Comment éviter l’inhalation de produits chimiques dangereux ?
Fumées, poussières, vapeurs et gaz irritants, gaz asphyxiants ou neurotoxiques sont susceptibles d’être inhalés sur les chantiers. Les plus visibles (poussières, fumées…) ne sont pas forcément les plus dangereux. Comment faire pour alerter sur les dangers et protéger vos compagnons ?
Date de mise à jour : 31 mai 2023 - Auteur : Cendrine Barruyer
● L’inhalation de substances dangereuses est un risque sous-estimé par les compagnons.
● Certains polluants sont sournois, il faut savoir les repérer.
Article paru dans PréventionBTP n° 273-Mai 2023-p. 28
Les polluants aériens (poussières, gaz, fumées…) sont omniprésents sur les chantiers. Certains sont seulement irritants. D’autres plus sournois.
Quand un chantier s’effectue dans une zone polluée (métaux lourds, hydrocarbures…) les premiers intervenants, telles les entreprises de terrassement, doivent prendre les dispositions adéquates pour éviter à leurs équipes l’inhalation de substances toxiques. « Mais l’information n’est pas forcément transmise à toutes les entreprises qui vont se succéder », note le Dr Benoît Atgé, médecin du travail et toxicologue à l’AHI33. Dans ces projets – qui se déroulent souvent sur un temps long – le coordonnateur SPS joue un rôle essentiel, il est la mémoire du chantier. En alertant du risque, il permet à chacun de protéger ses équipes.
Adopter les moyens les moins émissifs
Poussières de bois, de plâtre, de métaux, de ciment, fibres minérales… irritent les voies respiratoires. À plus long terme, leur inhalation peut entraîner des troubles ou des pathologies graves susceptibles de conduire à l’inaptitude (asthmes allergiques, fibrose pulmonaire, cancers…). Le travail à l’humide, l’entretien du matériel, le choix des matériaux, une organisation du chantier, comme les découpes en amont plutôt que sur le chantier, le recours à des outils électroportatifs équipés d'aspiration et ayant une vitesse de rotation modérée, réduisent de manière considérable le niveau d’empoussièrement. En complément de ces mesures, le port d'EPI adaptés peut être requis en fonction des résultats de l'évaluation des risques. Il en est de même quand un compagnon est exposé à des fumées (soudage, oxycoupage…) : le choix de la technique (fil plein, type de gaz utilisé…) et la captation des effluents réduisent massivement les risques. Pour le bitume, l’application à basse température diminue les expositions aux fumées.
Travail en milieu confiné : vigilance
Des gaz irritants comme l’hydrogène sulfuré sont responsables d’intoxications gravissimes. Celles-ci surviennent notamment lors d’interventions dans les ouvrages d’assainissement. Autre gaz nocif : le monoxyde de carbone (CO). Produit par des moteurs thermiques (engins de chantier, outillage portatif, groupe électrogène…), il est inodore, donc difficile à détecter. En s’accumulant dans le sang, il entraîne une asphyxie qui, si elle n’est pas identifiée à temps, conduit au coma puis au décès. Gare aux pièges : « Sur certains chantiers il arrive qu’on isole des zones, par exemple pour éviter le relargage de plomb dans l’atmosphère. Mais si dans cette zone les engins de chantier continuent à circuler, une pollution majeure au CO s’installe ! », note le Dr Atgé. De nombreux autres gaz peuvent s’accumuler dans ces espaces confinés et entraîner un appauvrissement de l’air en oxygène. Une bonne ventilation, un plan de prévention, une formation ad hoc, pour que chacun connaisse les mesures à prendre en cas d’incident ou d’accident, sont essentielles.
Sauvez les sauveteurs
« Dans la chaîne des secours, il faut toujours donner l’alerte et se protéger soi-même avant d’intervenir », prévient le Dr Hervé Laborde, médecin du travail, spécialiste des maladies professionnelles et environnementales au centre antipoison de Paris. En particulier lors d’intoxications avec des gaz asphyxiants comme le CO, l’hydrogène sulfuré ou certains composés organiques volatils. « C’est une situation que l’on a parfois observée à Paris lors de décapages de façades avec des solvants très volatils. » Un premier travailleur, exerçant au fond d’une courette, s’effondre, victime d’une intoxication. Un collègue arrive pour le secourir, et s’évanouit à son tour. Pour éviter ce suraccident, il est impératif de disposer des EPI adaptés avant de venir en aide à un collègue.
Quatre moyens de se protéger des polluants respiratoires
Penser la prévention de manière globale
Confiner un espace pour éviter la dispersion d’un polluant dans l’environnement est une bonne solution. Mais attention : on concentre alors également d’autres polluants, y compris certains polluants nocifs comme le monoxyde de carbone (CO). La vision des risques doit toujours être globale.
Adapter la protection individuelle à la tâche
Quand tous les moyens de prévention collective ont été mis en place, le niveau de pollution peut rester encore trop élevé et nécessiter le recours à une protection. Le choix de l’EPI dépendra du toxique inhalé et de sa concentration dans l’air. Par exemple, en cas d’oxycoupage en zone confinée, l’adduction sera à privilégier, car les autres masques ne seraient pas suffisants.
Veiller à une bonne maintenance du matériel
Un matériel adapté émettra moins de polluants qu’un outil choisi au hasard. L’entretien est essentiel qu’il s’agisse de l’outillage, des systèmes de ventilations et de filtrations, des EPI… Si le filtre du masque ou de la ventilation est colmaté, saturé ou gorgé de poussières, il ne joue plus son rôle ! Les appareils de protection respiratoire nécessitent obligatoirement une formation au port, une maintenance et une vérification générale périodique annuelle.
En cas d'intoxication aiguë, appeler le 15
Le premier réflexe à avoir est de s’extraire de la zone contaminée. « En cas de toux ou de gêne respiratoire, une évaluation médicale s’impose », indique le Dr Laborde. Toute intoxication grave nécessite d'appeler le 15. On peut aussi contacter son centre antipoison le plus proche.