En Normandie, EPC Demosten pratique la déconstruction vertueuse
Spécialiste historique de la démolition-déconstruction, EPC Demosten intensifie ses opérations dans l’économie circulaire, tout en renforçant la prévention.
Date de mise à jour : 30 oct. 2024 - Auteur : Goulven Connan
- Un virage vers l’économie circulaire qui fait évoluer les méthodes de travail.
- Une politique de prévention exigeante avec la démarche Icsi en cours.
Reportage paru dans PréventionBTP n°288-Octobre 2024-p. 24.
Photo : 288 Entreprise EPC Demosten a02
Crédit photo : Frédéric Vielcanet
Lisieux (Calvados), quartier de Hauteville. Sur le chantier de déconstruction du bâtiment C1, la bannière EPC Demosten trône sur l’échafaudage entourant cet immeuble R+12, dont l’écrêtage lui a déjà fait perdre quelques étages. Face à lui, des restes de gravats au sol témoignent de la précédente démolition du bâtiment F9. Ces deux ouvrages sont déconstruits au profit d’un projet global de renouvellement urbain du quartier de Hauteville, lancé en 2015 dans le cadre du Nouveau programme national de rénovation urbaine (NPNRU). Débuté en juillet 2023, ce chantier de déconstruction des C1 et F9 s’est terminé en septembre dernier : il a mobilisé en moyenne une dizaine de compagnons, dont la moitié sont des personnes en réinsertion, formées pour ces travaux spécifiques.
L’accueil sécurité, à l’agence du Petit-Quevilly, est l’endroit par lequel passe tout nouvel embauché en CDI. Les sept risques majeurs identifié par l’entreprise y sont présentés.
Spécialisée dans la démolition, déconstruction, désamiantage et déplombage, EPC Demosten est née en juillet 2023 de la fusion avec trois autres entités appartenant depuis plus de vingt ans au Groupe EPC : ATD, Occamat, Occamiante, et Prodemo. Fusion qui a été l’occasion pour l’entreprise de développer ses activités à travers la création d’une nouvelle direction, dédiée à l’économie circulaire. Une (r)évolution qui amène l’entreprise à modifier sa façon de travailler et de faire de la prévention. Car, aujourd’hui, la plupart des chantiers doivent s’appliquer à déposer soigneusement l’ensemble des éléments de second œuvre qui peuvent être réutilisés, après avoir été triés : cloisons, faux-plafonds, fenêtres, portes, vasques, panneaux séparatifs, radiateurs ou tableaux électriques. C’est ce que le Groupe EPC appelle la « Mine urbaine » : une gestion des ressources issues des gisements urbains permettant de récolter des matériaux de second œuvre pour les traiter, les recycler et les valoriser.
Alternance de phases mécanisées et manuelles
« Nous sommes passés de la pelle qui grignote petit à petit le bâtiment, donc un travail plutôt mécanique, à un travail qui est davantage manuel pour cette phase de dépose des matériaux, même si les machines nous aident dans la manutention, explique Jimmy Loncle, directeur des agences du Petit-Quevilly et de Nanterre d’EPC Demosten. Les risques de TMS, de chutes de hauteur ou d’objets, le risque électrique ou la présence d’engins nous ont obligés à trouver de nouvelles solutions de prévention. » Deuxième phase du chantier, le désamiantage est la spécialité historique d’EPC Demosten : l’expérience de ce cadre réglementaire très strict pour la protection des opérateurs, de la population et de l’environnement a infusé très tôt une forte culture de la prévention au sein de l’entreprise, qui a su s’adapter à ses nouvelles problématiques. La dernière phase, la déconstruction des superstructures et infrastructures par écrêtage, est quant à elle très mécanisée. « Nous utilisons un Bobcat pour extraire les gravats, une pelle de 5 tonnes et un Brokk électrique commandé à distance pour le grignotage des murs et des dalles », liste Benoît Boyère, conducteur de travaux du chantier. Ces tâches pénibles et sources de risques pour les opérateurs sont ainsi supprimées. Tout comme le port de gravats lourds, source de TMS. « Le Brokk limite aussi les nuisances sonores pour les opérateurs et les riverains. Tout cela concourt à l’amélioration des conditions de sécurité et de travail. »
Identification de sept risques majeurs sur les chantiers
Cette évolution des activités a conduit le management de l’entreprise à lancer la démarche Icsi (Institut pour une culture de sécurité industrielle) en 2019, avec l’accompagnement de l’OPPBTP. « Nous avons interrogé les salariés sur leur perception des risques via des entretiens collectifs à différents niveaux de l’entreprise, du chantier au comité de direction », relate Céline Cléron, responsable prévention, performance et développement durable chez EPC Demosten à Petit-Quevilly. « Ce travail collectif nous a permis d’identifier sept risques majeurs (chute de hauteur, risque électrique, levage, risque CMR (cancérigène, mutagène, reprotoxique), engins, incendie/explosion, chute d’objets ou gravats) avec, pour chacun d’entre eux, un mémo et des standards à appliquer pour ancrer les bons comportements. » La démarche Icsi est aujourd’hui en phase de déploiement : de la formation aux nouveaux arrivants dans l’entreprise, aux briefings sécurité sur les chantiers en passant par les réunions de management, ces sept risques sont aujourd’hui martelés partout dans l’entreprise.
