Accident du travail : importance du caractère soudain
La prise en charge d’un accident du travail par la CPAM est conditionnée à la possibilité d’établir avec certitude le moment d’apparition d’une lésion liée à l’accident et son caractère soudain.
Date du texte : 27 oct. 2023
Cour d'appel de Paris, 27 octobre 2023, n° 20/03014
Alors qu’il opérait le retrait de marchandises pour des clients, un salarié s’est plaint à 17 h 30 auprès de son employeur de ressentir une forte douleur dans le bras. Après en avoir été informé, l’employeur a déclaré le jour même auprès de la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) cet accident qui serait intervenu à 14 h 30 et a émis des réserves. L’accident a été pris en charge par la CPAM.
L’employeur demande auprès du tribunal judiciaire que la décision de la CPAM ne lui soit pas opposable. Le tribunal ayant rejeté sa demande, il fait alors appel du jugement.
L’employeur fait valoir que la douleur au bras ressentie par le salarié s’inscrivait dans des circonstances habituelles de travail, que le salarié ne faisait pas état d’un fait accidentel, mais qu’au contraire, la douleur ressentie par celui-ci serait apparue de façon lente et progressive.
Il indique également ne disposer d’aucun élément objectif permettant d’établir la matérialité des faits, et précise qu’il n’existe aucun témoignage permettant de confirmer la survenance d’un accident et la réalité de l’apparition d’une douleur pendant le temps et sur le lieu du travail.
La CPAM, quant à elle, considère qu’il existe bien un faisceau d’indices caractérisant la matérialité de l’accident. Pour prendre en charge l’accident, la CPAM retient que la déclaration d’accident du travail, réalisée par l’employeur le jour même de la survenance de l’accident, indiquait que le salarié avait été victime d’une « douleur forte dans le bras » alors qu’il effectuait une activité de retrait marchandise client. L’accident étant intervenu sur le lieu de travail et pendant le temps de travail du salarié, celui-ci était donc, pour la caisse, présumé d’origine professionnelle.
La cour d’appel donne raison à l’employeur. Elle estime que la présomption d’imputabilité de la lésion au travail n’était en l’espèce pas établie dans la mesure où il n’est pas possible d'indiquer avec certitude l’heure d’apparition de la lésion. Selon la cour, la décision de prise en charge de l’accident du travail doit être déclarée inopposable à l’employeur.
Pour qu’un accident du travail soit présumé d’origine professionnelle, celui-ci doit avoir eu lieu sur le lieu de travail et pendant le temps de travail du salarié.
Or, selon la cour d’appel, la présomption d’imputabilité de la lésion au travail n’était en l’espèce pas établie dans la mesure où il n’était pas possible d’établir avec certitude le moment où les lésions du salarié sont apparues, ni leur caractère soudain.
Dans cette affaire, le salarié avait en effet indiqué, dans le questionnaire que la CPAM lui avait adressé, que l’accident serait survenu à 14 h 30, sans qu’aucun témoin ne puisse le confirmer. Le salarié, qui mettait en cause la répétition des mouvements liés au port de colis, a ajouté avoir déjà eu des douleurs au bras. Enfin le salarié, qui se serait plaint toute la journée de douleurs au bras sans le signaler à un responsable, a attendu 17 h 30 pour en informer son employeur.
Pour la cour d’appel, le salarié « n’explique pas le délai de trois heures entre le moment où il affirme avoir été victime de son accident et le signalement à son employeur, alors qu’il ne travaillait pas spécifiquement sur un poste isolé, de telle sorte qu’il n’existe aucune certitude sur le moment d’apparition de la lésion et son caractère soudain. »
Sans cette condition de soudaineté de l'événement à l'origine de la lésion, la qualification d'accident du travail ne peut être retenue selon la cour d’appel, de sorte que la décision de prise en charge doit être déclarée inopposable à l’employeur.
Le critère de soudaineté reste un élément déterminant permettant de distinguer l’accident du travail de la maladie professionnelle, qui elle, résulte d’une pathologie d’évolution lente et progressive.
En effet, la soudaineté de la lésion permet d’établir son caractère accidentel, en apportant une date certaine à l’origine des troubles.