Eriane : la protection des salariés érigée en modèle
Sur les bases de sa certification Mase, Eriane encourage la concertation avec ses collaborateurs au profit de leur sécurité et de la qualité des travaux.
Date de mise à jour : 24 mars 2025 - Auteur : Loïc Féron
- La place centrale donnée aux salariés.
- Une formation Adapt métier pour réduire les TMS.
Reportage paru dans PréventionBTP n°293-Mars 2025-p. 24
Photo : 293 - Eriane - d03
Crédit photo : Frédéric Vielcanet

Quelle PME de vingt-cinq salariés peut se prévaloir d’une certification Mase et d’une responsable QSE investie à cent pour cent dans l’amélioration continue de la santé et de la sécurité ? Située à Wittenheim, près de Mulhouse (Haut-Rhin), Eriane, spécialisée dans l’étanchéité sols et murs présente un profil singulier. Quand Stéphane Wagner, son nouveau dirigeant, a rencontré l’ancien gérant, Éric Vautrin, l’entrepreneur était déjà très investi dans la prévention des risques. « Travailler avec des personnes crée une relation faite de proximité et de respect qui encourage à la prudence, témoignent à l’unisson les deux hommes. L’essentiel est de préserver la santé des collaborateurs, ceux présents depuis vingt ans de même que les intérimaires considérés comme des salariés à part entière. »
L’apport de la certification Mase
Cette volonté managériale s’est concrétisée par l’obtention en 2019 de la certification Mase, renouvelée en décembre dernier. Émilie Frerejouan, responsable QSE, en charge de l’animation et du suivi du Mase, nous confie : « L’intérêt de la certification est de soulever des questions sur tous les items propres aux conditions de travail, à la sécurité ou à l’environnement, de mettre en exergue des actions à entreprendre ou à poursuivre, et de fixer des objectifs réalistes et adaptés. » La certification a aussi permis à l’entreprise de décrocher des marchés sur des sites chimiques auxquels elle n’avait pas accès. En rénovation ou en neuf, Eriane réalise en effet 50 % de son chiffre d’affaires avec des clients industriels. L’autre moitié consiste en des travaux pour des maîtres d’œuvre, cabinets d’architecte, bailleurs, syndics et particuliers. Les équipes effectuent deux types de travaux : d’une part, de l’étanchéité en toiture (membrane bitumineuse ou synthétique), d’autre part, l’application de résines d’étanchéité (balcons, cuvelage, zones de rétention ou châteaux d’eau) et de résines techniques (sol industriel).
Des points hebdomadaires sur la sécurité
Chaque lundi matin, une causerie réunit l’ensemble des salariés sur les aspects liés à la sécurité et à la pénibilité. Quant au Copil, qui se tient le jeudi, il est l’occasion pour les conducteurs de travaux, le dirigeant et la responsable QSE d’aborder des points en lien avec la sécurité des chantiers. « Les sujets portent sur le matériel, l’état des véhicules, le rangement sur le chantier, la gestion des déchets ou la présence de la protection collective, avec des retours d’expérience sur les presqu’accidents », explique Émilie Frerejouan. En 2024, l’entreprise, engagée dans un parcours Adapt métier, a fait une demande de prise en charge (à hauteur de 70 %) dans le cadre de la subvention Prévention des risques ergonomiques ou Fipu (Fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle), pour l’acquisition d’une machine. Un investissement corrélé avec le maintien dans l’activité d’un salarié victime d’un accident du travail, déchirure d’un tendon lors du démontage d'une carotteuse. L’aménagement du poste concerne la phase d’arrachage des complexes d’étanchéité rendue beaucoup moins exigeante physiquement par la double lame de la découpeuse (d’une valeur de 4 000 euros). « Le Fipu fait bénéficier à l’intégralité des salariés de cet aménagement de poste proactif, témoigne la responsable QSE. C’est de la pure prévention. »
Une machine plébiscitée par les compagnons
La démonstration est effectuée sur un chantier de remplacement de l’étanchéité sur les toits-terrasses de cinq immeubles d’une résidence. Un sous-traitant est venu au préalable aspirer le gravier, qui sera replacé en fin d’opération. Le retrait du complexe d’étanchéité est une autre paire de manches… « Nous avons utilisé la scie sabre sur les deux premières toitures, explique Corentin Robert, le conducteur de travaux. Cette tâche pénible s’effectuait à genoux ou accroupi, dos courbé, elle nécessitait de se relayer. » Pour la troisième toiture, l’entreprise a testé, en location, une machine de découpe (modèle Golz RS 175). À partir de la quatrième, elle en avait fait l’acquisition. C’est peu dire que le matériel a été aussitôt adopté par les chefs d’équipe formés par le fabricant. « Les compagnons plébiscitent cet équipement ergonomique, guidé debout, avec beaucoup moins d’effort, souligne le conducteur de travaux. À surface équivalente, la machine est d'une fois et demie à deux fois plus rapide, ce qui répond à l’impératif temporel de mise hors d’eau de la toiture dans la journée. » Elle présente enfin l’avantage de découper des morceaux d’étanchéité de taille régulière, facilitant leur retrait et leur entreposage sur les palettes.
