Bien-être au travail et responsabilisation des salariés sur la prévention : des moteurs qui font grandir l'entreprise Peretti
L'entreprise Peretti, située dans le Puy-de-Dôme, rend ses salariés acteurs de la prévention et met en avant une solution digitale innovante pour améliorer la sécurité. Son cœur de métier ? La plâtrerie-peinture. Elle a toutefois élargi sa palette d'interventions pour coordonner des projets d'aménagement intérieur : sols, électricité, plomberie, menuiseries intérieures, carrelage… Rencontre avec les responsables de cette entreprise engagée dans la ville locale.
Date de mise à jour : 5 mai 2023 - Auteur : Thierry Beaurepère
L’entreprise élargit ses compétences pour devenir tout corps d’état.
Le bien-être des salariés guide sa politique au quotidien.
Reportage paru dans PréventionBTP n° 272-Avril 2023-p. 24
Photo : 272 Entreprise Peretti photo d'ouverture
Crédit photo : Frédéric Vielcanet
Le 29 juin, le théâtre du Puy-en-Velay accueillera un événement pas comme les autres : la soirée d’anniversaire des 130 ans de Peretti. L’événement prend valeur de symbole. Au-delà d’avoir participé à la rénovation du théâtre il y a une quinzaine d’années, l’entreprise spécialisée dans les travaux de plâtrerie et de peinture entend ainsi témoigner de son attachement à un territoire qui l’a accompagnée dans tous les moments – bons comme plus difficiles – de son histoire, et rappeler son engagement dans la vie locale, qui passe notamment par le soutien à de nombreuses associations dans le cadre du mécénat d’entreprise.
Mieux maîtriser la chaîne de travail
Cet attachement au territoire et à ses habitants ne doit rien au hasard. Peretti a vu le jour en 1893, dans le village d’Arlanc (Puy-de-Dôme). Mais l’entreprise s’est réellement imposée comme un acteur majeur de l’économie locale sous l’impulsion de Georges Peretti, le petit-fils du fondateur. Quand en 2005, Hughes Hortefeux la rachète, elle emploie déjà une soixantaine de personnes. Avec Marie-Noëlle Rey, qui rejoint la PME six années plus tard et en devient secrétaire générale, le nouveau patron va s’appuyer sur cet héritage et ce savoir-faire pour faire évoluer Peretti. Au-delà de son cœur de métier, il transforme l’entreprise en un acteur tout corps d’état afin de mieux maîtriser la chaîne de travail. Pour ce faire, il fait appel à des sous-traitants locaux ou intervient en direct, notamment via le rachat de l’entreprise stéphanoise de carrelages Boudol. D’autres opérations de croissance externe, par exemple dans la menuiserie, ne sont pas exclues.
le dirigeant transforme l’entreprise Peretti en un acteur tout corps d’état afin de mieux maîtriser la chaîne de travail.
Qualité de vie au travail
La métamorphose ne s’arrête pas là. Hughes Hortefeux a réorienté Peretti vers les marchés privés, plus fidèles et valorisants. Les collectivités locales, qui généraient 80 % de l’activité il y a encore quelques années, n’en représentent plus que 20 %. Construit il y a une poignée d’années, le nouveau siège social reflète cette évolution. Baptisé La Serre, le bâtiment installé dans une zone d’activités de la périphérie du Puy-en-Velay cache des bureaux vitrés ouverts sur un patio arboré où l'échange est de mise, et une domotique dernier cri pour répondre aux enjeux climatiques. De quoi rassurer les clients et rendre fiers les compagnons. Car celui qui a inscrit sur sa carte de visite « chef d’orchestre » place les salariés au cœur de son projet, avec un management basé sur le « faire-grandir ». « Dans l’industrie, la valeur ajoutée est la machine, explique Marie-Noëlle Rey. Tous les moyens sont mis en œuvre pour qu’elle ne tombe pas en panne. Dans le bâtiment, c’est l’homme qui est le rouage central. Il convient de le connaître, d’être attentif à sa santé. Et pourtant, on oublie trop souvent de l’écouter, de l’accompagner et, in fine, de le protéger. » Cette « bienveillance sans complaisance » prend des formes multiples, jusque dans la prévention, avec une attention toute particulière portée à la qualité de vie au travail et une approche innovante. Ainsi, chez Peretti, tous les salariés sont impliqués dans la prévention. « Nous les incitons à être acteurs et responsables de leur prévention au quotidien, poursuit Marie-Noëlle Rey. Nous sommes convaincus que pour qu’un collaborateur soit engagé, épanoui et sensible à la prévention, il est indispensable qu’il ait le pouvoir d’agir et de faire bouger les lignes. » Cela passe notamment par une communication renforcée à travers un livret de bonnes pratiques qui intègre la dimension prévention, un journal interne diffusé tous les mois.
Solution numérique pour dialoguer
Surtout, Peretti a déployé K-Dix, une solution numérique qui vise à favoriser le dialogue, responsabiliser et valoriser les salariés, dispersés sur trois cents chantiers chaque année, et, in fine, les inciter à donner le meilleur d’eux-mêmes. « Car le plus gros facteur de risque d’accident dans une entreprise est la démotivation. Les entreprises ont grandi durant deux siècles selon des règles strictement économiques. Elles doivent aujourd’hui intégrer le soin de l’homme, de la femme et de la terre. Il est essentiel que le collaborateur soit convaincu de son importance au regard du dirigeant », conclut Hughes Hortefeux, qui estime que l’être humain sera le plus gros facteur de rentabilité dans la décennie. Cette innovation a valu à Peretti de multiples prix, et tout récemment le trophée des « Leaders bienveillants » lors de l’événement Preventica Lyon, qui valorise les démarches en matière de santé et qualité de vie au travail.
