Le salarié en état d’ébriété doit être retiré de son poste à risques
L’employeur qui suspecte l’état d’ébriété d’un salarié affecté à l’utilisation d’une machine dangereuse doit procéder à un contrôle de l’alcoolémie, conformément à la procédure prévue dans le règlement intérieur, et le soustraire du poste de travail en cas de résultat positif.
Date du texte : 11 sept. 2024
Arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation, 11 septembre 2024,n°22-19.116
Un salarié affecté à un poste impliquant l’utilisation d’une machine dangereuse s’est présenté avec plusieurs heures de retard à son poste de travail alors qu’il avait consommé de l’alcool. Suspectant l’état d’ébriété du salarié, l’employeur avait réalisé un contrôle de l’alcoolémie, conformément à la procédure prévue dans le règlement intérieur de l’entreprise. Le test ayant révélé que le salarié se trouvait bien en état d’ivresse, l’employeur a procédé à son retrait de l’atelier, puis le salarié a été raccompagné par un tiers à son domicile.
Le salarié a, par la suite, été licencié pour faute grave. Contestant le motif de son licenciement, ce dernier a saisi la juridiction prud'homale.
La cour d’appel estime que le licenciement du salarié reposait non pas sur une faute grave, mais sur une cause réelle et sérieuse. L’employeur est alors condamné à payer au salarié diverses sommes à ce titre.
L’employeur fait appel de cette décision et forme un pourvoi en cassation. L’arrêt rendu par la Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel et considère que si l’état d’ébriété confirmé du salarié justifiait bien son éviction de l’atelier, la faute qu’il avait commise constituait un fait isolé qui, compte tenu de l’absence d’antécédent disciplinaire du salarié et de son ancienneté supérieure à 10 ans, ne constituait pas une faute grave.
Dans cette affaire, les juges ne remettent pas en cause les mesures prises par l’employeur pour préserver la santé et la sécurité du salarié et des tiers :
- L’employeur, qui suspectait le salarié affecté à l’utilisation d’une machine dangereuse d’être en état d’ébriété, l’avait soumis à un contrôle de l’alcoolémie, conformément au règlement intérieur de l’entreprise ;
- Le résultat de l’éthylotest s’étant révélé positif, l’employeur avait procédé au retrait immédiat du salarié de l’atelier de travail ;
- L’employeur s’était ensuite assuré que le salarié était raccompagné par un tiers à son domicile.
Si les juges confirment que l’état d’ébriété avéré du salarié rendait nécessaire son éviction de l’atelier où il travaillait, ils considèrent cependant que la sanction prise par l’employeur n’était pas proportionnée à la faute commise, et que cet événement constituait un fait isolé, car le salarié n’avait aucun antécédent disciplinaire et son ancienneté était supérieure à 10 ans. Pour les juges, la faute grave n’était donc pas caractérisée. En revanche, le licenciement reposait bien en l’espèce sur une cause réelle et sérieuse.
Pour rappel, le Code du travail interdit de laisser entrer ou séjourner dans les lieux de travail des personnes en état d’ivresse (article R4228-21 du Code du travail).
De plus, au regard de l’obligation de sécurité à laquelle est tenu l’employeur, celui-ci peut apporter des restrictions pouvant prendre la forme d’interdiction totale de consommation d’alcool pour les salariés occupant des postes de travail pour lesquels l’imprégnation alcoolique peut constituer un risque pour le salarié, ses collègues ou des tiers (article R4228-20 du Code du travail). Dans ce cas, le règlement intérieur de l’entreprise (ou à défaut, une note de service) doit prévoir les modalités de contrôle par éthylotest et lister les postes de travail susceptibles de faire l’objet d’un tel contrôle.
En cas de suspicion d’état d’ébriété d’un salarié affecté à un poste à risques, l’employeur doit le retirer immédiatement de son poste de travail afin de l’éloigner du risque.
L’obligation de sécurité de l’employeur s’étend jusqu’à l’organisation des secours. Par conséquent, face à un salarié en d’état d’ébriété avéré, l’employeur ne doit pas le laisser sans surveillance et ne doit pas le laisser rentrer chez lui sans être accompagné.