques dangereux CMR. Les travailleurs exposés aux poussières de silice cristalline alvéolaire sont ainsi concernés par le SIR.
Pour faire bénéficier à ses salariés du SIR, l’employeur doit déclarer à son service de prévention et de santé au travail, pour chacun de ses salariés, les risques professionnels auxquels ils sont exposés.
Le Suivi Individuel (médical) Renforcé comprend :
Les salariés ayant fait l’objet d’un SIR bénéficient, à la suite de l’arrêt de leur exposition à un poste à risque particulier ou lors de leur départ en retraite, d’un examen médical visant à établir une traçabilité et un état des lieux de l’exposition. En cas de constatation d’une exposition à des risques dangereux comme notamment les agents chimiques dangereux dont les fumées et les poussières, le médecin du travail met en place une surveillance post-exposition ou post-professionnelle, en lien avec le médecin traitant et le médecin conseil des organismes de sécurité sociale (article L4624-2-1 du Code du travail).
Substituer la silice cristalline et éviter le risque :
La première mesure à envisager en présence d’un agent cancérogène est sa substitution. Dans le cas des travaux exposant aux poussières de silice cristalline, les solutions sont :
[1] preventionbtp : https://www.preventionbtp.fr/ressources/focus/la-fiche-de-donnees-de-securite-fds
Mettre en place les mesures de prévention adaptées :
La silice cristalline étant présente dans la majorité des matériaux employés dans le secteur de la construction, la substitution peut s’avérer difficile dans certaines situations. Dans ce cas, des mesures de prévention collectives adaptées doivent être mises en place de manière à réduire le niveau d’exposition des travailleurs au niveau le plus bas techniquement possible (article R4412-69 du Code du travail) telles que :
En complément des mesures de protection collective, si celles-ci ne suffisent pas, le port des Equipements de protection individuelle (EPI) adaptés peut être nécessaire.
L’employeur assure la vérification et le maintien en parfait état de fonctionnement des installations et des équipements de protections collectives (article R4412-23 du Code du travail) et assure la formation au port et à l’entretien des équipements de protection individuelle (article R4412-19 du Code du travail).
Information et formation des travailleurs
L’employeur doit organiser pour ses travailleurs exposés une information et une formation sur les risques pour la santé, les précautions à prendre pour prévenir l’exposition, les mesures d’hygiène ainsi que sur le port et l’emploi des équipements de protection (article R4412-87 du Code du travail).
Pour chaque situation de travail exposante, l’employeur établit une notice de poste détaillant les risques encourus et les dispositions pour les éviter (article R4412-39 du Code du travail).
La silice cristalline est un agent chimique dangereux. Les règles générales de prévention du risque chimique, établies par les articles R4412-1 à R4412-57 du Code du travail, doivent être appliquées.
De plus, la publication de l’arrêté du 26 octobre 2020 fixant la liste des substances, mélanges et procédés cancérogènes au sens du Code du travail a renforcé la réglementation relative à l’exposition aux poussières de silice cristalline. Cet arrêté a ajouté à la liste des procédés cancérogènes les travaux exposant à la poussière de silice cristalline alvéolaire issue de procédés de travail.
Dès lors qu'un salarié est exposé à la silice cristalline dans le cadre de son activité professionnelle, l'employeur doit respecter la réglementation spécifique aux agents CMR [1] décrite aux articles R4412-59 à R4412-93-4 du Code du travail.
Les entreprises doivent mener une démarche approfondie d’évaluation du risque, retranscrite dans le Document Unique d’Evaluation des Risques (DUER) : inventaire des matériaux concernés, inventaire des procédés et situations à risque, durée et fréquence d’exposition et niveau d’empoussièrement (article R4412-61 du Code du travail). L’évaluation des risques doit être mise à jour régulièrement, a minima annuellement, prenant en compte l’évolution des connaissances et toute modification éventuelle des conditions de travail (article R4412-62 du Code du travail).
Le Document unique d’évaluation des risques actualisé ainsi que les éléments ayant servi à son élaboration doivent être mis à disposition des membres du comité social et économique, du médecin du travail, de l’inspection du travail et des agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale (article R4412-64 du Code du travail).