Dans l’entrepôt attenant, l’ergonomie est de mise pour gagner en efficacité, avec par exemple un escalier escamotable.
Le bien-être au travail commence par des locaux spacieux et éco-responsables, dignes de ceux d’une start-up.
Unique, la solution digitale K-Dix favorise les échanges entre compagnons et direction, et contribue à améliorer la prévention.
Sur les chantiers, le recours à une girafe avec aspirateur permet de poncer les murs et plafonds avec un meilleur confort.
Originale, l’utilisation simple et facile de coussins gonflables permet de dégonder plus facilement les portes.
Suggérés par un compagnon via l’outil K-Dix, les « banjos » (applicateurs de bandes à joint entre plaques de plâtre) ont été généralisés.
Le travail fait sur la prévention depuis quelques années est récompensé, avec un taux de cotisation accident du travail-maladie professionnelle en baisse régulière. Peretti a réalisé 90 000 euros d’économies en trois ans. Pour aller encore plus loin, Hughes Hortefeux espère qu’à l’avenir, les maîtres d’ouvrage généraliseront des clauses sociales quant à la santé des salariés dans leurs appels d’offres, afin d’encourager les entreprises vertueuses.
Focus sur une innovation
Une solution digitale vise à replacer l’être humain au cœur de la stratégie de l’entreprise, pour gagner en efficacité et sécurité.
C’est à travers Horasis (société sœur de Peretti) que la solution K-Dix a été développée, en 2019. Directrice générale d’Horasis et secrétaire générale de Peretti, Marie-Noëlle Rey fait le point sur cette innovation, désormais commercialisée pour d’autres entreprises.
Pouvez-vous nous préciser ce qu’est K-Dix ?
K-Dix est une solution digitale qui se présente sous la forme d’une application pour smartphone, tablette ou PC. Elle vise à favoriser la responsabilisation de chacun et la fluidification des échanges. Côté direction, elle facilite le suivi de carrière. Pour sa part, le salarié peut y poser ses demandes de congés, visualiser ses bulletins de salaire, exprimer ses besoins. Tout le monde y gagne en efficacité.
En quoi est-ce un outil de prévention ?
Notre démarche est de responsabiliser les salariés en permettant à chacun de s’exprimer, de couper toute hiérarchie et de casser les frontières géographiques qui nous séparent des compagnons. Ils peuvent échanger sur leur état d’âme, faire remonter des informations sur une situation dangereuse, partager une idée pour améliorer la sécurité. De notre côté, K-Dix permet de motiver à travers des messages de gratitude, parfois de faire part d’un point de progrès à réaliser… En trois ans, plus de trois mille messages ont été échangés.
Quel est le bilan de cette politique ?
Durant la décennie 2010, nous enregistrions une quinzaine d’accidents par an. Quel que soit le degré de gravité, c’est toujours un drame, humain, juridique et économique. Ce chiffre a chuté à deux ou trois par an. Le bilan est donc positif, pour la santé de nos collaborateurs et en termes économiques. Car l’impact financier d’une incapacité de travail de quinze jours est évalué à 1 520 euros et le coût moyen d’un salarié démotivé serait de 14 600 euros par an, selon une étude du groupe de protection sociale Apicil.
Grâce à K-Dix, les compagnons peuvent […] partager une idée pour améliorer la sécurité.
Hughes Hortefeux et Marie-Noëlle Rey, président et secrétaire générale
C’est un duo, riche d’expériences complémentaires, qui est aux commandes de Peretti. Hugues Hortefeux a longtemps travaillé chez Sade (une filiale de Véolia) avant qu’il ne choisisse la voie de l’entreprenariat en rachetant Peretti. Pour sa part, Marie-Noëlle Rey fut cogérante d’une PME spécialisée en plasturgie durant quinze ans, avant de passer de l’industrie au bâtiment en rejoignant Peretti.
Photo : 272 Entreprise Peretti Hughes Hortefeux et Marie-Noëlle Rey
Crédit photo : Frédéric Vielcanet
● Confiance, responsabilisation, reconnaissance sont les leitmotivs de l’entreprise, qui compte sur cette politique bienveillante pour fidéliser (le taux de turnover est passé de 14 % à 6 % en quelques années) et attirer de nouveaux talents.● « Pour apporter le meilleur aux clients, il faut apporter le meilleur à ses collaborateurs ». Certifiée Mase, l’entreprise décline cette maxime au quotidien. Cela passe par une communication maîtrisée, une écoute active pour connaître le moral des salariés. Car Hughes Hortefeux rappelle que le plus gros facteur de risque est la démotivation. ● Guidés par leurs expériences passées, les dirigeants parient sur le digital de proximité, encore souvent négligé par les PME du BTP, pour faire passer leurs messages et mieux comprendre les attentes des compagnons quotidiennement, sans attendre les entretiens annuels.