Le bien-être au travail au cœur de la stratégie de CRT
Après avoir engagé une démarche RSE, la TPE CRT travaille à la prévention et à la sécurité sur les chantiers, accompagnée par l’OPPBTP.
Date de mise à jour : 2 déc. 2024 - Auteur : Thierry Beaurepère
- Des investissements pour gagner en productivité et en confort.
- Une réflexion sur les conditions et le temps de travail.
Photo : 289 Entreprise du mois ouverture
Crédit photo : Frédéric Vielcanet
Dans les Alpes de Haute-Provence, les villages de pierres attirent de plus en plus de citadins en mal de grand air. Les constructions et rénovations vont bon train, faisant le bonheur d’une poignée de PME et TPE locales. CRT (Construction, Rénovation, Terrassement) est l’une d’elles. À l’aube du troisième millénaire, Laurent Bosco a posé ses valises à Forcalquier, sans réelle expérience du bâtiment mais avec la folle envie d’aller de l’avant. Il fait aujourd’hui travailler une petite dizaine de compagnons, à 80 % sur des chantiers de particuliers avec une forte demande pour les travaux de rénovation et d’isolation depuis quelques années. Le reste est assuré par les collectivités locales, comme actuellement la remise en état d’un bâtiment abandonné du village de Revest-des-Brousses, qui abritera un magasin d’alimentation et des logements sociaux.
Son propre parc de matériels
Si CRT fait aujourd’hui partie du paysage local, pas question pour Laurent Bosco de s’endormir sur ses lauriers. « Depuis toujours, je préfère gagner moins et réinvestir régulièrement en matériels. Cela permet à l’entreprise d’être autonome pour répondre immédiatement aux demandes et besoins des clients, de maîtriser les plannings. Une entreprise qui n’investit pas est une entreprise qui meurt », explique le dirigeant. Sur les chantiers en cours et dans le dépôt qui jouxte les bureaux, les véhicules alignés en témoignent : quatre camions bennes, trois chargeurs télescopiques Manitou et une mini-pelle, ainsi que deux véhicules utilitaires. Il faut y ajouter 700 m2 d’échafaudages et trois cabanes de chantier. « Cette politique d’investissements a une double vertu. Outre de gagner en efficacité, elle permet de proposer un meilleur confort de travail pour les salariés », complète-t-il.
Les locaux de l'entreprise CRT, construits en 2017, disposent d’une cuisine équipée et d’une douche.
Tri des déchets et panneaux photovoltaïques
Avec l’aide de son fils Mathieu, qui a rejoint l’entreprise en 2021 et lui a donné un nouveau souffle, Laurent Bosco a décidé d’aller encore plus loin à travers une démarche RSE, couronnée par l’obtention en 2023 du label décerné par la région Provence-Alpes-Côte d’Azur dans le cadre du dispositif CEDRE. « C’est beaucoup de temps et d’énergie, en particulier pour une petite entreprise, mais cela a permis de formaliser tout ce que nous faisions depuis des années sans le mettre en avant, comme le tri des déchets de chantiers ou les panneaux photovoltaïques sur le toit, qui génèrent 5 000 à 6 000 euros de revenus annuels. » Fort de ce label, CRT réalise désormais son bilan carbone annuel et vient de s’équiper de deux véhicules utilitaires électriques et d’une borne de recharge, un investissement rendu possible par l’accompagnement de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) et de la Région. « Cela nous a permis d’acheter ces véhicules à 50 % de leur prix. Sans cela, nous n’aurions pas pu nous engager sur cette voie », précise Mathieu Bosco. Demain, CRT veut aller plus loin, par exemple en favorisant les circuits courts pour l’approvisionnement, et en réfléchissant à des solutions pour récupérer les eaux de lavage sur les chantiers.