Traçabilité de l'exposition des travailleurs (articles R4412-93-1 à R4412-93-4 du Code du travail) :
L'employeur doit établir une liste actualisée des travailleurs susceptibles d'être exposés aux agents CMR [1]. Cette liste indique les substances concernées ainsi que, lorsqu'elles sont connues, les informations sur la nature, la durée et le degré de son exposition. Les informations de cette liste sont tenues, de manière anonyme, à la disposition des travailleurs et des membres de la délégation du personnel du comité social et économique.
L'employeur adresse la liste aux services de prévention et de santé au travail, ces informations seront versées au dossier médical en santé au travail (article L4624-8 du Code du travail), elle sera conservée par ces services durant une période d'au moins 40 ans.
Dispositions particulières pour les travailleurs de moins de 18 ans en formation professionnelle :
Il est interdit d’affecter les jeunes travailleurs à des travaux impliquant l’exposition à des agents chimiques dangereux CMR (article D4153-17 du Code du travail). Néanmoins, cette interdiction peut faire l'objet d'une dérogation temporaire pour les jeunes travailleurs âgés d’au moins 15 ans et de moins de 18 ans en formation professionnelle. Pour cela, préalablement à l’affectation du jeune travailleur à des travaux l'exposant à de la poussière de silice cristalline alvéolaire issue de procédés de travail, l’employeur ou le chef d’établissement doit adresser une déclaration de dérogation à l'inspection du travail (article R4153-41 du Code du travail).
[1] Cancérogènes, Mutagènes et Reprotoxiques
Les Valeurs limites d’expositions professionnelles (VLEP) :
Afin de prévenir des effets dommageables pour les travailleurs, le Code du travail définit des Valeurs limites d’exposition professionnelles (VLEP), il s’agit d’une concentration définie pour une substance à ne pas dépasser sur une période de référence de 8h.
L’article R4412-149 du Code du travail, définit des VLEP réglementaires contraignantes pour le quartz, la cristobalite et la tridymite :
Substance | VLEP (mg/m3) |
Quartz | 0,1 |
Cristobalite | 0,05 |
Tridymite | 0,05 |
En complément, le Code du travail fixe une VLEP pour le mélange des poussières contenant de la silice cristalline alvéolaire et des poussières alvéolaires non-silicogènes. Celle-ci est calculée selon la formule définie à l’article R4212-154 du Code du travail et ne doit pas dépasser la valeur de 1 (indice d’exposition) :
Cns/5 + Cq/0,1 + Cc/0,05 + Ct/0,05 ≤ 1
Les VLEP du quartz, de la cristobalite et de la tridymite sont des VLEP réglementaires contraignantes ; ceci implique qu’en cas de dépassement, l’employeur doit immédiatement arrêter l’activité pour les postes de travail concernés jusqu’à la mise en œuvre des mesures propres à assurer la sécurité des travailleurs (article R4412-77 du Code du travail).
L’employeur doit procéder à des contrôles techniques de VLEP, par un organisme accrédité, au moins une fois par an et lors de tout changement susceptible d’entraîner un impact sur les émissions (articles R4412-76 à 77 du Code du travail). Les résultats sont communiqués par l’employeur au médecin du travail ainsi qu’au comité social économique ; ils sont également tenus à la disposition de l’agent de contrôle de l’inspection du travail et des agents de service de prévention des organismes de sécurité sociale et du médecin agent de contrôle (article R4412-79 du Code du travail).
Le respect des VLEP est un objectif minimal de prévention. Pour les substances, mélanges et procédés cancérogènes comme les travaux exposant à la poussière de silice cristalline alvéolaire issue de procédés de travail, il n’existe pas de seuil en dessous duquel elles ne produisent pas d’effet. Il faut réduire l’exposition au niveau le plus bas que techniquement possible.
Pour les poussières de silice cristalline, il existe différents dispositifs de prélèvements et de méthodes d’analyse. Les deux principales méthodes sont présentées dans le tableau ci-dessous :
Parmi les méthodes d’analyse disponibles, la méthode par Diffraction aux rayons X (DRX) présente l’avantage d’identifier les phases minérales présentes en plus de la silice cristalline, et ainsi de mieux gérer les interférences (rapport de l’Anses « Dangers, expositions et risques relatifs à la silice cristalline » Avis de l’Anses - Avril 2019).
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