En résumé
  • L'entité a fait évoluer sa démarche sécurité en focalisant ses efforts sur cinq risques majeurs.
  • Elle s’est engagée dans un programme portant sur la création d’une « culture juste ».

Interview parue dans PréventionBTP n°293-Mars2025-p. 34.

293 Grand entretien Nachury DG TP Spie batignolles

©DR

Après plusieurs années à la tête de Spie batignolles construction régions (SBCR), Thomas Nachury vient de prendre la direction de la branche Travaux publics du groupe Spie batignolles. Il dresse le bilan des actions menées ces dernières années. Grâce à une approche ciblée sur cinq grandes priorités, cette entité de 1 550 collaborateurs a développé la conscience des risques et renforcé sa culture de sécurité.

Parcours

Thomas Nachury est, depuis début janvier 2025, directeur général de la branche TP de Spie batignolles, après avoir endossé la responsabilité de la direction de Spie batignolles construction régions, pendant deux ans.
1993-1999 Diplômé de Polytechnique, de l’École Nationale des Ponts et Chaussées et de la London School of Economics.
2010-2017 Directeur des agences de Rennes et de Vannes de Vinci Construction France, puis directeur régional Bretagne.
2019 Directeur général de Spie batignolles Grand Ouest

En quelques mots, quelle est l’activité de Spie batignolles construction régions ?
Spie batignolles construction régions est l’entité du groupe Spie batignolles qui porte l’activité bâtiment en régions, hors Ile-de-France, sur des marchés de proximité ou pour des projets d’ouvrages fonctionnels, industriels ou résidentiels. Nos clients sont des collectivités, des bailleurs sociaux, des entreprises industrielles, des promoteurs et des investisseurs.

Il y a cinq ans, vous décidez de vous concentrer sur cinq risques majeurs. Pourquoi ?
Nous n’arrivions plus à progresser, nos efforts étaient dilués. Nous manquions d’efficacité et de sens. Nous nous sommes donc rapprochés de l’Icsi (Institut pour la culture de sécurité industrielle, NDLR) en lien avec l’OPPBTP. Cela nous a conduit à engager un vaste diagnostic d’une année pour prioriser nos risques les plus importants pouvant conduire à des accidents graves ou mortels. Faite de rendez-vous de terrain et de questionnaires auprès de l’ensemble de nos équipes, cette démarche nous a permis d’identifier nos cinq risques majeurs : chute de hauteur, levage élingage, basculement-renversement-effondrement, enfouissement-ensevelissement, coactivité engins-véhicules-piétons.

293 Grand entretien Nachury photo 2

La culture juste doit permettre à chacun d’avoir conscience des risques, de connaître ses responsabilités et de prendre des mesures qui s’imposent à son niveau.

Thomas Nachury, directeur général branche TP de Spie batignolles

En quoi ce travail a-t-il soudé votre organisation ?
Nous étions jusqu’alors organisés en trois grandes régions très indépendantes. Les problèmes de sécurité étaient traités par chaque entité, avec peu d’échanges et de remontées. Dans le prolongement de quatre acquisitions d'entreprises régionales en 2017, nous avons évolué vers un nouveau maillage de huit directions régionales plus intégrées. Cette démarche concomitante a été l’un de nos premiers projets communs. Elle nous a aidé à jeter les bases d'une culture unifiée.

Pourquoi avez-vous voulu associer les salariés à ce diagnostic ?
S’approprier le sens d’une action permet de respecter plus facilement la règle. Il est important que la démarche ne soit pas que descendante et issue de la direction, mais aussi ascendante et issue des remontées du terrain. Chacun doit se sentir acteur.

Où en êtes-vous désormais ?
Maintenant que nous avons synthétisé et déployé nos cinq risques majeurs, nous travaillons sur l’élaboration de règles essentielles, faciles à mémoriser. Exemple : « Avant de travailler en hauteur, je m'assure de la mise en place de protections collectives conformes et adaptées à mon poste de travail », illustrées des dispositions à vérifier. Nous voulons ancrer durablement ces risques majeurs dans l’esprit des collaborateurs. Nous nous appuyons sur des illustrations concrètes (vidéos, pictos…) et des moments dédiés à la sécurité comme les « Minutes chantier » du groupe. Nous avons aussi organisé des exercices ludiques de chasse aux risques, qui ont très bien fonctionné.

Quel travail menez-vous actuellement sur la « culture juste » ?
Nous avons constitué un groupe de travail. Il s’est emparé d’un sujet clé : distinguer la faute de l’erreur. On doit toujours se poser les bonnes questions. Pourquoi une règle n’est-elle pas respectée ? Quels obstacles ont pu l’entraver ? La transgression, est-elle consciente ou provient-elle d’une méconnaissance ? L’enjeu est de libérer la parole. En parallèle, nous devons aussi définir des lignes rouges, savoir dire stop, clarifier ce qui doit être sanctionné dans une organisation qui fait la part belle à la responsabilité individuelle. Cet équilibre nécessite un cadre clair donné aux managers et du courage managérial. En lien avec le groupe, nous avons également travaillé sur les délégations de pouvoir. La culture juste doit permettre à chacun d’avoir conscience des risques, de connaître ses responsabilités et de prendre des mesures qui s’imposent à son niveau.

