La mécanisation : LA solution pour limiter les TMS dans le BTP ?
Toutes les mécanisations de tâches contribuent-elles à réduire le risque de TMS ? Ce n'est pas aussi simple, répond Pascal Girardot, responsable du domaine Prévention de l'usure professionnelle à l'OPPBTP. Notre expert souligne le fait que si l’automatisation peut être une solution, elle a aussi des limites.
Date de mise à jour : 29 févr. 2024 - Auteur : Jeremy Debreu
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« Une démarche de prévention des TMS est forcément une démarche globale. » Pascal Girardot, insiste sur la notion de multifactorialité de la prévention des risques. Le responsable des questions liées à l'usure professionnelle au sein de l'OPPBTP nuance le tableau idyllique de la mécanisation qui résout tous les problèmes.
Est-il aisé d'établir la preuve du lien de la maladie professionnelle avec l'activité professionnelle ?
La part attribuable au travail dans les TMS est compliquée à déterminer, même si les études montrent qu'elle est largement dominante. L'impact des manutentions manuelles est considérable, tant sur les maladies professionnelles que sur les accidents de travail. Mais les TMS ont toujours une origine multifactorielle : biomécanique, psychosociale, organisationnelle… Ce point devient très important lorsqu'on parle de mécanisation.
Pour quelles raisons ?
L'expérience montre que même si l'assistance physique mécanisée est parfaitement adaptée à une tâche, les opérateurs ne s'approprient pas forcément l'équipement, et ce pour d'autres raisons que l'aspect physique. D'autre part, la mécanisation réduit parfois la qualité du travail. Or de nombreuses études indiquent que l'opérateur privilégiera le plus souvent la qualité au rendement, à l'efficacité ou même à sa propre sécurité. Donc la mécanisation doit être au service de la noblesse du travail de nos compagnons.
Comment bien intégrer la mécanisation dans les pratiques professionnelles ?
Au-delà de la qualité de la solution, la manière de l'intégrer au sein des outils de travail est un enjeu considérable. L'INRS vient d'ailleurs de publier une démarche avec des repères méthodologiques. Parmi les facteurs clés de succès, on retrouve d'abord une étude préalable des besoins réalisée avec les opérateurs dans une démarche participative, puis l'intégration indispensable de l'encadrement de proximité et enfin une démarche d'expérimentation progressive pour délimiter les limites et le potentiel d'usage. L'objectif est d'augmenter au maximum l'adoption de l'assistance mécanique en levant les potentielles résistances, notamment psychosociales.
Comment lever les limites de la mécanisation ?
Un équipementier et un chef d'entreprise veulent généralement la même chose : un produit convenable sur le plus de situations possibles plutôt qu'un produit parfaitement adapté à des conditions particulières. Or, si l'opérateur perçoit le matériel comme inadapté, il ne l'utilisera pas. Il est pertinent de l'interroger sur le périmètre et les conditions d'utilisation, afin de préciser pour quelle utilisation l'outil sera très efficace. Peut-être qu'il faut différents matériels pour différentes situations. Si l'on parvient à réduire le risque TMS de 20 % « seulement », c'est déjà énorme.
La mécanisation doit être au service de la noblesse du travail de nos compagnons, car il n'y aura pas de compromis de leur part sur la qualité du travail.
Ergonome de formation, Pascal Girardot est responsable du domaine « prévention, usure professionnelle et conditions de travail » au sein de la direction technique de l'OPPBTP. L'usure professionnelle englobe l'ensemble des dimensions du travail, qu'elle soit physique, cognitive, psychologique ou sociale.