En résumé
  • Le plan stratégique de l'ESTP accompagne les élèves sur les enjeux d'innovation, d'écologie et de recherche.
  • L'école déploie sa présence sur plusieurs campus.

Article paru dans le numéro 263 du magazine Prévention BTP (juin 2022)

263 Grand entretien Joël Cuny

©Frédéric Vielcanet

Les bouleversements vécus et à venir dans les entreprises du BTP sont pleinement intégrés dans les enseignements de la prestigieuse École spéciale des travaux publics, du bâtiment et de l'industrie (ESTP). Les sujets de santé sécurité font partie des compétences acquises par les futurs ingénieurs. Explications avec le directeur général de l'école, Joël Cuny.


Les métiers de la construction font face aux défis des transitions numérique, écologique et sociétale. Comment l'ESTP accompagne-t-elle ces changements?
Nous formons des cadres et des professionnels du monde de la construction, des infrastructures et de l'énergie ainsi que de l'immobilier. Chaque année, plus de 1 000 diplômés sortent de notre école, dont 700 ingénieurs. Notre école a 130 ans, elle un rôle fort à jouer dans ces transitions portées par le secteur. En 1891, de grands projets de construction voyaient le jour et aujourd'hui nous vivons une nouvelle étape de grands projets, en lien avec l'urgence climatique et les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de décarbonation fixés à 2050. L'aménagement du cadre de vie, les nouvelles mobilités qui transforment la ville, l'industrialisation et l'adaptation au numérique, le BIM… sont autant de sujets sur lesquels nous devons former les jeunes.


Vos ambitions pour le développement de l'école ont été fixées dans un plan stratégique. Quels en sont les contours?
Notre plan stratégique ESTP 2030, dont une étape est fixée à 2026, est directement lié aux enjeux du secteur. Tout d'abord, nous affirmons notre volonté de nous inscrire dans les territoires : en plus des campus de Cachan, Troyes et Dijon, l'école disposera d'un nouveau campus à Orléans en 2023. C'est une transformation majeure pour l'école, qui ne disposait que d'un seul campus jusqu'en 2017. Les mêmes diplômes sont délivrés sur les différents campus, que nous souhaitons responsables et en pointe sur le numérique. Cette organisation multicampus cible des thèmes d'intérêt pour la profession : systèmes de construction innovants à Cachan, ville intelligente à Dijon, Chantier du futur à Troyes et smart building à Orléans. Plus globalement, un de nos axes de travail porte sur l'attractivité de l'école et son image, tout comme celle du secteur au sens large. Il nous faut donner aux jeunes l'envie d'entrer dans un secteur où ils auront un impact fort sur leur environnement et le cadre de vie.


Qu'en est-il de votre offre de formation?
Nous souhaitons la moderniser et la clarifier. De quatre titres d'ingénieur, nous allons passer à un seul avec des parcours différenciés à la rentrée 2023. De plus, la création de nouveaux bachelors va étoffer notre offre de formation initiale. Nous voulons aussi attirer davantage d'étudiants vers des mastères spécialisés, pour former par exemple des maîtres d'œuvre Travaux de génie écologique et créer une formation de responsable de projet de construction bas carbone. Au même titre que la QSE, il y aura probablement des responsables bas carbone avec une vision globale des projets de construction au regard de la performance énergétique dans les entreprises. Certains de nos diplômes offrent également des doubles compétences : génie civil et écologique, architecte et ingénieur, qui sont des parcours d'excellence de l'école. Nous voulons aussi multiplier par trois nos activités de recherche et développer nos laboratoires.


Quelles sont vos ambitions à l'international?
Les Travaux publics sont très présents à l'international, c'est un domaine industriel d'excellence des entreprises françaises. Et leur force tient aux hommes qui y travaillent d'où l'enjeu d'attirer plus d'étudiants à l'international. Nous proposons des doubles diplômes et développons des partenariats avec des universités étrangères afin de favoriser la mobilité pendant les études. Nous avons pour ambition de devenir un acteur de référence du secteur à l'international en participant à la création de programmes de formation avec des partenaires académiques et industriels européens, en développant notre coopération avec ceux-ci dans le cadre de thématiques communes de recherche-innovation ou de projets de recherche, et en renforçant notre offre de formation dédiée aux élèves internationaux.


Comment les entreprises sont-elles associées aux formations et travaux de l'école?
L'école est un lieu de rencontres entre la jeunesse, le monde de l'innovation et de la recherche et l'entreprise. Notre réseau de 45 000 diplômés, dont 28 000 en activité, est un réseau puissant attaché à l'écosystème de l'école. Tout au long de leurs trois années d'études, nos élèves ingénieurs suivent trois stages, d'une durée totale de quarante-quatre semaines. Dans nos formations d'ingénieurs, 800 intervenants sont issus du monde professionnel. De plus, chaque promotion d'ingénieurs est parrainée par une entreprise. Dans le cadre du parcours Entrepreneuriat, les élèves bénéficient d'accompagnement et de coaching par des acteurs professionnels engagés dans l'innovation. De multiples événements sont organisés avec et par les entreprises, sans oublier le Forum ESTP, un rendez-vous devenu incontournable pour trouver un stage ou un premier emploi pour nos jeunes. Nous avons également réalisé en avril un Hackathon avec 640 étudiants et sept entreprises partenaires sur le sujet de la transition écologique. Par ailleurs, notre école s'est associée à quatre autres établissements privés indépendants d'enseignement supérieur et de recherche1 pour créer l'association « Réseau de l'Enseignement supérieur de la Construction ». Sous l'impulsion de la FNTP, de la FFB et de Syntec Ingénierie, ce réseau permettra d'anticiper les besoins de la société et des entreprises, et de développer des cursus et des outils pédagogiques innovants.


