Pour la sécurité, chacun doit savoir dire stop
La sécurité est au cœur des préoccupations quotidiennes des 35 000 collaborateurs d’Equans France, et de son directeur général, Pierre Hardouin. Rencontre.
Date de mise à jour : 19 janv. 2024 - Auteur : Virginie Leblanc
- Afin de travailler en sécurité, les collaborateurs d’Equans partagent douze règles d’or.
- Parmi elles, l’exigence de savoir dire stop et la réalisation d’un pre-start meeting avant toute intervention.
Interview parue dans PréventionBTP n°279-Décembre 2023-Janvier 2024-p. 34
©Nicolas Gauthier
À la tête d’Equans France, Pierre Hardouin présente les enjeux en matière de santé-sécurité de l’entreprise spécialisée dans le secteur des énergies et des services. Pour lui, la sécurité d’un chantier passe avant tout par l’anticipation et la préparation.
Pierre Hardouin
Diplômé de l’École supérieure d’électricité et d’HEC Paris, Pierre Hardouin est aujourd’hui directeur général France d’Equans.
1992. Débute sa carrière au sein du groupe Otis.
2014. Nommé directeur général d'Otis France avant de devenir, deux ans plus tard, vice-président Services et Transformation Europe, Moyen-Orient & Afrique.
2018. Rejoint Engie comme directeur général d’Engie Axima.
2020. Nommé directeur général de la business unit Engie Solutions Industries.
2021. Rejoint Equans comme directeur général France.
Comment la sécurité est-elle appréhendée au sein d'Equans France ?
Notre objectif majeur est que tous nos collaborateurs rentrent chez eux chaque soir en bonne santé. L’appréhension et la maîtrise du risque font partie de notre métier. Nous visons le zéro accident grave et pour cela, la sécurité doit être la première de nos priorités. Au sein d’Equans, trois incontournables, partagés par tous, guident nos actions au quotidien : en cas de doute, avant toute prise de décision, ils passent avant tout le reste. Le premier d’entre eux est la santé-sécurité, viennent ensuite l’éthique et la cybersécurité. Si on ne respecte pas ces trois piliers, nous savons qu’il y a un risque d’accident, voire de décès, de réputation ou de survie de l’entreprise. La sécurité est l'un des enjeux les plus structurants de l’entreprise, c’est un sujet mobilisateur pour améliorer le fonctionnement global d’Equans. Nous en sommes convaincus, un chantier performant en sécurité est également performant économiquement.
Concrètement, comment se traduit votre stratégie santé-sécurité pour vos collaborateurs ?
Notre démarche santé-sécurité repose sur la vigilance individuelle et collective. Chacun doit porter une attention permanente à son environnement d’intervention et l’analyser pour détecter si quelque chose est anormal au niveau de la sécurité. Chacun doit être capable de dire stop, s’il ne se sent pas en sécurité. C’est l’une de nos douze règles d’or à respecter par tous. J’ai d’ailleurs encore récemment rappelé ce principe lors d’un live chat avec près de 10 000 collaborateurs connectés. Mais dire stop s’accompagne d’une solution : un temps d’arrêt pour un changement de méthode ou une nouvelle organisation. La vigilance collective implique de veiller les uns sur les autres, d’être vigilants à notre environnement et d’intervenir en cas de situation à risque. De plus, tous nos comités exécutifs, du siège jusqu’aux agences, démarrent par une chasse aux risques. Dans chacune de nos entités, la sécurité est l’affaire d’un tandem manager et préventeur. Les managers effectuent des visites managériales de sécurité et disposent d’objectifs quantitatifs fixés au regard du taux de fréquence et de gravité et d’autres indicateurs. Tous suivent une formation obligatoire au leadership en santé-sécurité. À titre personnel, je suis, plusieurs fois par mois, au contact de nos équipes, et je réalise moi-même des visites managériales de sécurité. Je passe du temps avec nos collaborateurs pour comprendre comment ils travaillent et identifier leurs besoins.
Pour vous, quelles sont les étapes pour exécuter un chantier en toute sécurité ?
Chaque intervention d’un chantier doit démarrer par un pre-start meeting, ce qui permet, avant de commencer, d’évaluer les risques que l’on va rencontrer et de déterminer la bonne méthode pour travailler en sécurité. La performance d’un chantier passe par sa préparation, la capacité à industrialiser certains process, l’optimisation de nos équipements et nos outils, les retours d’expérience et l’amélioration continue. D’ailleurs, après un accident, la recherche des causes profondes pour lesquelles le risque n’a pas été maîtrisé est systématique, elles serviront à éviter qu’il ne se reproduise. Il faut y passer du temps, avec humilité.
L’enjeu de la formation est essentiel en matière de santé-sécurité…
En effet, la formation est primordiale pour lutter contre les trois risques majeurs présents chez nous : le risque électrique, le risque de chute de hauteur et le risque routier. Nous avons mis en place une Safety Academy avec des formateurs et experts internes qui animent les sessions, y compris pour les formations obligatoires. Des plates-formes consacrées au risque électrique se déplacent en France afin que tous les salariés maîtrisent les gestes métier. En 2024, nous lancerons une grande campagne de « reformation » afin de maintenir dans le temps la maîtrise des gestes qui sauvent. S’agissant du risque de chute de hauteur, nous déployons aussi le module D’Clic Prévention de l’OPPBTP, dédié au choix et à l’utilisation des nacelles élévatrices en toute sécurité. Enfin, nos collaborateurs parcourent 500 millions de kilomètres par an et certains travaillent aussi sur les routes. Pour mieux maîtriser le risque routier, nous avons signé la charte des 7 engagements pour une route plus sûre avec la Sécurité routière, qui implique également des actions de formation et de sensibilisation sur l’ensemble de nos entités.
