La difficile évaluation du risque chimique
Date de mise à jour : 20 sept. 2022 - Auteur : Jeremy Debreu
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Les déclarations de maladies professionnelles liées à une exposition à un agent cancérogène ou mutagène sont-elles représentatives de la réalité du terrain ? « On sait que ces chiffres ne sont pas forcément représentatifs en raison d’une sous-déclaration, répond le docteur Mireille Loizeau, médecin du travail à l’APST-BTP-RP. Nous devons plutôt les considérer comme la partie émergée de l’iceberg. » Car l’exposition à des substances nocives peut être fréquente dans le BTP, et nécessite la mise en place de mesures de prévention collective et individuelle.
1. Produits : substituer pour des alternatives sans CMR
D'abord, dans les préparations utilisées. Certaines, avec des concentrations de substances CMR supérieures aux seuils de classification, vont bénéficier de l’étiquetage H340 ou H 341, H350 ou H351 et H360 ou H361. « L’information est inscrite sur l’étiquette mais il n’y a pas de pictogramme dédié, d’où la nécessité de bien lire l’étiquette et d’être formé à sa lecture. » D’autres mélanges peuvent contenir une, voire plusieurs, substances à des concentrations inférieures aux seuils « mais dans ce cas aucune mention sur l’étiquetage ! alerte le médecin du travail. Il est alors nécessaire de se référer aux fiches de données de sécurité. » Et de travailler systématiquement à identifier des alternatives à ces produits. Par exemple, l’Anses propose un outil de substitution pour les CMR.
2. Procédés : réduction des niveaux d’exposition et EPI
En revanche, supprimer totalement les émissions issues des procédés cancérogènes peut s’avérer bien plus compliqué comme dans le cas des travaux exposant à la poussière de silice cristalline, aux émissions d’échappement de moteurs diesel, aux travaux exposant aux HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques).
Comment aider les entreprises à construire leur plan d’action et leur document unique d’évaluation des risques ? « S’il n’y a pas d’alternatives, l’objectif est d’abord de réduire l’exposition à des niveaux le plus bas possible et, en complément, selon le résultat de l’évaluation des risques, de fournir aux salariés des équipements de protection individuelle adaptés. Par ailleurs, les mesures de formation et d’information des salariés sont cruciales pour donner du sens aux mesures de protection préconisées. »
3. Le DU des entreprises, un outil de pilotage précieux
Le volet risque chimique de la loi santé au travail trouve l'une de ses sources dans le rapport Frimat, commandé en 2018 par le ministère du Travail. Parmi les constats réalisés, souligne le Professeur Paul Frimat, « celui, un peu amer, qu’une entreprise du BTP sur deux ne réalisait pas son DUER, qui est pourtant une obligation légale. » Il s’agit d’un sujet dorénavant renforcé par la loi, avec notamment l’obligation de conserver le DU pendant au moins quarante ans, la mise à jour du programme annuel de prévention des risques, mais aussi l’obligation de le transmettre au service de prévention et santé au travail. « Si collectivement nous considérions la santé au travail non pas comme un coût mais comme un investissement, alors nous éviterions à tout prix que le salarié ait des pathologies, et donc des maladies professionnelles », conclut le professeur Frimat. Un vœu que l’on souhaite voir se réaliser rapidement.
« Nous devons considérer la santé au travail non pas comme un coût mais comme un investissement. »
Professeur Paul Frimat