Évolution de l’obligation de sécurité de l’employeur
Si les juges abandonnent la formulation d '« obligation de sécurité de résultat » au profit d'une expression plus générale, celle d'« obligation de sécurité » de l'employeur, il n'en demeure pas moins qu'ils restent particulièrement sévères quant à la preuve que l'employeur a effectivement pris toutes les mesures nécessaires pour prévenir le dommage.
Date du texte : 16 oct. 2024
Arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation, 16 octobre 2024, 23-16.411
Un salarié du BTP a été placé en arrêt de travail pour maladie, puis licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Il a saisi le juge de demandes de dommages-intérêts au titre d’un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat.
La cour d’appel de Nîmes n’a pas accueilli sa demande. Elle a retenu que les attestations produites par le salarié ne prouvaient pas que l'employeur lui avait ordonné ou autorisé de conduire des engins nécessitant une certification CACES. De plus, elle a estimé que l'employeur n'avait aucune raison de prendre le risque de lui faire conduire des engins sans certification alors que d'autres salariés travaillant sur les mêmes chantiers étaient titulaires du CACES, de sorte qu'il n'y avait aucune obligation pour le salarié de conduire ces engins. Dès lors, elle a écarté tout manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, et reconnu que l'employeur avait pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé du salarié.
Le salarié a donc formé un recours. La Cour de cassation, quant à elle, a considéré que la cour d'appel n'avait pas correctement démontré que l'employeur avait pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité du salarié. Ainsi, elle a cassé l’arrêt de la cour d’appel.
La Cour de cassation considère que l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés. À ce titre, il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il ne méconnaît pas cette obligation légale s'il justifie avoir pris toutes les mesures de prévention.
La Cour a estimé que la cour d'appel, pour débouter le salarié de ses demandes de dommages-intérêts au titre de l'obligation de sécurité, n'avait pas établi que l'employeur avait pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé du salarié. Dès lors, elle a cassé la décision de la cour d’appel sur ce point.
Dans cet arrêt, la Cour de cassation abandonne la qualification « obligation de sécurité de résultat » en faveur d’une formulation plus générale : « obligation de sécurité ».
La qualification de l’obligation de sécurité de l’employeur a effectivement évolué avec la jurisprudence.
Pour mémoire, avant 2002, l’obligation de sécurité de l’employeur était considérée comme étant une obligation de moyens, c’est-à-dire que l’employeur devait mettre tout en œuvre pour que ses salariés travaillent en sécurité, mais il ne s’engageait pas à garantir la sécurité de ses salariés.
Ensuite, avec les « arrêts amiante » du 28 février 2002, les juges ont considéré que l'employeur était tenu envers son salarié d'une obligation de sécurité de résultat. Ainsi l’employeur était toujours tenu responsable, dès lors que le risque d'atteinte à la sécurité était avéré et quels que soient les moyens de prévention mis en œuvre.
Puis, avec « l’arrêt Air France » du 25 novembre 2015, la qualification de l’obligation de sécurité a été reconsidérée par les juges qui ont finalement retenu cette obligation comme étant une obligation de moyens renforcée, c’est-à-dire que l'employeur est toujours présumé responsable dès lors qu'un accident ou une maladie professionnelle touche l'un de ses salariés, mais dorénavant il peut s'exonérer de sa responsabilité s'il justifie avoir pris toutes les mesures de prévention nécessaires pour préserver la santé et la sécurité de ses salariés. Donc la condamnation de l'employeur n'est plus systématique.
Si la Cour a assoupli, sur le principe, la rigueur de l'obligation à la charge de l'employeur, il n'en demeure pas moins qu’elle se montre particulièrement exigeante, comme l’illustre cet arrêt, dans l'admission de la preuve que l'employeur a bien pris toutes les mesures nécessaires pour prévenir le dommage.