Loi 2021-1018 « santé au travail » : impacts en prévention
La loi n°2021-1018 du 2 août 2021 vise à renforcer la prévention en santé au travail dans les entreprises. Elle a notamment pour objectif de décloisonner la santé publique et la santé au travail, et de renforcer la prévention au sein des entreprises. Pour cela, les obligations en matière de harcèlement au travail, de document unique, de formation des travailleurs et des membres du CSE sont notamment modifiées. Son entrée en vigueur est fixée au 31 mars 2022, sauf dispositions contraires mentionnées dans la loi.
Date du texte : 2 août 2021
La définition du harcèlement sexuel au travail est revue et intégrera désormais les comportements et les propos à connotation sexiste. Par ailleurs, le harcèlement sexuel au travail n’est plus seulement matérialisé lorsqu’il est imposé par l’auteur des faits, mais aussi lorsqu’il est subi par le salarié.
Ainsi, le harcèlement est également constitué lorsqu’un même salarié subit de tels propos ou comportements :
- venant de plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée ;
- successivement, venant de plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition.
La loi prévoit que contribueront désormais à l’évaluation des risques :
- Le CSE et sa CSSCT, s’ils existent. Le CSE devra d’ailleurs être consulté sur le DUERP et ses mises à jour ;
- Le ou les salariés désignés, par l’employeur, compétents pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l’entreprise ;
- Le service de prévention et de santé au travail (SPST – nouvelle appellation des services de santé au travail) auquel l’employeur adhère.
Il est par ailleurs précisé que les résultats de l’évaluation des risques débouchent, pour les entreprises de cinquante salariés et plus, à la mise en place par l’employeur d’un programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail.
Ce programme, présenté au CSE dans le cadre de la consultation annuelle, a pour objet de :
- Fixer la liste détaillée des mesures devant être prises au cours de l'année à venir, qui comprennent les mesures de prévention des effets de l'exposition aux facteurs de risques professionnels ainsi que, pour chaque mesure, ses conditions d'exécution, des indicateurs de résultat et l'estimation de son coût ;
- D’identifier les ressources de l'entreprise pouvant être mobilisées ;
- Déterminer un calendrier de mise en œuvre.
Dans les entreprises de onze à cinquante salariés, l’évaluation des risques conduit à la définition par l’employeur d’actions de prévention et de protection des salariés. La liste de ces actions, présentée par ailleurs à la délégation du personnel du CSE, est consignée dans le DUERP et ses mises à jour.
Concernant le DUERP, la loi précise notamment qu’il « répertorie l’ensemble des risques professionnels auxquels sont exposés les travailleurs et assure la traçabilité collective de ces expositions ». Il sera ainsi tenu à la disposition des travailleurs, des anciens travailleurs ainsi que de toute personne ou instance ayant un intérêt à y avoir accès.
Afin d’assurer cette traçabilité, le DUERP, dans ses versions successives, devra désormais être conservé par l’employeur pendant une durée à définir par décret, mais qui ne sera pas inférieure à quarante ans.
L’employeur devra par ailleurs déposer son DUERP et ses mises à jour sur un portail numérique :
- A compter du 1er juillet 2023, pour les entreprises de cent-cinquante salariés et plus ;
- A compter de dates fixées par décret en fonction des effectifs, et au plus tard à compter du 1er juillet 2024 pour les entreprises de moins de cent-cinquante salariés.
Les modalités de dépôt dématérialisé du DUERP par l’employeur seront précisées par les textes d’application.
A noter : la loi impose également à l’employeur de communiquer à son SPST chaque mise à jour du DUERP.
Prévention du risque chimique
La loi mentionne désormais expressément que les règles de prévention des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs exposés à des risques chimiques devront prendre en compte les situations de poly-exposition. Il s’agit notamment des travailleurs exposés cumulativement à plusieurs agents chimiques dangereux ou à un agent chimique dangereux et à un autre risque professionnel, dont l’effet combiné est particulièrement nocif pour sa santé.
Suivi individuel renforcé
Jusqu’à présent, un salarié bénéficiant d’un suivi individuel renforcé durant sa carrière professionnelle est examiné par le médecin du travail avant son départ à la retraite. Cet examen médical a notamment pour objet d’établir une traçabilité et un état des lieux, à date, des expositions à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels du travailleur. Une surveillance post-professionnelle peut être décidée par le médecin du travail.
