Délégation des missions du médecin du travail, statut de l’infirmier… un nouveau décret d'application de la loi santé au travail
Pour mémoire, la loi n°2021-1018 du 2 août 2021 prévoit l’adaptation de l’organisation interne des services de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI), et permet, sous certaines conditions, au médecin du travail de pouvoir déléguer une partie de ses missions à des membres de l’équipe pluridisciplinaire, qui les exerceront sous sa responsabilité. La loi consacre également la possibilité d’organiser certaines visites médicales à distance en visioconsultation (« télésanté au travail »).
Les modalités d’application de ces mesures devaient être précisées par décret. C’est désormais chose faite avec la publication du décret n°2022-679 du 26 avril 2022. Ce décret apporte également quelques précisions quant à la mise en place du rendez-vous de liaison, et opère quelques modifications concernant le suivi médical professionnel des femmes enceintes, allaitantes ou venant d’accoucher.
Date du texte : 26 avr. 2022
Pris en application de la loi pour renforcer la prévention en santé au travail, le décret n° 2022-679 du 26 avril 2022 apporte des précisions attendues par les professionnels au sujet de la médecine du travail.
Délégation des missions du médecin du travail aux membres de l’équipe pluridisciplinaire du SPSTI
Pour rappel, les missions des SPSTI sont assurées par une équipe pluridisciplinaire de santé au travail qui comprend des médecins du travail, des collaborateurs médecins, des internes en médecine du travail, des intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP), des infirmiers de santé au travail et éventuellement des assistants en santé au travail.
Si en principe le médecin du travail exerce personnellement l’ensemble de ses fonctions, l’article L4622-8 du Code du travail modifié par la loi santé au travail du 2 août 2021 prévoit la possibilité de confier, dans le cadre de protocoles écrits, certaines de ses missions aux collaborateurs médecins, aux internes en médecine du travail et aux infirmiers en santé au travail. Le décret du 26 avril 2022 détermine la nature et les modalités de délégation de certaines de ces missions.
La réglementation autorisait déjà le collaborateur médecin et l’interne en médecine du travail à réaliser les VIP, sous l’autorité du médecin du travail dans le cadre d'un protocole écrit. Le décret prévoit plus généralement que le médecin peut, dans le cadre de protocoles écrits, confier aux collaborateurs médecins et internes en médecine du travail toutes les visites et examens relevant du suivi individuel des travailleurs. Pour rappel, les examens complémentaires prescrits ou réalisés par le professionnel de santé (ex : radiographies, scanner etc.) ont notamment pour objectif de déterminer la compatibilité entre le poste de travail et l’état de santé du salarié, de dépister une maladie professionnelle susceptible de résulter de l’activité professionnelle du salarié.
Quant à l’infirmier en santé au travail, il pouvait déjà se voir déléguer la réalisation de la VIP d'embauche et périodique par le médecin du travail. Il peut désormais se voir confier plus généralement, dans le cadre de protocoles écrits, la réalisation de l'ensemble des visites et examens médicaux, à l'exclusion de l'examen médical d'aptitude et de son renouvellement, et de la visite médicale post-exposition.
Dans le cadre des visites dont il a la charge, l’infirmier en santé au travail n’émet pas d’avis, ni de propositions, conclusions écrites ou indications reposant sur des éléments de nature médicale. Ces prérogatives appartiennent au médecin du travail (ou éventuellement au médecin collaborateur si le protocole écrit le prévoit).
De plus, si l’infirmier estime nécessaire pour tout motif, ou lorsque le protocole écrit le prévoit, il se doit d’orienter sans délai le salarié vers le médecin du travail qui réalise alors la visite.
Le médecin du travail peut également confier des missions aux personnels concourant au SPSTI ou aux membres de l'équipe pluridisciplinaire lorsqu'elle a été mise en place, à l’exclusion des visites et examens médicaux réalisés par les collaborateurs médecins, internes ou infirmiers.
Les missions déléguées aux infirmiers de santé au travail ou aux autres membres des SPSTI doivent être :
- Réalisées sous la responsabilité du médecin du travail ;
- Adaptées à la formation et aux compétences des professionnels auxquels elles sont confiées ;
- Exercées dans la limite des compétences respectives des professionnels de santé ;
- Mises en œuvre dans le respect du projet de service pluriannuel lorsque les missions sont confiées aux membres de l'équipe pluridisciplinaire.
Statut de l'infirmier
La loi pour renforcer la prévention en santé au travail du 2 août 2021 a reconnu un statut propre à l'infirmier en santé au travail et a consacré les grandes lignes de sa formation. Pour être recruté dans un service de prévention et de santé au travail, l’infirmier doit être diplômé d'État ou disposer de l'autorisation d'exercer sans limitation. Il doit également disposer d’une formation spécifique en santé au travail définie par décret ou y être inscrit par son employeur au cours des 12 mois suivant son recrutement ou avant le terme de son CDD.
Un nouveau décret à paraître devra redéfinir la formation spécifique de l'infirmier en santé au travail et notamment les domaines d’intervention en pratique avancée de l’infirmier en santé au travail.
La mesure qui prévoyait que l’infirmier en santé au travail des SPSTI devait être recruté après avis du médecin du travail est supprimée.
