Les moyens pour prévenir l’effondrement
Les mesures préventives pour assurer la stabilité des ouvrages relèvent de l’organisation du travail et de la bonne utilisation du matériel.
Date de mise à jour : 13 sept. 2024 - Auteur : Jeremy Debreu
©Leon Grosse
L’effondrement d’ouvrage en phase provisoire n’est pas une fatalité ! Les solutions existent pour prévenir le risque. Ces mesures préventives sont importantes, d’abord pour assurer la sécurité des équipiers sur le chantier, mais aussi pour améliorer la performance globale – en évitant des dégâts coûteux et incontrôlés. « Les points d’arrêt du chantier durant les phases provisoires ne sont pas suffisamment formalisés, regrette Manuel Martin, de la direction technique de l’OPPBTP. Pourtant, prendre le temps de s’arrêter de temps en temps pour entériner les étapes à venir permet d’éviter d’y revenir plus tard et constitue un gain de sécurité et de performance. »
Points d’arrêt et partage d’information
Instaurer des étapes de vérification régulières – points d'arrêts et points de contrôle – est particulièrement important lors des phases provisoires, comme l’illustre Manuel Martin : « Lorsqu’un escalier préfabriqué arrive sur le chantier, il est posé au sol. Il est conçu pour une utilisation dans sa position finale, mais qui valide qu’il résiste à un ferraillage inversé lors du déchargement du camion ? » Actuellement, le bureau de contrôle valide systématiquement la fabrication et la phase définitive, mais pas les étapes transitoires (stockage, levage, pose, phase provisoire). « Dans le cadre de la révision de la recommandation R362, nous demandons l’ajout de l’étude de la phase provisoire », avec des bureaux d'études techniques (BET) pour ces points spécifiques. Ceci met en lumière le rôle de l’analyse spécifique des risques durant la phase provisoire du chantier, fonction incarnée en génie civil par le chargé des ouvrages provisoires (COP), notamment par rapport à l'exécution des ouvrages en béton précontraint. Laurent Riochet, directeur QSE de Léon Grosse (2 500 collaborateurs), détaille les pratiques de l’entreprise : « Nous considérons que c’est le conducteur de travaux qui doit s’acquitter de cette mission. Il faut absolument qu’il y ait des vérifications. Le contrôle sur site reste le rôle de la conduite chantier, même si ce n’est pas obligatoire dans le bâtiment. Nous avons un suivi systématique avec un mode opératoire. Par exemple, un plan d’étaiement donné par le fournisseur ou par l’équipe Méthodes en interne. »
Rôle des notices d’utilisation
Comment s’assurer que les notices des matériels assurant la stabilité et/ou la pose soient bien transmises à l’utilisateur final ? Côté fournisseur-concepteur, on établit une notice précisant les conditions d’utilisation, les consignes et les limites dimensionnelles. Côté entreprise utilisatrice, il s’agit de vérifier que les documents sont accessibles pour toutes les équipes qui vont utiliser le matériel et « s’assurer qu’on n’y déroge pas, précise Manuel Martin. Quand on met un peu moins d’étaiement, on prend un raccourci qui présente un risque. » Certains fournisseurs constatent que leur matériel s’use prématurément à cause d’un usage au-delà des limites d'utilisation recommandées et réfléchissent à augmenter la capacité de leurs tours d’étaiement ou systèmes de coffrage. Par ailleurs, la diversité des matériels doit être bien appréhendée par les équipes utilisatrices, prévient Laurent Saint-Jean, directeur général de Retotub, fabricant français de systèmes d’étaiement et de protections collectives. Et de préciser : « Notre bureau d’études accompagne nos clients, en achat ou en location, pour sécuriser les chantiers, notamment sur le plan de la stabilisation du matériel provisoire. Par exemple, nous fournissons les abaques de reprise de charge avec nos solutions d’étaiement. » Mais également d’autres moyens de stabilisation, comme un trépied pour étai voire un cadre-étais multibloc, système permettant le maintien vertical et l'écartement des étais lors de la pose du coffrage. Enfin, un contrôle dimensionnel dans la mise en œuvre des ouvrages provisoires permet de réduire considérablement l’exposition au risque d’effondrement, notamment sur les ouvrages préfabriqués. Laurent Riochet illustre avec le cas d’une poutre préfabriquée : « Tant que la poutre n’est pas clavetée, celle-ci doit absolument être stabilisée provisoirement : avec des tours, des poutrelles ou des étais. Les tolérances de pose sont particulièrement sensibles dans le cas d’appuis sur des éléments assemblés au préalable. Un centimètre de décalage peut faire une grosse différence. Dans ce cas, un temps d’arrêt avec un processus de contrôle dimensionnel dans la mise en œuvre permet d’assurer la réussite de l’opération. »
Demain le BIM ?
Pour les maisons individuelles ou les petites rénovations, les causes et les solutions demeurent exactement les mêmes. Et pour l’ensemble du secteur de la construction, le BIM tend à se développer et peut permettre la sécurisation des phases et contribuer à l’étude de la stabilité des ouvrages en phase provisoire : dimensionnement du bâtiment, formalisation des plans et matériaux… Et pour demain ? « On attend la jonction d’outils de calculs pour simuler le comportement du bâtiment lorsqu’on enlève une poutre, ou mettre en évidence les points d’arrêt », rêve tout haut Manuel Martin.
Il faut absolument qu'il y ait des vérifications. Le contrôle sur site reste le rôle de la conduite de chantier.
Laurent Riochet, directeur QSE Léon Grosse
Manuel Martin, de l’OPPBTP, balaie une hypothèse : « Il ne s’agit pas d'un défaut de formation ! » On peut en revanche interroger la chaîne de responsabilité partagée : « Il y a bien sûr le chef de chantier, mais également tous ceux qui vont répondre au client avec des modes constructifs et des modes opératoires. Ce sont leurs choix qui vont mettre ou pas le bâtiment en péril, même si en dernier ressort la jurisprudence précise que c’est la responsabilité du chef d’entreprise qui est en jeu. » Pour prendre les bonnes décisions, travailler l’organisation est indispensable, mais intégrer l’humain et l’ensemble des équipes dans la réflexion de prévention est important, ainsi que le confirme Laurent Riochet : « Nous profitons des quarts d’heure sécurité et préjob briefing pour rappeler les consignes spécifiques quant à la stabilité des ouvrages provisoires. Les professionnels connaissent le métier mais c’est toujours bien de rappeler les règles communes et les spécificités de l’ouvrage sur lequel on travaille. »