Lire le dossier paru dans PréventionBTP n°259 sur : preventionbtp.fr
L’accès aux étages se fait par un monte-charge, car la trémie d’ascenseur intérieure est utilisée pour l’évacuationdes gravats.
7 h 30 : briefing de poste avec le chef de chantier Radu Aonofriesei (à droite) puis explication des objectifs et rappel des sept risques majeurs.
Le Bobcat, le Brokk et la pelle assurent l’écrêtage mécanique du bâtiment. Chaque semaine, une grue de 70 tonnes est acheminée sur le chantier pour descendre les machines d’un étage.
En raison des engins aux étages supérieurs, des étaiements sont mis en place, après la réalisation de notes de calculs.
Le robot Brokk, piloté à distance, peut effectuer des travaux de démolition tout en limitant le niveau sonore et en améliorant les conditions de sécurité.
Le Bobcat récupère les gravats de l’étage pour les faire descendre d’un niveau via la trémie d’ascenseur sécurisée par des glissières/garde-corps.
Capable de traiter l’ensemble des étapes d’une opération de déconstruction, EPC Demosten s’est structuré avec une nouvelle direction de l’économie circulaire, pour tendre vers le zéro déchet. « Nous avançons pour embrasser les tendances de demain et nous inscrire dans une véritable démarche écocitoyenne », rappelle Jimmy Loncle. Récemment, dans le Nord, la totalité de la structure métallique de plus de 20 000m² de bâtiments d’une friche industrielle a pu être réutilisée. Sur le chantier de Lisieux, c’est 96 % des matériaux qui ont pu être revalorisés.
Focus
À la tête de l’agence du Petit-Quevilly depuis 2022, Jimmy Loncle poursuit le travail de son prédécesseur pour progresser en prévention.
Jimmy Loncle, directeur d'établissements EPC Demosten, explique comment la sécurité est pleinement intégrée dans l'activité, avec des résultats probants.
La fusion avec EPC Demosten a-t-elle fait évoluer votre activité ?
Nous poursuivons nos activités historiques mais la démolition est un terme qui ne reflète plus exactement la nature de notre travail actuel. Nous avons tous l’image de la pelle qui arrive sur un chantier et qui abat le bâtiment. Les pratiques ont évolué et nous parlons aujourd’hui davantage de déconstruction et de démantèlement, avec cette idée de revalorisation des matériaux, d’économie circulaire.
Quels sont les impacts de déconstruire plutôt que démolir ?
La phase de curage est devenue une phase de dépose sélective des matériaux pour le réemploi, qui est davantage manuelle pour ne rien abîmer. Nous devons donc trouver des solutions de prévention adaptées. Nous avons depuis longtemps une forte culture de la prévention, avec la certification Mase (Manuel d’amélioration sécurité des entreprises, NDLR). Notre service QHSE et amélioration continue, composé de neuf personnes, dont trois à l’agence du Petit-Quevilly, a mené un gros travail avec la démarche Icsi. Nous relayons ce travail de communication et d’accompagnement des collaborateurs avec un management très impliqué, du chef d’équipe au directeur.
Quels sont les résultats ?
Les sept risques majeurs et les règles d’or associées doivent nous permettre d’ancrer durablement les bons comportements. Nos réunions débutent par un point sécurité. Cela porte ses fruits : nous avons eu un seul accident avec arrêt en 2024 et deux accidents sans arrêt. Globalement, nous présentons des taux de fréquence et de gravité jusqu’à dix fois inférieurs à nos concurrents. Mais nous devons continuer à ancrer les bonnes pratiques et les comportements adéquats.
Dans l’entreprise, toutes nos réunions débutent par un point sécurité.
Jimmy Loncle, directeur d’établissements EPC Demosten
Diplômé d’un master ingénieur de l’Insa Rennes en 2002, spécialité Génie civil et Urbanisme, Jimmy Loncle entre chez ATD en 2013 comme directeur d’exploitation démolition. En septembre 2022, il succède à Benoît Lanfry (Directeur général d’EPC Demosten) et prend la direction d’ATD. Depuis la fusion en juillet 2023 il assure la direction des établissements du Petit-Quevilly et de Nanterre.
Photo : 288 EPC Demosten
Crédit photo : EPC Demosten
● Jérémie Lécluse, aujourd'hui conseiller prévention à l'OPPBTP, a travaillé durant neuf ans pour EPC Demosten. Il a vu l'entreprise ancrer la prévention dans son développement.● « J’ai passé neuf ans comme responsable QSE chez ATD à Petit-Quevilly (aujourd’hui EPC Demosten, NDLR) avant de prendre les fonctions de conseiller prévention à l’OPPBTP. L’entreprise avait déjà une forte culture de la prévention, en lien notamment avec ses activités historiques de désamiantage.● Certifiée Mase en 2006, ISO 9001 puis 14001 en 2012-2013, l’entreprise s’est ensuite développée avec une dynamique managériale forte et beaucoup d’exigence sur la sécurité et la prévention. La démarche Icsi est aujourd’hui en phase de déploiement pour les sept risques majeurs et les règles d’or.● Reste à poursuivre l’ancrage de ces règles de sécurité dans le comportement de tous au quotidien. ».