L’analyse d’accident : un outil d’apprentissage
Le BTP s’approprie les outils d’analyse des accidents du travail pour en faire un levier de prévention et générer une véritable culture de sécurité.
Date de mise à jour : 15 févr. 2024 - Auteur : Clotilde de Gastines
©Frédéric Vielcanet
L’analyse des accidents aide à progresser en prévention.
Parler de sécurité à toutes les étapes d’un chantier est une nécessité pour limiter les prises de risques.
Dossier paru dans PréventionBTP n°276-Septembre 2023-p. 6
« L'analyse d’accident est un pan important de la prévention des risques professionnels, car elle va permettre d'identifier des défaillances de matériel ou des manquements dans l'organisation de l'entreprise », explique Christophe Desplat, ingénieur conseil national en charge du secteur BTP à la direction des Risques professionnels de la Cnam. Dans le BTP, un accident survient en moyenne toutes les deux minutes travaillées, selon les données de l’Assurance maladie–Risques professionnels. À l’échelle d’une carrière, un compagnon sera ainsi victime de 2,5 accidents du travail, entraînant 220 jours d’arrêt. « La sinistralité dans le BTP est deux fois plus élevée que la moyenne générale des autres secteurs professionnels toutes activités confondues. Et l’activité intérimaire BTP est encore deux fois au-dessus en fréquence et en gravité », confirme Pierre Knispel, qui dirige la mission accidentologie de l’OPPBTP créée en novembre 2022.
Accidents de travail dans le BTP : le secteur se mobilise
C’est dans ce contexte de vigilance que le secteur, employeurs, partenaires sociaux et la branche, se mobilisent pour limiter les risques. Faut-il pour autant analyser tous les accidents même bénins ? Des outils de suivi de l’accidentologie existent allant du tableur Excel à des logiciels plus élaborés utilisés dans les services QHSE de certains grands groupes. Ils permettent de comptabiliser les accidents quel que soit leur niveau de gravité, ainsi que les jours d’arrêt en découlant. « Nous remontons toutes les situations dangereuses dans notre outil statistique Acciline+, qui gère toute l’accidentologie et nous sert d’outil RH de prévention des risques et de formation », détaille Brahim Garda, directeur Santé et Sécurité chez Equans France. Chaque situation à risque est analysée et objectivée en lien avec la commission santé, sécurité et conditions de travail. Le logiciel est corrélé à la paye, si bien qu’en cas d’accident, il envoie immédiatement la déclaration à la Caisse primaire d’assurance maladie. Il répertorie aussi, en regard du profil de chaque salarié, ses aptitudes et ses autorisations, notamment le CACES® (le certificat d'aptitude à la conduite en sécurité) ou une habilitation électrique, ce qui permet d'identifier ses possibles besoins en formation. « Bientôt, chaque opérateur portera sur son casque de chantier un QR-Code notifiant ces informations, ce qui permettra de contrôler qu’il est bien autorisé à effectuer la tâche », complète celui qui intervient depuis vingt-quatre ans sur des chantiers.
Quand elles ne disposent pas de CSE ou de service QHSE maison, certaines sociétés font venir régulièrement un préventeur externe, proche de la réalité quotidienne qui suit les situations à risques ou potentiellement perturbées, observe les écarts, et enclenche la discussion sur la mise en place de mesures correctrices.
Un accompagnement complet
Les conseillers de l’OPPBTP et des Carsat accompagnent aussi les entreprises dans l'analyse des accidents. Ainsi, les conseillers de l’OPPBTP contactés par l’entreprise après un accident proposent leur aide pour l’analyser, en utilisant les outils classiques des QSE ou l’arbre des causes. D’ailleurs, une formation sur ce sujet figure dans le catalogue de l'Organisme. Par la suite, un accompagnement plus complet peut être programmé pour progresser en prévention, dans une démarche de plus long terme, mais l’entreprise a aussi la possibilité d’engager des actions de formation ciblées. « On a un rôle d'assureur pour que les entreprises cernent au mieux leurs risques. Dans le cadre d’une enquête d’accident, nous pouvons appuyer le chef d’entreprise pour analyser les causes de l’accident et participer à la synthèse des échanges avec les partenaires sociaux, qui connaissent bien les métiers de l’entreprise, ses pratiques, ses méthodes, et en tirer des enseignements. Ensuite, nos conseils peuvent parfois aller au-delà du Code du travail, en proposant des mesures de prévention », explique Christophe Desplat. L’objectif est bien qu’après l’analyse, des mesures de prévention adaptées soient mises en place. « Utiliser l'analyse des ratés, des accidents, des incidents mais aussi des réussites comme un outil d'apprentissage, c’est possible et c’est incontournable ! », souligne Myriam Promé-Visinoni, ergonome référente sur le sujet des accidents du travail au sein de l’Icsi (Institut pour une culture de sécurité industrielle). Fondé après l’explosion de l’usine AZF à Toulouse en 2001, cet institut spécialisé sur le risque industriel majeur compte des grandes entreprises du BTP parmi ses adhérents et a noué un partenariat avec l’OPPBTP en 2017. L’objectif : travailler une culture de sécurité en trois piliers intimement concertés. Le premier : contrôler régulièrement la fiabilité et la sécurité technique du matériel et des équipements de protection aux normes. Le deuxième : assurer un système de management de la sécurité avec l’analyse du risque en amont, la préparation du travail, le quart d’heure sécurité, la conduite de l’activité en tant que telle et le debrief de fin d’activité. Le troisième : prendre en compte les facteurs humains et organisationnels, notamment que les compétences soient acquises en pratique et pas seulement en théorie. La recherche des causes immédiates et profondes au sein de l’organisation doit permettre d'instaurer une boucle vertueuse s’appuyant sur des processus robustes pour parler ouvertement sécurité dans le travail immédiat : en allant, par exemple, chercher la parole de l’intérimaire qui n’oserait pas poser de question en temps normal, car il ne maîtrise pas bien la langue…
Utiliser l'analyse […] des accidents mais aussi des réussites comme un outil d'apprentissage, c’est incontournable !
Myriam Promé-Visinoni, Icsi