« Je milite pour la qualité et la sécurité »

Michel Schmitt, gérant des Peintures Schmitt (Haut-Rhin) a formalisé ses actions en santé et sécurité au travail avant même la création du document unique. Il s’est occupé de développement durable et de RSE avant que ces concepts ne se répandent. Exceptionnel pour une entreprise employant trois salariés. Fort de ces actions, il s’est engagé dans la voie de la certification ISO 26 000. Il entretient un cercle vertueux : qualité du travail, satisfaction des clients, fidélisation des salariés, performance économique et environnementale.

La prévention des risques professionnels et la RSE sont pour vous une priorité de longue date. Pourquoi cet engagement ?
Dans le milieu des toutes petites entreprises, je suis un cas à part, je milite pour la qualité et la sécurité depuis toujours. Je reprends la devise de mon père, Hubert, fondateur de l’entreprise en 1947 : « Toujours respecter le client et faire du bon travail ». Je suis gérant de l’entreprise avec mon frère, Christian, et je suis un artisan proche de mes équipes. Je ne peux pas leur demander de faire quelque chose que moi-même je ne voudrais pas faire. Nous faisons tout pour éviter les accidents et nous n’en déplorons aucun. Ce sont nos salariés qui réalisent le travail pour nos clients et sont à leur contact. Il est naturel que ma préoccupation soit qu’ils travaillent dans les meilleures conditions. Cela s’accompagne aussi d’une augmentation régulière des salaires et de l’accès à l’épargne salariale. L’an dernier, ils ont été augmentés de 6 % et cette année de 4 %. Nos salariés nous sont fidèles depuis leur entrée en apprentissage ! Pour moi, la prévention est à considérer dans sa globalité : économique, sociale et environnementale. En plus d’être bons pour les salariés, les investissements en santé et sécurité contribuent à la qualité, donc à la satisfaction des clients et donc au développement économique, c’est un cercle vertueux.

Vos investissements en prévention n’affectent pas votre performance économique, au contraire, constatez-vous.
En effet, notre chiffre d’affaires est en progression constante et nos investissements en santé et sécurité au travail permettent d’améliorer notre rentabilité et contribuent à une meilleure performance économique. Nous nous démarquons par notre souci du service et de la qualité. Un exemple, en Alsace, nous avons de nombreuses maisons à colombage coloré. Nous avons fait le choix d’utiliser les peintures minérales Keim, qui résistent au moins vingt ans aux UV, alors que d’autres peintures vont résister au plus trois à cinq ans. C’est plus cher mais le client va faire l’économie d’un ravalement sur la durée. Nous tirons le métier vers le haut, c’est comme cela que les clients viennent à nous, c’est notre meilleure publicité !

Vous avez choisi de vous engager dans la certification ISO 26000 il y a plusieurs années. Pour quelles raisons ?
En 2003, nous avons été l'une des premières entreprises à être certifiée OCMS (Organisme certificateur des métiers et des services), ce qui implique le respect de vingt-cinq principes de ce référentiel, depuis le premier contact avec le client jusqu’à l’évaluation post-travaux. En 2005, nous avons adhéré à la structure Idées Alsace (entreprises engagées dans le développement durable) et avons alors fait notre bilan carbone. Pour nous, il était intéressant de compléter nos engagements pour allier sécurité, santé, qualité et environnement. Lorsque nous avons pris connaissance de l’existence de la norme ISO 26000 en 2010 – à l’époque Afaq 26000 – nous sommes rendu compte que, grâce à cette certification, nous pouvions faire valider par un évaluateur externe les valeurs d’éthique et de morale et le respect de pratiques commerciales loyales, qui sont dans notre ADN. Cela a transformé notre clientèle et nous a orientés exclusivement vers une clientèle privée, qui vient vers nous par le bouche-à-oreille. Nous ne répondons plus aux appels d’offres publics. Notre entreprise a obtenu l’évaluation Afaq 1000NR niveau maturité, puis en 2012, nous avons obtenu le meilleur niveau, exemplarité, renouvelé en 2015. Cette certification nous a permis de prouver et d’afficher nos points forts sur les sujets de santé-sécurité, d’environnement, de qualité et de satisfaction clients.

