Perturbateurs endocriniens, comment supprimer ou réduire l'exposition ?
Les perturbateurs endocriniens ne sont pas faciles à identifier en milieu professionnel. C'est pourtant indispensable pour pouvoir se préserver de leur toxicité.
Date de mise à jour : 29 avr. 2024 - Auteur : Cendrine Barruyer
● Près de mille substances sont identifiées comme perturbateurs endocriniens avérés ou potentiels.
● Les expositions professionnelles dans le BTP sont nombreuses.
Article paru dans PréventionBTP n°283-Avril 2024-p. 34.
Substances capables d’interférer avec notre système hormonal, les perturbateurs endocriniens (PE) entraînent des effets délétères sur la santé. Les sources d’exposition sont multiples et leur identification peut s'avérer complexe. Peintures, vernis, mastics peuvent contenir des PE, tout comme des solvants, des flux de soudure, des fumées d’épandage routier… De nombreux métiers sont donc potentiellement concernés : peintres, personnel travaillant sur les routes, ouvriers en rénovation, soudeurs et fondeurs… L’Anses a répertorié 906 substances ayant une activité endocrinienne potentielle. L’Europe a également publié une liste.
Les effets ne sont pas forcément liés à la dose
Les PE semblent remettre en cause l'un des paradigmes de la toxicologie. Ils peuvent avoir des effets plus importants à faible dose qu’à forte dose. Pour certains PE, la notion de dose seuil en dessous de laquelle on peut affirmer qu’ils sont inoffensifs est discutée. De plus, la sensibilité peut être différente selon les périodes de la vie, et, en cas de polyexposition, les effets peuvent être plus nocifs. Ils agissent en modifiant le fonctionnement du système hormonal et en fragilisant les équilibres subtils sur lesquels repose notre santé. Enfin, les impacts délétères peuvent aussi toucher la descendance de la personne exposée.
Démarche de prévention
Alors comment identifier les expositions en milieu professionnel ? Ce n’est pas simple. « Nous mettons au point des méthodes pour estimer les concentrations en PE dans l’air et caractériser les expositions professionnelles, mais pour chaque PE il faut développer des techniques de mesure spécifiques », indique Myriam Ricaud, ingénieure et experte en prévention des risques chimiques à l'INRS. L’institut s’est d’abord intéressé aux bisphénols puis aux phtalates. Récemment, il a travaillé sur les retardateurs de flammes et, depuis peu, sur les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS). En parallèle, l’INRS finalise un guide d'aide au repérage des PE dans différents secteurs d’activité, dont le BTP. De son côté, l’Europe a publié de nouvelles règles d’étiquetage (règlement CLP). Elles comportent deux classes supplémentaires : les PE toxiques pour l’environnement et ceux toxiques pour la santé humaine. Dans cette dernière catégorie, les substances et mélanges devront respecter des éléments obligatoires d’étiquetage (EUH380 : peut provoquer une perturbation endocrinienne chez l’être humain et EUH381 : susceptible de provoquer) au plus tard le 1er mai 2025 pour les substances et le 1er mai 2026 pour les mélanges. Une fois les PE repérés, il faut tout d'abord tenter de les substituer. L’Ineris a proposé pour certaines grandes familles des produits de substitution. De son côté, l’INRS a engagé en 2023 un programme d’action sur les PE, qui va durer quatre ans. L’un des objectifs sera de réaliser des fiches d'aide à la substitution de certains PE.
Les perturbateurs endocriniens au prochain congrès de santé au travail
L’INRS et la Carsat Languedoc-Roussillon organisent un symposium sur les perturbateurs endocriniens (PE) dans le cadre du Congrès national de médecine & santé au travail (CNMST), le 6 juin 2024, de 17 h 45 à 19 h 15. Au programme : identification et repérage, techniques d'analyse, état des connaissances sur leurs effets sur la santé (PE avéré, PE présumé, PE suspecté…). Des entreprises viendront témoigner de leurs démarches de prévention.
Pour en savoir plus : rendez-vous sur le site du 37e congrès Médecine et santé au travail : medecine-sante-travail.com. Lieu de l'événement : Palais Sud de France Arena-Montpellier.
4 stratégies pour préserver ses salariés des PE
Protéger les plus fragiles
L’exposition des femmes enceintes doit être limitée au maximum. Certains perturbateurs endocriniens (PE) sont suspectés d’être nocifs pour le futur bébé (malformations de l’appareil génital, anomalies du développement, prématurité, maladies métaboliques…). Certains PE sont également susceptibles d’entraîner une baisse de fertilité chez les hommes et femmes en âge de procréer.
S’inspirer des schémas de prévention des agents chimiques dangereux
Les PE sont des agents chimiques. Même si leurs effets sur la santé sont parfois encore mal élucidés et si les risques qu’ils entraînent sont difficiles à établir, la prévention à mettre en œuvre en atelier ou sur chantier s’appuie sur les règles particulières applicables aux agents chimiques dangereux.
Repérer et substituer
La première étape consiste à repérer les PE et l’exposition des salariés associée. Ce n’est pas simple car les fiches de données de sécurité sont parfois incomplètes. À partir de 2025 et l’application de la nouvelle classification CLP, ce sera plus facile. La substitution, lorsqu’elle est possible, s’impose. Des bases de données et des documents de référence sont en cours d’élaboration pour aider les préventeurs.
Porter des EPI quand c’est nécessaire
Quand la substitution est impossible et la protection collective insuffisante, le port d’EPI est nécessaire pour éviter l’exposition aux PE. L’inhalation est la principale voie d'exposition aux PE sur les chantiers. Une exposition par voie cutanée est également possible. Ces substances peuvent aussi être ingérées.