Faute inexcusable de l'entreprise de travail temporaire et de l'entreprise utilisatrice
Arrêt de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation du 1er juillet 2010 – n°09-66300
Date du texte : 1 juil. 2010
Le salarié d'une entreprise de travail temporaire (ETT) est mis à la disposition d'une entreprise utilisatrice (EU) en qualité de grutier. Alors qu'il montait à l'échelle d'une grue sur un chantier il fait une chute qui entraineson décès. Ses ayants-droit demandent la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.
La Cour d’appel fixe la majoration de rente pour faute inexcusable au maximum car elle considère que l’accident est du à la faute inexcusable :
- de l’ETT, conformément à l’article L.4154-3 du Code du travail,
- et del’EU pour ne pas avoir procédé à la formation renforcée à la sécurité de l’article L.4154-2.
L’ETT et l’EU forment un pourvoi en cassation car elles considèrent que lorsqu’un travailleur temporaire est affecté à des tâches qui lui sont habituelles et qui correspondent à sa qualification, aucune obligation de formation renforcée à la sécurité ne pèse sur l’employeur, ainsi la présomption de faute inexcusable de l’article L.4154-3 à raison de l’affectation à un poste présentant des risques particuliers ne peut pas être mise en œuvre. Or, en l’espèce, la victime était un grutier qualifié qui avait fait une chute en montant sur une grue, ce qui correspondait pour lui à une tâche normale.
De plus, l’ETT et l’EU demandent que soit retenue la faute inexcusable de la victime car le grutier avait effectué la montée d’une grue de 30 mètres en mocassins de ville à semelles lisses et ne s’était pas équipé des chaussures de sécurité mises à sa disposition.
La Cour de cassation rejette les deux moyens du pourvoi en cassation.
Tout d’abord, conformément aux articles L.4154-2 et L.4154-3 du code du travail, l’existence de la faute inexcusable de l’employeur est présumée établie pour les salariés mis à la disposition d’une entreprise utilisatrice par une entreprise de travail temporaire, victimes d’un accident du travail alors, qu’affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur sécurité, ils n’ont pas bénéficié d’une formation renforcée à la sécurité ainsi que d’un accueil et d’une information adaptés dans l’entreprise dans laquelle ils sont employés. Or, l’affectation à la conduite d’un appareil de levage étant un poste présentant des risques particuliers justifiant le bénéfice d’une formation à la sécurité renforcée, si l’ETT avait rempli normalement son obligation de formation et obtenu l’autorisation de conduite de grue à tour, tel n’était pas le cas de l’EU qui ne produisait aucun élément de nature à rapporter une telle preuve et qui ne pouvait se retrancher derrière la formation fournie par la société d’intérim et l’ancienneté du salarié dans le métier de grutier.
Concernant le 2nd moyen invoqué par l’ETT et l’EU, seule une faute inexcusable de la victime peut réduire la majoration de rente due par un employeur en cas de faute inexcusable, or le port de chaussures de ville à semelles lisses doit être analysé comme une négligence de la part de la victime mais non comme une faute inexcusable définie comme une faute volontaire d’une exceptionnelle gravité exposant le salarié, sans raison valable, à un danger dont il aurait dû avoir conscience.
La Cour de cassation rappelle la présomption de faute inexcusable dans le cadre du travail temporaire lorsque le salarié est affecté sur un poste de travail présentant un risque particulier sans bénéficier de formation adaptée. Elle considère que dans le cadre de l’intérim, l’entreprise utilisatrice ne peut pas s’abstenir de délivrer une telle formation au motif que l’entreprise de travail temporaire avait fait bénéficier le salarié d’une formation et que l’expérience de ce dernier était suffisante. Elle estime également que le salarié qui s’abstient de porter des chaussures de sécurité au profit de chaussures de ville commet une négligence mais non pas une faute inexcusable conduirait à réduire la majoration de rente de l’employeur ayant commis ladite faute.