Révision de la directive européenne « amiante »
De nouvelles règles européennes renforcent la protection des travailleurs contre les risques liés à une exposition professionnelle à l’amiante. La directive (UE) 2023/2668 du 22 novembre 2023 modifie les règles existantes afin de réduire la valeur limite d’exposition professionnelle (VLEP) aux fibres d’amiante, de prévoir une technologie plus avancée et précise de mesurage de l’empoussièrement ou encore d’améliorer le repérage de l’amiante le plus en amont possible.
Date du texte : 22 nov. 2023
La révision de la directive 2009/148/CE du 30 novembre 2009 s’inscrit dans une démarche de protection des travailleurs contre les risques sanitaires liés à l’amiante en tenant compte des dernières évolutions scientifiques et technologiques en la matière.
Les États membres ont jusqu’au 21 décembre 2025 pour se conformer aux dispositions de la nouvelle directive (sauf en ce qui concerne les obligations de mesurage des fibres d’amiante, voir ci-dessous).
Nous vous présentons ci-dessous les principales modifications apportées par la directive (UE) 2023/2668 du 22 novembre 2023.
La directive (UE) 2023/2668 du 22 novembre 2023 commence par rappeler le principe d'évitement des risques qui « reste toujours le premier fondement de toute mesure à mettre en œuvre. » Ainsi, dans le cadre de l’évaluation du risque amiante, la priorité doit rester « l’élimination de l’amiante ou de matériaux contenant de l’amiante par rapport à d’autres formes de manipulation de l’amiante » (article 1.3).
La directive considère à cet effet que le retrait et l’élimination en toute sécurité des matériaux contenant de l’amiante doivent être une priorité pour les donneurs d’ordre, car la réparation, l’entretien, l’encapsulation ou le gainage peut avoir comme conséquence de différer le désamiantage et de perpétuer ainsi les risques d’exposition des travailleurs (considérant n°10). Par conséquent, elle recommande aux employeurs de privilégier l’option du désamiantage intégral plutôt que toute autre forme de manipulation, chaque fois que cela est possible et bénéfique sur le plan de la protection des travailleurs.
Avant d’entreprendre des travaux de démolition, de maintenance ou de rénovation, l’employeur doit actuellement prendre toutes les mesures nécessaires pour recenser les matériaux présumés contenir de l’amiante, au besoin en obtenant des informations auprès des propriétaires des locaux ainsi qu’à partir d’autres sources d’information, y compris les registres pertinents (article 11 de la directive 2009/148/CE).
Si de telles informations ne sont pas disponibles, la nouvelle directive prévoit désormais que l’employeur devra veiller à ce qu’un repérage de la présence de matériaux contenant de l’amiante soit effectué par un opérateur qualifié et à obtenir les résultats de cet examen avant le début des travaux (article 1.9)
La recherche, l’identification et la localisation des matériaux susceptibles de contenir de l'amiante avant d'entamer des travaux comportant un risque d'exposition des travailleurs à l'amiante sont encadrées en France par les articles L4412-2 et R4412-97 et suivants et Code du travail. L’obligation de repérage amiante travaux du donneur d’ordre concerne six domaines d’activité : immeubles bâtis (arrêté du 16 juillet 2019) ; autres immeubles tels que terrains, ouvrages de génie civil et infrastructures de transport ; matériels roulants ferroviaires et autres matériels roulants de transport (arrêté du 13 novembre 2019) ; navires, bateaux et autres engins flottants (arrêté du 19 juin 2019) ; aéronefs (arrêté du 24 décembre 2020) ; installations, structures ou équipements concourant à la réalisation ou la mise en œuvre d’une activité (arrêté du 22 juillet 2021).
Les entreprises qui prévoient de réaliser des travaux de démolition ou de désamiantage seront tenues d'obtenir une autorisation auprès des autorités nationales avant le début des travaux (article 1.13).
Par ailleurs, les informations à communiquer par l’employeur à l’autorité responsable de l’État membre avant que les travaux de démolition ou de désamiantage ne commencent seront désormais plus nombreuses (article 1.4). Une description succincte des zones spécifiques où le travail doit être réalisé, des processus mis en œuvre (y compris en ce qui concerne la protection et la décontamination des travailleurs, l’élimination des déchets et, le cas échéant, le renouvellement de l’air en cas de travaux sous confinement), ou encore des certificats de formation individuels des travailleurs devra désormais être transmise par l’employeur.