Comment se traduisent vos engagements en santé et sécurité dans la vie quotidienne de votre entreprise ?
Pour le risque chimique, l'un de nos risques majeurs, nous travaillons sur la substitution des produits pour utiliser ceux qui sont les moins dangereux. Nous faisons appel au service de prévention et de santé au travail dont les ingénieurs chimistes analysent toutes les FDS (fiches de données de sécurité) que nos fournisseurs de peinture nous transmettent. Cette aide est précieuse : les peintures éco-labellisées contiennent des agents « cancérigènes possibles » comme le dioxyde de titane et/ou des nanomatériaux. Il faut le savoir et, dans le cadre de nos engagements RSE, nous devons informer nos clients de la toxicité des produits que nous appliquons sur leurs murs. De plus, dans notre atelier, une hotte aspirante est installée pour éviter d’inhaler les produits chimiques. Autre risque majeur : les chutes de hauteur. Nous disposons d’une nacelle hydraulique et nous sommes propriétaires de nos échafaudages MDS, ce qui nous rend maîtres de leur entretien et de leur installation. Nous sommes formés au montage et démontage d’échafaudage en sécurité, à l’habilitation électrique pour les non-électriciens, au risque routier via des modules d’écoconduite, et nous sommes sauveteurs secouristes du travail. Bien sûr, nous avons tous à disposition les EPI adaptés à nos tâches. Nous disposons aussi d’une roulotte de chantier avec des sanitaires. Sur ce sujet, je trouve qu’il y a beaucoup à faire, notamment pour les femmes ! Nous entretenons les vêtements de travail que nous louons pour nos salariés. Chacun est habillé de la même façon avec le logo de l’entreprise. Le lavage et le repassage sont faits par le prestataire, et quand les habits sont trop sales et dégradés, on les remplace. Cela coûte environ 200 euros par mois, soit 55 euros par mois et par personne. C’est bien pour l’image de l’entreprise et pour se sentir intégré dans l’équipe, et cela contribue au bien-être des salariés.

Vous menez beaucoup d’actions concrètes en lien avec ce pilier environnemental de la RSE…
En effet, nous substituons dans la mesure du possible les peintures organiques par des peintures minérales et naturelles sur nos chantiers intérieurs et extérieurs. Nous sommes soucieux de la réduction et de la valorisation de nos déchets par des professionnels. Les eaux usées sont traitées et les résidus de peinture sont séparés pour être traités avec les déchets dangereux. Nous récupérons et utilisons l’eau de pluie pour nettoyer nos camionnettes et nos rouleaux de pinceaux grâce à une installation spécifique.

Votre niveau d’exigence est rare pour une entreprise de votre taille. Comment réagissent vos confrères ?
En coactivité avec d’autres métiers sur les chantiers, on est pris pour des extraterrestres. Par notre exigence sur la sécurité, on protège nos clients mais aussi nos salariés. On refuse de monter sur un échafaudage installé par un loueur s’il manque des protections. Ce n’est pas toujours facile, car nous intervenons après d’autres métiers qui n’ont pas la même exigence.

Comment partagez-vous votre conviction avec les autres artisans ?
J’ai présidé la corporation des peintres de Centre Alsace de 1998 à 2016. Depuis, je suis président de l’Union des groupements artisanaux (UGA), proche de la Capeb, qui fédère l’artisanat du bâtiment, des services, de la fabrication et de l’alimentation en Alsace. J’organise également avec l’OPPBTP des réunions pour informer la profession sur les sujets de prévention et les partenaires présents localement. En 2005, j’ai rejoint le conseil d’administration du conseil régional de l’OPPBTP Nord-Est. J’ai souvent l’occasion de dire ce que je pense. Le taux d’AT de la profession est très élevé et pour notre taille d’entreprise, le taux de cotisation AT-MP en 2024 est de 6,51 %, il est collectif. Ceux qui ne font pas de prévention ne sont pas pénalisés. Depuis 2015, ça nous coûte environ 8 000 euros par an. Je préférerais donner à l’OPPBTP pour faire de la prévention !

Quelles sont les actions futures que vous aimeriez engager ?
Mon objectif est de pérenniser notre activité. Il faut aussi continuer à se former et à faire la promotion de nos métiers et de la prévention auprès des jeunes en CFA. Je compte bien aussi conserver un haut niveau de satisfaction de nos clients, qui sont 94,93 % à nous avoir fait des retours sur nos fiches d’évaluation en 2023, ce que les auditeurs trouvent unique ! Notre note moyenne est de 19,72, donc il y a toujours une marge de progrès pour atteindre 20/20 !