L’entretien infirmier, qui pouvait être mis en place à l’initiative du médecin du travail dans le cadre du protocole écrit établi par le médecin du travail, peut désormais être mis en place par l’infirmier en accord avec le médecin, et sous sa responsabilité. Pour rappel, le protocole, rédigé par le médecin du travail, a pour objet de déterminer les activités des personnels de santé placés sous son autorité (déroulement, contenu des VIP, aide à la décision ou à l’orientation du travailleur vers le médecin du travail en fonction de l’activité exercée, des risques professionnels encourus ou de son état de santé).
Le rendez-vous de liaison
Le rendez-vous de liaison est un dispositif créé par la loi du 2 août 2021 pour les salariés bénéficiant d’un arrêt de travail d’une durée supérieure à 30 jours. Ce rendez-vous, qui n’est pas un rendez-vous médical, a pour objectif de maintenir un lien entre le salarié pendant son arrêt de travail et l’employeur et d’informer le salarié qu’il peut bénéficier d’actions de prévention de la désinsertion professionnelle, d’une visite de préreprise, et de mesures d’aménagement du poste et/ou du temps de travail.
Il peut être proposé aux salariés dont l’arrêt de travail a débuté depuis le 31 mars 2022. Lorsque la durée de l'arrêt du salarié est supérieure à 30 jours, un rendez-vous de liaison peut être organisé pendant l’arrêt de travail entre le salarié et l'employeur, en associant le SPSTI. Les personnels des services de prévention et de santé au travail chargés de la prévention des risques professionnels ou du suivi individuel de l'état de santé » participent « en tant que de besoin » au rendez-vous de liaison.
Mise en place de la télésanté au travail
La loi du 2 août 2021 a consacré la possibilité pour les professionnels de santé de recourir à la télésanté au travail (consultation à distance, en visioconférence, entre le salarié et le professionnel de santé) pour les travailleurs affectés à des postes sans risque spécifique pour leur santé (travailleurs bénéficiant des VIP). Le décret du 26 avril 2022 apporte des précisions quant à sa mise en place.
Les visites médicales et examens relevant du suivi individuel de l’état de santé de ces travailleurs pourront être réalisés à distance sur initiative du travailleur ou du professionnel de santé en charge du suivi de son état de santé (médecin du travail ou éventuellement le collaborateur médecin, l’interne en médecine du travail ou l’infirmier).
Il convient tout d’abord de noter qu’il revient au professionnel de santé en charge du suivi de l’état de santé du travailleur d’apprécier la pertinence de réaliser la visite médicale/l’examen à distance ou non.
L’accord du travailleur est nécessaire pour recourir à la télésanté au travail. Il a la possibilité de refuser la consultation à distance.
Si le travailleur accepte la consultation à distance :
- Le consentement préalable du travailleur doit être recueilli par tout moyen et consigné au sein de son dossier médical en santé au travail.
- Le professionnel de santé doit s'assurer que la visite, ou l'examen, soit réalisée dans des conditions sonores et visuelles satisfaisantes et de nature à garantir la confidentialité des échanges. Si le travailleur se trouve sur son lieu de travail lors de la visite ou de l’examen en visioconférence, l’employeur doit lui mettre à disposition un local adapté permettant le respect des conditions susmentionnées.
- Le professionnel de santé peut lui proposer que son médecin traitant ou un professionnel de santé choisi par le travailleur participe à la consultation ou à l’examen dès lors qu’il considère que l’état de santé du travailleur ou les risques professionnels auxquels il est exposé le justifient. Dans ce cas de figure, le consentement du travailleur à ce que participe le médecin traitant (ou l’autre professionnel de santé éventuellement choisi) et les conditions dans lesquelles cette participation est prise en charge par l'assurance maladie doit être recueilli. Les tarifs, modes de rémunération du professionnel choisi et les modalités de prise en charge par l’assurance maladie de ces consultations sont fixés par le Code de la sécurité sociale.
Si le professionnel de santé constate, au cours de la visite ou de l’examen réalisé à distance, qu'une consultation physique avec le travailleur ou qu'un équipement spécifique non disponible auprès du travailleur est nécessaire, il doit programmer une nouvelle visite, physique, dans les meilleurs délais.
Si la demande de consultation à distance émane du professionnel de santé et que le travailleur ne souhaite pas y recourir, le professionnel de santé doit programmer une consultation physique dans les meilleurs délais.
Il appartient au SPST de s’assurer que les professionnels de santé qui ont recours à la télésanté au travail disposent de la formation et des compétences techniques requises.
Dans les SPSTI, le recours aux visites ou examens à distance est réalisé dans le respect du projet de service pluriannuel.
Suivi médical des femmes enceintes, allaitantes ou venant d’accoucher
Jusqu’à présent, les femmes enceintes, venant d’accoucher ou allaitantes étaient automatiquement orientées vers le médecin du travail à l’issue de leur visite d’information et de prévention (VIP) lorsque cette visite n’était pas assurée par le médecin du travail.
Désormais, cette orientation vers le médecin du travail à l’issue des VIP n’est plus automatique, mais ces dernières gardent néanmoins la possibilité de solliciter une telle visite à tout moment et si elles le souhaitent.