Responsabilité pénale de l’employeur pour manquements aux règles de sécurité
L’employeur manque à ses obligations en matière de sécurité lorsqu’il laisse un salarié utiliser une machine dangereuse sans installer les moyens de protection nécessaires et sans mettre à sa disposition des instructions quant à son utilisation.
Date du texte : 21 juin 2022
QUE S’EST-IL PASSÉ ?
Arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation – 21 juin 2022 – n° 20-86857
Un salarié, filiale d’une société mère espagnole, a subi un accident du travail sur une machine « ouvreuse-broyeuse ».
Outre le fait que la machine ne disposait pas de carter de protection, aucun guide ni aucune instruction sur son utilisation n’existaient dans l’atelier, ce qui a multiplié les occasions de bourrage de la machine. Il n’existait pas non plus au sein de l’atelier de procédure particulière applicable en cas de bourrage de la machine.
La responsabilité pénale de l’entreprise a été retenue pour blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à trois mois, ainsi que pour infraction à la réglementation sur l’hygiène et la sécurité des travailleurs.
POURQUOI CETTE DÉCISION ?
Du fait de l’absence de carter de protection sur la machine et en méconnaissance de l’article R4324-1 du Code du travail, la cour d’appel a déclaré la société filiale coupable d’infraction à la réglementation relative à l’hygiène, la sécurité ou les conditions de travail. En effet, en l’absence de toute délégation de pouvoir valable donnée au directeur de site, le chef d’entreprise conservait seul la responsabilité pénale au regard de la réglementation relative à l’hygiène et la sécurité.
La Cour de cassation ajoute également qu’il appartenait à l’employeur de prévoir la présence sur son site d’un délégataire, ou bien d’exercer lui-même la surveillance du respect et de la bonne application de la réglementation relative à l’hygiène, à la sécurité et aux conditions de travail.
Par ailleurs, selon la cour d’appel, les négligences commises par le directeur de site en ne mettant en place aucune procédure sur l’utilisation de la machine en cause étaient « révélatrices de la faute des responsables de la sécurité dans l'usine qui sont les personnes morales employeurs pour le compte desquelles le travail était accompli ». La cour d’appel retient alors la responsabilité pénale pour blessures involontaires non seulement de la filiale, mais aussi de la société mère espagnole en tant que présidente et représentante légale de sa filiale. Selon la cour d’appel, les fautes du directeur de site, sans délégation de pouvoir valide, engagent la responsabilité pénale à la fois de la filiale et de la société mère.
La Cour de cassation confirme la position de la cour d’appel sur la responsabilité pénale de la filiale. Elle casse et annule toutefois l’arrêt de la cour d’appel sur le point précis de la culpabilité de la société mère espagnole en considérant qu’elle ne justifie pas d’éléments pour retenir la responsabilité pénale de la société mère.
COMMENTAIRE
Pour qu’une délégation de pouvoir soit valable, l’employeur doit impérativement désigner un salarié ayant la compétence, l’autorité et les moyens nécessaires pour accomplir la mission confiée dans le cadre de cette délégation. Il est également nécessaire que cette dernière soit précise et limitée pour que le contenu soit déterminable. La délégation de pouvoir ne doit pas avoir pour effet de vider l’employeur de l’ensemble de ses responsabilités.
En l’absence de délégation de pouvoir valable, c’est la responsabilité seule de l’employeur qui sera engagée en cas d’accident.