Vous avez également lancé des chaires de recherche. Sur quels thèmes?
Trois chaires sont actuellement actives : une chaire d'enseignement et de recherche sur l'ingénierie des bétons, une chaire de recherche dédiée aux jumeaux numériques de la construction et une autre aux infrastructures routières et aménagements urbains durables. D'autres chaires sont en projet : sur le génie écologique, sur le management des risques et sur la smart city. Nous réamorçons par ailleurs la chaire de génie civil nucléaire.


Comment le sujet de la prévention des risques est-il pris en compte?
Nous travaillons avec un conseil de perfectionnement composé d'entreprises qui valident le projet de formation. Le management de la sécurité est un des éléments de la qualité opérationnelle. Dans le profil de l'ingénieur, une des compétences inscrites dans le référentiel est celle de savoir manager la sécurité et accompagner les transformations de l'entreprise en incluant la RSE. Nous travaillons avec l'OPPBTP et intégrons ses outils dans nos formations dans les modules de première, deuxième et troisième année, sur différents niveaux du référentiel BES & ST2. Le sujet de la santé et de la sécurité est également présent dans la vie quotidienne de l'école : usage des locaux, activités des laboratoires et des étudiants. Nous les accompagnons dans des missions en entreprise où des éléments de prévention sont observables et ils analysent les situations auxquelles ils sont confrontés.


Les plus jeunes générations sont nées avec le numérique, elles n'ont plus le même rapport au travail. Comment prenez-vous en compte leurs aspirations?
La crise du Covid a été une période difficile à vivre pour tous les étudiants. Mais elle a aussi accéléré la digitalisation de nos enseignements et l'intégration du numérique dans nos pédagogies et certains parcours sont devenus hybrides. En sortie de crise, nous nous sommes posé la même question que dans les entreprises : pourquoi venir sur le campus ? Notre objectif est de renforcer la qualité de la relation en présentiel avec la participation à des projets suscitant des interactions, le digital étant utilisé lorsqu'il y a moins d'intérêt au regroupement des élèves. Nous favorisons le travail collaboratif et en mode projet. Les jeunes que nous accueillons ont besoin d'être impliqués dans les enseignements et de trouver du sens à ce qu'ils font. Il faut arrêter de penser qu'il faut faire pour eux, mais faire avec eux.


1L'ESITC Paris, l'ESITC Metz, le CHEC et l'EATP.
2 Le référentiel Bases essentielles en santé et sécurité au travail (BES & ST) rassemble des compétences de base en santé et sécurité au travail pour toute personne en situation de management d'équipe ou de structure.

PROFIL

Fondée en 1891, l'ESTP Paris (École spéciale des travaux publics, du bâtiment et de l'industrie) est une école d'ingénieurs de référence internationale qui propose un cursus sur trois ans, avec la possibilité de bâtir un parcours à la carte grâce à différentes spécialités (bâtiment, génie mécanique et électrique, topographie, travaux publics, énergétique de la construction pour le statut apprenti), des options d'approfondissement, un parcours entrepreneuriat, en recherche-innovation, des doubles cursus…
Avec 45 000 diplômés, 3 000 étudiants en formation initiale et 1 000 stagiaires en formation continue chaque année, l'ESTP Paris est l'école qui forme en France le plus grand nombre de professionnels dans le domaine de la construction, des infrastructures, de l'aménagement, de l'immobilier et de l'efficacité énergétique.
L'ESTP Paris regroupe ses activités de recherche-innovation au sein de l'Institut de Recherche en Constructibilité (IRC). L'école entretient des liens étroits avec le monde professionnel (150 entreprises partenaires privilégiées) et se distingue par son ouverture internationale et ses engagements au cœur des enjeux actuels de transition écologique et numérique.

Parcours
Joël Cuny est agrégé de Génie civil et titulaire d'un DEA Ingénierie des structures et des enveloppes de l'ENS Cachan.
1991 : Bouygues Bâtiment IDF. Bureau d'études méthodes de projets de constructions/ouvrages fonctionnels.
1993 : Université de Cergy Pontoise puis I'IUFM de l'académie de Créteil. Professeur, direction des études des formations du département Génie Civil.
2012 : Directeur du CFA au Cesfa BTP.
2017 : Directeur du département Génie civil du Cesi.
Depuis 2018: Directeur des Études et de l'innovation puis, en 2020, directeur général de l'ESTP.

Il nous faut donner aux jeunes l'envie d'entrer dans un secteur où ils auront un impact fort sur leur environnement et le cadre de vie.

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