En France, les informations demandées dans les plans de démolition, de retrait et d’encapsulage de l’amiante (PDRE) par l’article R4412-133 du Code du travail répondent déjà à ces exigences.
La directive réaffirme l’obligation selon laquelle les employeurs doivent faire en sorte que les risques liés à l’exposition des travailleurs à l’amiante soient réduits au minimum, c’est-à-dire « à un niveau aussi bas que techniquement possible en dessous de la valeur limite pertinente » (article 1.5).
Pour cela, elle complète les mesures de prévention à mettre en œuvre afin de réduire au minimum la concentration de fibres d’amiante dans l’air :
- Pour réduire au minimum le dégagement de poussière d’amiante dans l’air, les processus de travail devront notamment prévoir les mesures suivantes : suppression de la poussière d’amiante, aspiration de la poussière d’amiante à la source, sédimentation continue des fibres d’amiante en suspension dans l’air ;
- Une procédure de décontamination à suivre par les travailleurs devra être prévue ;
- Des mesures spécifiques de protection des travailleurs seront prévues pour les travaux réalisés sous confinement, telles que l’élimination des poussières, l’apport d’air frais et l’utilisation de filtres HEPA.
Dans notre réglementation nationale, ces règles de prévention sont notamment prévues par les articles R4412-108 et R4412-109 du Code du travail, ainsi que par l’arrêté du 8 avril 2013 relatif aux règles techniques, aux mesures de prévention et aux moyens de protection collective à mettre en œuvre par les entreprises lors d'opérations comportant un risque d'exposition à l'amiante (articles 4 et 10).
Selon la directive, la stratégie d'échantillonnage de l'amiante doit être représentative de l’exposition individuelle du travailleur à l’amiante. Pour cela, les mesures devront être réalisées à intervalles réguliers au cours de phases opérationnelles, dans des conditions représentatives et réalistes de l’exposition des travailleurs aux poussières d’amiante (article 1.6).
Par ailleurs, elle impose désormais que le comptage des fibres soit effectué par microscopie électronique ou par toute autre méthode qui fournit des résultats équivalents ou plus précis (article 1.6). Au terme d'une période de transition maximale de six ans, les États membres seront tenus de mettre en œuvre cette méthode de mesure. À compter du 21 décembre 2029, le mesurage de la concentration de fibres d’amiante dans l’air devra également prendre en compte les fibres d'une largeur inférieure à 0,2 micromètre.
En France, un arrêté du 14 août 2012 encadre les conditions de mesurage des niveaux d'empoussièrement ainsi que les conditions de contrôle du respect de la valeur limite d'exposition professionnelle aux fibres d'amiante. Il prévoit notamment que la stratégie d’échantillonnage doit conduire à l’obtention de prélèvements représentatifs de l'empoussièrement en fibres d'amiante du processus, de la phase opérationnelle ou de l'exposition journalière d'un travailleur (article 6). Il impose également que l’analyse des prélèvements soit réalisée en microscopie électronique à transmission analytique (META). La réglementation française est donc conforme aux exigences imposées par la nouvelle directive en matière de mesurage des niveaux d’empoussièrement.
Une valeur limite d'exposition professionnelle (VLEP) plus stricte est prévue par la directive, qui passe d'une VLEP contraignante de 0,1 fibre par cm3 (100 f/l) sur 8 heures à 0,01 fibre par cm3 (10 f/l) sur 8 heures (article 1.7)
Compte tenu de l’introduction progressive de la microscopie électronique pour le comptage des fibres d’amiante dans l’air, la directive établit différentes VLEP en fonction de la taille des fibres à prendre en compte. Pour le mesurage de la concentration de fibres d’amiante dans l’air, ne sont prises en considération que les fibres d’une longueur supérieure à 5 micromètres, d’une largeur inférieure à 3 micromètres et dont le rapport longueur/largeur est supérieur à 3:1. Néanmoins, les fibres d’une largeur inférieure à 0,2 micromètre sont également à prendre en considération à compter du 21 décembre 2029
Ainsi, jusqu’au 20 décembre 2029, les employeurs doivent veiller à ce qu’aucun travailleur ne soit exposé à une concentration d’amiante en suspension dans l’air supérieure à 0,01 fibre par cm3 (10 f/l) sur 8 heures.