Aménager les journées de travail
Le volet sociétal est tout aussi essentiel. CRT travaille sur plusieurs pistes, à commencer par la mise en place d’une politique de prévention. Outre des formations à venir, l’entreprise a équipé d’un exosquelette un compagnon qui a subi une intervention chirurgicale pour hernie discale. Une aide de la Maison départementale des personnes handicapées a permis de prendre en charge 90 % du prix (1 500 euros). Plus largement, Laurent Bosco a toujours fait du bien-être au travail une priorité, une manière également de limiter le turnover. Ainsi, les locaux construits en 2017 disposent d’une cuisine équipée et d’une douche. En complément, une réflexion sur le temps de travail est en cours. Beaucoup de compagnons manifestent en effet leur désir de disposer de davantage de temps libre. La semaine de quatre jours, sans diminuer le temps de travail, pourrait constituer une solution mais les contraintes sont fortes, en particulier pour une TPE. Par exemple, des journées de dix heures entraînent des frais de repas supplémentaires, estimés à 20 000 euros par an ; et cela pourrait augmenter la fatigue, et in fine les risques d’accident. Pour valider cette idée, Mathieu tente de convaincre son père de réaliser un test, d’abord une semaine sur deux. À suivre…
Le port des EPI (chaussures de sécurité, casque, gants…) fait l'objet d'une attention particulière.
Dans l’entrepôt jouxtant les bureaux, le stockage des matériaux et matériels est optimisé pour gagner en efficacité.
CRT a investi plusieurs centaines de milliers d’euros en matériels, comme cette mini-pelle Yanmar.
Avec l’aide de la Région, l’entreprise a installé une borne de recharge, utilisée pour les deux véhicules utilitaires électriques récemment acquis.
Sur les chantiers, un chargeur télescopique Manitou facilite les travaux de terrassement, levage, déblaiement…
Pour soulager un compagnon opéré d’une hernie discale, CRT a investi dans un exosquelette de marque Ergosanté.
L’engagement RSE de l’entreprise relève d’une démarche personnelle, qui nécessite du temps et de l’énergie. S’il met en avant les efforts engagés dans les communications, Laurent Bosco reconnaît que ce n’est pas encore un argument commercial pour convaincre un client ou gagner un marché. Il regrette notamment que dans les appels d’offres publics, les efforts consentis ne soient pas davantage pris en compte.
Focus
Avec l’accompagnement de l’OPPBTP, CRT prouve que la prévention est une question de volonté, et qu’elle n’est pas réservée aux grands groupes.
Il est difficile pour une petite entreprise d’engager une vraie démarche de prévention, qui exige du temps et de l’investissement humain. L’arrivée de Mathieu Bosco, aux côtés de son père, a permis de donner un second souffle aux réflexions déjà engagées.
Pourquoi avez-vous entrepris une politique de prévention ?
Nous avions déjà mis en place le document unique afin d’identifier les principaux risques liés à notre activité, en complément de notre politique RSE. Mais ce n’était pas suffisant. Nous avons pris davantage conscience des enjeux lorsque Gérard Richebois, le conseiller en prévention de l’OPPBTP dans la région, nous a contactés il y a quelques mois dans le cadre de la campagne « Chutes de hauteur ».
Quels sont les engagements pris ?
Gérard a réalisé un audit précis, qui a permis de définir un plan d’action. Par exemple, tous les compagnons vont prochainement bénéficier d’une journée de sensibilisation à la sécurité. Avec l’aide de Constructys, qui accompagne la formation professionnelle, le coût est réduit. Dans un second temps, nous souhaitons désigner deux chargés de prévention. Ils devront suivre une formation de deux jours, qui ne se fait qu’avec un minimum de six personnes. À travers la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb, NDLR), nous tentons de constituer ce petit groupe.
Comment réagissent les salariés ?
L’accueil est positif. Les jeunes sont plus sensibles à la sécurité et aux conditions de travail. Les plus anciens sont sérieux mais sont parfois dans la routine et moins attentifs aux règles. La prévention est un travail de longue haleine et il faut rabâcher les messages, encore et toujours. L’accompagnement de l’OPPBTP est primordial pour s’adapter en permanence et mesurer si nous sommes sur la bonne voie.
La prévention est un travail de longue haleine et il faut rabâcher les messages, encore et toujours.
Laurent et Mathieu Bosco, codirigeants
Originaire de Marseille, Laurent Bosco fut d’abord chauffeur routier avant de lancer son entreprise en 2002, apprenant le métier sur le tas. À 51 ans, il lui reste encore quelques belles années, mais il réfléchit déjà à sa succession. Mathieu, l’un de ses deux fils, a rejoint CRT en 2021 et l’aide à répondre aux enjeux de demain. Titulaire d’un master, le jeune homme de 28 ans s’occupe notamment
de la partie administrative.
Photo : 289 Entreprise du mois CRT d02
Crédit photo : Frédéric VIelcanet