Faute inexcusable : indemnisation de la perte de chance
La reconnaissance de la faute inexcusable permet d’obtenir une indemnisation complémentaire au titre de certains préjudices dont celui résultant d’une perte de chance, dès lors que la chance était réelle et non hypothétique.
Date du texte : 17 oct. 2024
Arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation, 17 octobre 2024,22-18.905,
Un intérimaire a été victime d’un accident du travail pendant sa mission chez une entreprise utilisatrice.
Il saisit le juge pour obtenir une réparation complémentaire au titre de la faute inexcusable, en plus de la réparation forfaitaire automatique au titre d’un accident du travail. Le tribunal judiciaire juge que cet accident était dû à la faute inexcusable de l'entreprise utilisatrice et fixe un montant de la réparation pour les préjudices complémentaires subis par la victime.
Cette dernière conteste le montant fixé par le juge au titre de l'indemnisation du préjudice résultant de l'assistance temporaire par une tierce personne, et conteste également le rejet de sa demande d'indemnisation du préjudice résultant de la perte de ses possibilités de promotion professionnelle.
La Cour de cassation rappelle que le montant de l'indemnité ne peut être réduit en cas d'assistance familiale et indique que toute perte de chance ouvre droit à réparation, dès lors que la chance perdue est réelle et non hypothétique. Dès lors elle casse partiellement l’arrêt de la cour d’appel d'Aix-en-Provence, et renvoie les parties devant la même cour, autrement composée.
Sur le premier préjudice résultant de l'assistance temporaire par une tierce personne, la Cour de cassation rappelle le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, et considère que le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne n’a pas à être réduit lorsque l'assistance est assurée par un membre de la famille.
Dès lors, elle considère que l’indemnisation relative à l'assistance par une tierce personne doit être réévaluée devant les juges de la cour d’appel.
Sur le second préjudice, résultant de la perte de ses possibilités de promotion professionnelle, la Cour précise que la réparation d'une perte de chance n'est pas subordonnée à la preuve du caractère sérieux de la chance perdue. Ainsi la victime n’a pas à rapporter la preuve de perspectives sérieuses de promotion professionnelle pour obtenir réparation. La réparation de ce préjudice résultant de la perte de chance est possible dès lors que la chance perdue est réelle et non hypothétique.
La reconnaissance de la faute inexcusable n’est pas systématique, elle doit être prouvée, sauf exceptions prévues expressément dans la réglementation où la faute inexcusable est présumée être commise par l’employeur (par exemple, en cas d’absence de formation à la sécurité renforcée pour les CDD, les salariés temporaires ou les stagiaires, article L4154-3 du Code du travail). La faute inexcusable ne peut être retenue que si l’accident a le caractère d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. Ensuite, le salarié qui demande à voir la qualification de la faute inexcusable retenue doit la prouver, c’est-à-dire qu’il devra démontrer que son employeur :
- a ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé ;
- n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.