« Dans un objectif de confort de travail et de rendement, l’application à l’aide de raclettes a permis d’augmenter la rapidité de la pose des résines autolissantes », confie la conductrice de travaux résine. Pour une centaine d’euros investie, le temps de travail est grandement optimisé. « Au début, les salariés ont eu un peu de mal à se faire à cette nouvelle technique, mais ils ont rapidement adopté ce procédé et apprécient désormais ces conditions d’intervention. »
Focus
Après une phase d’observation et d’échanges, des actions sur le retrait de l’étanchéité et sur l'application de résines ont été menées, avec succès.
Lancé début 2024, le parcours Adapt Métier s’inscrit dans les choix stratégiques de l’entreprise en matière de prévention des risques de TMS. Émilie Frerejouan revient sur son déroulement et les mesures qui en résultent.
D’où est venue l’initiative de la formation Adapt Métier ?
Le corps est très sollicité dans le BTP, c’est même le premier outil de travail. Nos accidents avec arrêt étant majoritairement en lien avec la manutention manuelle et la manipulation d’équipements mécaniques, l’entreprise a souhaité que ses salariés bénéficient de cette formation proposée par l’OPPBTP dans le cadre du contrat d’accompagnement.
Comment cette action s’est-elle déroulée ?
La formation a été suivie par tout le personnel, intérimaires inclus, en deux sessions, une pour chaque métier. Florian, notre conseiller en prévention, est passé en amont prendre des photos des chantiers. Celles-ci ont permis aux salariés de porter un regard critique sur leurs situations de travail et d’ouvrir la discussion. L’OPPBTP intervient comme facilitateur. Les collaborateurs ont eux-mêmes proposé les solutions. Ils ont compris qu’ils étaient les acteurs principaux de cette démarche volontaire et participative.
Quelles ont été les actions retenues ?
Les deux améliorations ont pour point commun de permettre de travailler debout, en réduisant les efforts et les mauvaises postures. Il s’agit de l’acquisition d’une machine de découpe de l’étanchéité en toiture et de la modification des procédés d’application appuyée par la conductrice de travaux de résine. Sur ce second point, cela a permis de diviser par trois le temps d’application pour un investissement minime. Avec une nette amélioration des conditions de travail pour les opérateurs.
Les collaborateurs ont eux-mêmes proposé les solutions.
Émilie Frerejouan, responsable QSE chez Eriane
Entrée dans l’entreprise en 2021 pour piloter la certification Mase, Émilie Frerejouan y assure les missions QSE (et accessoirement le rôle d’apicultrice !), gère la maintenance du matériel, des parcs véhicules et machines, l’accueil et la formation des nouveaux arrivants… Des fonctions transverses qui contribuent à sa « vision globale de la sécurité » et à son apport qualitatif au niveau du chantier.
Photo : 293 - Eriane - c04
Crédit photo : Frédéric Vielcanet

« Il faut saluer l’engagement des dirigeants d’Éric Vautrin et de son épouse qui, dès la création de l’entreprise, ont été sensibles à la santé des collaborateurs, explique Olivier Andreoli, conseiller en prévention. Stéphane Wagner partage les mêmes convictions. Il est un fidèle des matinées CAP Prévention que nous animons avec les entreprises du Haut-Rhin. »
« Animée par Florian Walk, conseiller OPPBTP et formateur qui accompagne l’entreprise, la formation Adapt Métier a permis d’initier des actions comme l’achat de la machine de découpe de l’étanchéité pouvant être financé à 70 % par le Fipu au titre de l’adaptation de poste d’un salarié de l’entreprise. »
« Le classeur embarqué dans les véhicules est un bon indicateur de la maturité de l’entreprise en prévention. Régulièrement mis à jour et consulté, il contient des FDS simplifiées, de la documentation techniques et des documents spécifiques au chantier. C’est à mon sens un point fort pour l’entreprise. »