A compter du 31 mars 2022, cet examen médical devra également être organisé après la cessation de l’exposition à des risques particuliers du travailleur relevant d’un suivi individuel renforcé. Une surveillance post-exposition pourra être mise en place par le médecin du travail.
La surveillance post-exposition ou post-professionnelle devra être mise place en lien avec le médecin traitant du travailleur et le médecin conseil des organismes de sécurité sociale. Elle tiendra compte de la nature du risque, de l’état de santé et de l’âge du travailleur.
Le Code du travail prévoit la mise en place, au plus tard au 1er octobre 2022, d’un passeport prévention. Toutes les attestations, les certificats et les diplômes obtenus par le travailleur dans le cadre des formations relatives à la santé et à la sécurité au travail devront être renseignés par l’employeur dans ce passeport prévention.
Les organismes de formation renseigneront également dans ce passeport les formations qu’ils dispensent sur ces thèmes. Le travailleur aura aussi la possibilité d’y inscrire les formations ou encore les diplômes obtenus et suivis de sa propre initiative.
Les modalités de mise en œuvre du passeport prévention et de sa mise à disposition de l’employeur restent à déterminer par décret.
La formation en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail dont bénéficient les membres de la délégation du personnel du CSE, ainsi que le référent élu en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes, sera désormais d’une durée minimale de cinq jours lors de leur premier mandat.
En cas de renouvellement de ce mandat, la formation est d’une durée minimale :
- de trois jours, quelle que soit la taille de l’entreprise ;
- de cinq jours pour les membres de la commission santé, sécurité et conditions de travail dans les entreprises d’au moins 300 salariés.
Cette formation peut être prise en charge par un opérateur de compétences pour les entreprises de moins de cinquante salariés.
Dans l’objectif de favoriser la prévention primaire des risques professionnels, la loi vient renforcer les pouvoirs de surveillance du marché des EPI et des équipements de travail non conformes.
Afin également de tenir compte de la récente réglementation européenne sur le sujet (règlement (UE) 2019/1020 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 sur la surveillance du marché et la conformité des produits), le Code du travail est modifié pour préciser la définition de la surveillance des marchés et les tâches confiées au autorités administratives compétentes en la matière.
Le rôle de la Direction générale des douanes, de la DGCCRF ou encore de la DGT, en matière de surveillance du marché des équipements de travail et de protection, est de s’assurer du respect, par les opérateurs économiques, de leurs obligations respectives. Pour mener à bien cette mission, la loi les autorise notamment à accéder aux locaux, terrains et moyens de transport à usage professionnel de l’opérateur économique en cause entre 8 heures et 20 heures.
Dès lors qu’elles constatent la non-conformité d’un produit mis sur le marché, elles peuvent enjoindre à l’opérateur économique de prendre les mesures suivantes (article 16 du règlement européen) :
- la mise en conformité du produit ;
- la prévention de la mise à disposition du produit sur le marché ;
- le retrait ou le rappel immédiat du produit et la mise en garde du public contre le risque encouru ;
- la destruction ou la garantie d’une absence d’utilisation du produit ;
- l’inscription sur le produit d’avertissements adéquats, clairs et compréhensibles concernant les risques qu’il peut présenter ;
- la fixation de conditions préalables à la mise à disposition du produit sur le marché ;
- la mise en garde immédiate des utilisateurs exposés au risque.
Deux nouveaux chapitres du Code du travail sont consacrés aux infractions et aux manquements aux règles relatives à la conception, à la fabrication et à la mise sur le marché d’EPI ou d’équipements de travail (articles L4746-1, et articles L4755-1 à L4755-4).
A titre d’exemple, le fait d’exposer, de mettre en vente, de vendre, d’importer, de louer, de mettre à disposition ou de céder un équipement de travail ou un EPI qui n’a pas fait l’objet d’une procédure d’évaluation de la conformité, est sanctionné d’une amende de 50 000 euros.
Des exceptions sont prévues pour les équipements fabriqués par un professionnel pour sa propre utilisation.
La loi n°2021-1018 du 2 août 2021 contient également des dispositions relatives aux missions et à la gouvernance des services de santé au travail (renommés « services de prévention et de santé au travail »). Pour en savoir plus, consultez notre article "Loi santé au travail : la réforme des services de santé au travail"