Chacun doit porter une attention permanente à son environnement d’intervention et l’analyser pour détecter si quelque chose est anormal au niveau de la sécurité.
Quelle est votre approche au regard des salariés intérimaires et de vos sous-traitants ?
Nous avons des accords avec les entreprises de travail temporaire qui nous permettent d’encadrer conjointement les missions (habilitations, accueils, formations…). Pour ce qui concerne nos sous-traitants, ils signent une charte qui les engage à respecter les mêmes exigences que tous les salariés d’Equans. Nous organisons des audits et des visites dédiées à la sécurité et nous travaillons sur l’organisation d’une semaine de la sous-traitance afin d’échanger avec eux sur nos règles.
Quelles sont les innovations technologiques qui transforment vos métiers et aident à mieux protéger vos équipes ?
Grâce à notre application digitale EquanSafe, nous portons la formation et les modes opératoires auprès de tous, y compris auprès de nos intérimaires et sous-traitants, quand ils en ont besoin. D’autres innovations comme le BIM et la 3D nous permettent de mieux anticiper la préparation, la réalisation de nos chantiers et les risques associés. C’est essentiel. N’oublions pas également toutes les évolutions que nous apportons en termes de matériels. Un exemple : pour l’installation des chemins de câbles ou de gaines, nous travaillons avec des industriels qui disposent d’outils capables d’éviter d'intervenir en hauteur et réduire les gestes répétitifs, sources de troubles musculo-squelettiques. Nous travaillons également avec des industriels pour concevoir des outils adaptés à nos métiers. C’est actuellement le cas pour une plate-forme individuelle roulante légère (PIRL). Et tous les ans, nos trophées internes sur la sécurité sont aussi sources d’innovations.
Grâce à notre application digitale EquanSafe, nous portons la formation et les modes opératoires auprès de tous.
À l’avenir, quels sont les défis à relever en matière de santé-sécurité ?
Je citerai trois défis. Le premier est celui d’évoluer dans un secteur en croissance, avec le recrutement de 5 000 à 6 000 personnes par an en France, notre rôle est de leur permettre d’atteindre un niveau d’excellence le plus rapidement possible, et ensuite de maintenir et de développer leurs compétences. Exemple : les gestes techniques liés à nos interventions électriques – vérification d’absence de tension, consignation – doivent être maintenus dans le temps, car ils sauvent des vies. Deuxième défi : avec l’arrivée de nouvelles solutions technologiques, nous devons former nos équipes en permanence. Troisième défi : l’évolution de nos chantiers vers de plus en plus de coactivité. Nous menons de grands projets industriels, comme ceux des gigafactories, où ces risques sont présents et peuvent être plus difficiles à maîtriser, car nos temps d’intervention sont raccourcis. La coactivité est plus forte. Nous ajustons alors notre organisation au regard de cet enjeu. Sur ce sujet, l’OPPBTP nous accompagne actuellement avec un programme de formations pour les directeurs de travaux et pour les directeurs de grands projets sur la gestion de la coactivité multilots. C’est un enjeu majeur pour nous mais aussi pour la profession.
Leader mondial du secteur des énergies et services, Equans conçoit des solutions accompagnant ses clients dans les transitions énergétique, industrielle et numérique. Rachetée par Bouygues en octobre 2022, Equans France est composée de trois entités : Ineo, Axima et Bouygues Energies & Services. Ses expertises s’exercent à travers 120 métiers et recouvrent diverses activités : génie électrique, climatique, réfrigération, sécurité incendie, facility management, technologies de l’information et télécommunications et solutions digitales.
Elle dispose d’un maillage territorial partout en France, avec plus de 400 agences. Ses 35 000 salariés en France disposent de compétences multitechniques aussi bien pour les projets de conception, construction et installation que pour les services d’exploitation et de maintenance. Implanté dans 20 pays, avec 90 000 collaborateurs, Equans travaille sur les cinq continents. Son chiffre d’affaires annuel s’élève à de plus de 17 milliards d’euros, dont plus de 6,7 milliards en France.
La sécurité est l'un des enjeux les plus structurants de l’entreprise, c’est un sujet mobilisateur pour améliorer le fonctionnement global d’Equans.
Votre mot préféré ? Ensemble.
Le mot que vous détestez ? Mais.
Le métier que vous auriez aimé exercer en dehors du vôtre ? Professeur, car j’aime la transmission.
Le métier que vous n'auriez pas aimé faire ? Difficile de juger un métier qu’on n’a jamais exercé…
Votre bâtiment préféré ? La Tour Eiffel, un rêve d’ingénieur, une innovation technique qui dérangeait à l’époque, et qui
est devenue le symbole de Paris.
Le son, le bruit que vous aimez ? La mer.
Le son, le bruit que vous détestez ? La fraise du dentiste.
Le livre que vous emporteriez sur une île déserte ? Sapiens – Une brève histoire de l’Humanité, de Yuval Noah Harari.
Une personnalité pour illustrer un nouveau billet de banque ? Aucune ! Pour moi, les billets de banque appartiennent au passé.