Absence de mise à disposition rapide EPI
Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 30 novembre 2010 - n°08-70390
Date du texte : 30 nov. 2010
La seule exposition du salarié par son employeur à un risque identifié sans mise en œuvre des mesures de protection appropriées, caractérise le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat. Ce manquement cause un préjudice au salarié exposé justifiant une indemnisation, et ce même si cette exposition n’a pas eu d’incidence avérée sur la santé du salarié et qu’aucune affection professionnelle n’est développée.
QUE S’EST-IL PASSE?
Un salarié intérimaire est mis à disposition d’une entreprise utilisatrice au sein de laquelle existe un risque identifié d’exposition aux fumées de soudage. L’entreprise utilisatrice met à disposition des salariés des masques à adduction d’air et assure un suivi médical régulier. Le médecin du travail constate, à l’occasion de ce suivi médical, une affection au chrome chez le travailleur intérimaire et le déclare inapte à son poste, sans pour autant qu’une lésion ou une maladie ait été déclarée ou prise en charge au titre de la législation sur les accidents du travail ou les maladies professionnelles. Le travailleur, considérant que cette affection était liée à la mise à disposition tardive des masques, demande la condamnation de l’entreprise de travail temporaire et de l’entreprise utilisatrice à lui verser des dommages et intérêts pour manquement à leur obligation de sécurité.
Le salarié a été débouté de sa demande. La Cour d’appel de Poitiers a en effet considéré qu’aucune faute ne pouvait être imputée à l’employeur ou à l’entreprise utilisatrice et que le salarié n’avait pas développé d’affection particulière et ne présentait aucun signe d’intoxication.
La Cour d’appel considérait en effet que l’inaptitude du salarié avait été déclarée à titre préventif, qu’il n’existait aucune faute, d’autant que l’obligation de prévention avait été remplie puisque le risque avait été identifié et que des mesures de protection avaient été mises en œuvre (équipements de protection, surveillance médicale spécifique), et surtout que le salarié ne présentait aucune conséquence médicale susceptible d’être indemnisée par la législation sur les risques professionnels.
POURQUOI CETTE DECISION?
La Cour de cassation casse cependant l’arrêt de la cour d’appel. Elle considère qu’à partir du moment où un risque d’exposition aux fumées de soudage avait été identifié, la seule circonstance que les masques n’aient pas été fournis dès le début de la mission constituait un manquement de l’entreprise utilisatrice à son obligation de sécurité de résultat causant nécessairement un préjudice au salarié.
COMMENTAIRE
La Cour de cassation, dans quelques arrêts, avait récemment retenu la responsabilité des employeurs sur la base de leur obligation de sécurité de résultat (non application des mesures anti-tabac, absence de mise en œuvre de la surveillance médicale, défaut de prise en compte des préconisations du médecin du travail dans des cas de déclaration d’inaptitude), et ce malgré l’absence de dommage réel sur la santé.
Dans l’arrêt du 30 novembre 2010, le salarié avait d’ailleurs présenté sa demande d’indemnisation devant le Conseil de Prud’hommes, et non devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale comme cela est fait lors d’une demande d’indemnisation liée à un accident du travail ou à une maladie professionnelle.
Avec cet arrêt destiné à être publié au Rapport annuel de la Cour de cassation, la Cour entend rattacher l’obligation générale de prévention à l’obligation de sécurité de résultat afin d’assurer l’effectivité du droit du salarié à la santé et à la sécurité.