À compter du 21 décembre 2029, la VLEP imposée sera différente en fonction de la méthode de comptage de fibres utilisée. L’État membre aura alors le choix de retenir l’un des deux seuils suivants :
- 0,002 fibre par cm3 (2 f/l) sur 8 heures lorsque le comptage tient compte uniquement des fibres d’une largeur comprise entre 0,2 et 3 micromètres ;
- 0,01 fibre par cm3 (10 f/l) sur 8 heures lorsque le comptage prend également en compte les fibres d’une largeur inférieure à 0,2 micromètre.
À noter, la VLEP relative à l’amiante en France est de 10 fibres/litre sur 8 heures depuis le 1er juillet 2015 (article R4412-100 du Code du travail). L’analyse des prélèvements est réalisée en META permettant la prise en compte des fibres d’une largeur inférieure à 0,2 micromètre ce qui nous met déjà en adéquation avec les exigences européennes attendues à compter du 21 décembre 2029.
Des précisions sont apportées concernant les équipements de protection individuelle (EPI) que doivent porter les travailleurs pour les activités les exposant au risque amiante, telles que les travaux de démolition, de désamiantage, de réparation et de maintenance, pour lesquelles le dépassement de la VLEP est prévisible malgré les mesures techniques préventives mises en place.
Ainsi, les travailleurs devront recevoir « des équipements de protection personnelle appropriés qu’ils doivent porter, qui sont manipulés de manière appropriée et, en ce qui concerne notamment l’équipement respiratoire, ajusté individuellement, y compris au moyen d’essais d’ajustement, conformément à la directive 89/656/CEE du Conseil » (article 1.10).
En France, un arrêté du 7 mars 2013 relatif au choix, à l'entretien et à la vérification des équipements de protection individuelle utilisés lors d'opérations comportant un risque d'exposition à l'amiante répond déjà à l’ensemble des exigences européennes.
Des exigences minimales de formation des travailleurs exposés à l’amiante seront désormais imposées à l’annexe I bis de la directive 2009/148/CE. Ces exigences concernent le contenu, la durée et la fréquence de cette formation obligatoire (article 1.12).
Cette formation adaptée aux tâches des travailleurs concernés devra être assurée par un formateur qualifié.
En France, l’employeur doit assurer une formation adaptée aux activités et aux procédés mis en œuvre à tous les salariés susceptibles d’intervenir sur des matériaux amiantés, préalablement à leur première intervention. Les modalités de la formation des travailleurs exposés à l’amiante sont définies par un arrêté du 23 février 2012.
Les États devront tenir un registre de tous les cas de maladies professionnelles liées à l'amiante diagnostiquées médicalement, et non plus seulement des cas reconnus d’asbestose et de mésothéliome (article 1.17). À ce titre, la directive complète la liste des affections que peut provoquer une exposition aux fibres d’amiante en y ajoutant le cancer du larynx, le cancer des ovaires, et les affections de la plèvre non malignes (article 1.19).
À noter, en France, les affections professionnelles liées à l’inhalation de poussières d’amiante font l’objet des tableaux des maladies professionnelles n°30, 30 bis et 30 ter. Ce dernier tableau, récemment créé par le décret n°2023-946 du 14 octobre 2023 reconnaît comme maladies professionnelles les cancers du larynx et de l’ovaire provoqués par l'inhalation de poussières d'amiante.
L'Union européenne (UE) s’est engagée dans une vaste campagne de rénovation des bâtiments d’ici à 2030 dans le cadre du Pacte vert pour l’UE (Green Deal) afin d’améliorer l’efficacité énergétique et d’assurer une transition vers une énergie propre. Bien que, depuis 2005, l'amiante soit interdit sous toutes ses formes dans l'Union européenne (UE), on en trouve encore dans les bâtiments les plus anciens. L’exposition à l’amiante des travailleurs risque donc d’augmenter dans tous les pays de l’UE à mesure que la mise en œuvre du Green Deal progresse.