Comment avez-vous changé d’approche ?
La connaissance des facteurs organisationnels et humains nous a permis de renouveler notre approche de la sécurité, par le prisme des comportements. Malheureusement, beaucoup d’accidents sont liés à l’habitude et aux actions réflexes sans vigilance. L’improvisation, qui résulte de défauts d’organisation ou d’un manque d’informations, est également souvent en cause. Ce n’est pas en multipliant les règles que l’on arrive à résoudre ce type de difficultés.

La sécurité sous le seul angle des règles, ça ne marche pas ?
Il est nécessaire de travailler sur les outils, la constitution d’un cadre pour créer des repères clairs et renforcer la sécurité réglée. Mais il faut aussi développer les compétences sur les facteurs humains, afin de s’appuyer également sur une sécurité gérée par les personnes présentes sur le terrain dans des conditions d’exercice réelles. Cela suppose un travail de fond pour changer de regard et valoriser aussi les comportements positifs. Le groupe Spie batignolles a ainsi lancé récemment un vaste programme de formation Culture sécurité pour faire progresser chacun à son niveau sur son approche des facteurs humains.

293 Grand entretien Nachury DG TP Spie batignolles

Nous constatons une nette progression de la conscience des risques.

Thomas Nachury, directeur général branche TP de Spie batignolles

Comment améliorer le leadership en sécurité ?
C'est un travail de longue haleine. Cela passe par une plus grande exemplarité et une présence sur le terrain, pour échanger, discerner et faire avancer la réflexion. Si la sécurité est une priorité pour les dirigeants, elle se diffuse au sein des équipes. Il faut des mots, mais aussi des actes. Quand vous ne transigez pas avec la sécurité dans vos arbitrages, les équipes la considèrent comme un élément central. En 2025, nous allons former les cadres sur tous ces sujets qui montrent l’importance de leur comportement pour envoyer des signaux forts.

Pourquoi travaillez-vous sur la transparence ?
Sans transparence, les difficultés sont uniquement gérées localement. Le risque ne remonte pas et la probabilité d'un accident extrêmement grave est beaucoup plus forte. Nous cherchons donc à encourager les remontées d’événements à risque repérés par les collaborateurs ou les bonnes pratiques. Elles nous font collectivement progresser. Pour les partager, notre groupe a développé une application mobile : Sb Prévention. Ces remontées sont valorisées localement, mais aussi dans le rapport mensuel partagé dans toute l’entreprise. Le nombre de remontées augmente rapidement partout dans le groupe, c’est très encourageant.

Comment ces remontées sont-elles traitées ?
Nous accusons toujours réception, et un retour est envoyé à son auteur. Il y a un enjeu fort d’écoute et de prise en compte de la parole des collaborateurs.

Nous cherchons à encourager les remontées d’événements à risque repérés par les collaborateurs ou les bonnes pratiques. Elles nous font collectivement progresser.

Thomas Nachury, directeur général branche TP de Spie batignolles

Quels sont les progrès réalisés ces cinq dernières années ?
Nous constatons une nette progression de la conscience des risques. Une place plus importante est accordée à la prévention dans les Codir et dans les réunions d’exploitation. Nous avons augmenté le nombre des visites prévention réalisées sur le terrain. Nos managers sont plus engagés, et savent désormais mieux arbitrer les arrêts de chantier en cas de risque. Il y a une corrélation claire : les régions ayant le plus avancé dans la démarche ont nettement moins d’événements sur les risques majeurs.

Pouvez-vous citer deux autres enjeux futurs ?
Le défi d’embarquer les sous-traitants et les intérimaires est de plus en plus prégnant et partagé par la profession. C’est le grand enjeu des années à venir. L’accueil et la formation sont clés.

Comment ces actions s’articulent-elles avec votre performance globale ?
Elles sont partie intégrante de notre système de pilotage de la performance, à travers un tableau de pilotage commun à tout le groupe et déployé dans chaque entité. Un indicateur a cette vertu que chacun cherche à l’améliorer ! Un constat : en préparant mieux les chantiers, on améliore la production et la qualité. On augmente le nombre de retours d’expérience. L’impact est positif sur l’entreprise. L’ensemble du collectif est plus soudé. Cette démarche fait bouger les lignes du management et de l’organisation, et fédère également l’équipe de direction. C’est un cercle vertueux et une clé pour faire progresser l’entreprise, y compris sur le volet économique.

Dans vos nouvelles fonctions à la direction de la branche TP du groupe, allez-vous vous inspirer de ce qui a été réalisé au sein de SBCR ?
Certainement. Ces cinq années d’expérience serviront à rapprocher les différentes entités du groupe, dans une même dynamique. Cet élargissement renforcera la culture commune, les règles et les échanges, dont on mesure aujourd’hui l’importance pour la prévention.

Profil

Entreprise du bâtiment implantée dans huit régions françaises, Spie batignolles construction régions emploie 1 550 collaborateurs pour un chiffre d'affaires de 500 millions d'euros. L'entreprise accompagne notamment les collectivités et les industriels dans la réalisation de leurs projets, de la construction neuve à la réhabilitation, en intervenant dans des secteurs aussi variés que l'industrie, la santé, les bureaux, les équipements publics.

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de Cookies. Ceux-ci nous permettent de connaitre votre profil preventeur et d’ainsi vous proposer du contenu personnalisé à vos activités, votre métier et votre entreprise. En savoir plus