282 Dossier - Stabilité provisoire des ouvrages : bien évaluer les risques

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    En résumé
    • Les accidents de stabilité provisoire des ouvrages se multiplient.
    • Une révision des pratiques et une meilleure prise en compte des recommandations de sécurité sont nécessaires.

      Dossier paru dans PréventionBTP n°282-Mars 2024-p. 6

    De récents effondrements d'ouvrages dans des phases provisoires ont attiré l'attention en raison de leurs conséquences dangereuses pour les travailleurs. En juin 2022, sans signe précurseur, un bâtiment s’est partiellement effondré à Vincennes alors qu’il était en phase de restructuration, prolongeant une série noire d’accidents en quelques mois à Brest, Alès ou Lille. Le sujet de la stabilité provisoire constitue un risque méconnu qu’il faut appréhender selon Julien Beideler, secrétaire général de l’Union des métiers du gros œuvre (UMGO) à la FFB : « Pendant la construction d’un ouvrage, la phase provisoire est plus exigeante par rapport à la résistance des éléments que lorsque le bâtiment est terminé. » Mais alors, comment expliquer la hausse récente d’accidentologie?

    Sensibiliser, planifier, communiquer

    Ce sujet est pris très au sérieux à la direction technique de l’OPPBTP, où Manuel Martin et son équipe, en charge de l’expertise des métiers du gros œuvre structure porteuse, ont pu analyser les causes de ces accidents répétés : « Nous constatons souvent que les entreprises ne font pas suffisamment d'autocontrôle lorsqu'il s'agit de la stabilité provisoire des ouvrages. C'est un aspect critique qui doit être pris en compte, notamment avec des études spécifiques pour ces phases du chantier. » Les verrous de sécurité et les étapes obligatoires pour assurer la sécurité du chantier se révèlent parfois insuffisants. Sur les phases de construction, les délais de réalisation, de plus en plus courts, peuvent compromettre la sécurité des ouvrages en phase provisoire : clients et maîtres d’ouvrage imposent des livraisons rapides, avec parfois moins de temps alloué pour prendre des décisions et réaliser les phases d’étude. Pour répondre à ces contraintes de délais, le recours à la préfabrication hors site constitue une excellente solution, à condition que l’intégration de ces nouveaux partenaires dans la chaîne de construction soit parfaitement fluide : « Il est essentiel de mieux organiser le travail entre les différents acteurs impliqués pour assurer la stabilité provisoire des ouvrages, avec une planification adéquate des différentes phases du chantier. » Parmi ces acteurs, les bureaux d'études et méthodes doivent bien estimer les risques. Une autre tendance actuelle du marché du bâtiment est la restructuration lourde. Les contraintes environnementales et réglementaires – notamment le zéro artificialisation – conduisent à privilégier un changement de destination pour un bâtiment, voire une déconstruction complète avec un phasage précis afin de collecter et valoriser un maximum d’éléments du bâtiment. Or, ce transfert progressif d'entreprises du secteur de la construction neuve vers la déconstruction peut entraîner un déficit de qualification de la chaîne de production. Il est essentiel de sensibiliser et de former les acteurs du bâtiment et de leur fournir les outils nécessaires pour prévenir les risques. Plus largement, l’évolution des méthodes de travail sur le chantier, avec l’apparition de nouveaux intermédiaires, nécessite plus de dialogue, selon Julien Beideler : « La manière dont on va assembler des choses sur le site a un impact sur la prévention. Il n’y a pas de solution miracle, sinon un échange clair, net, précis et détaillé entre l’entreprise qui fait le chantier et ses fournisseurs. » Et de nouvelles fonctions ? Dans le génie civil, on observe une culture plus ancienne et une validation des opérations par des chargés d'opération, contrairement au secteur du bâtiment.

    S'adapter à l'usage d'éléments préfabriqués

    Les pratiques évoluent, le cadre de recommandation s’adapte. La Caisse nationale de l'Assurance maladie (Cnam) en propose de nombreuses, dont la R362 qui se concentre sur les ouvrages préfabriqués en béton. Elle vise à garantir un niveau minimal de sécurité dans les étapes de stockage, levage, pose et stabilité provisoire de ces ouvrages. La R362 est actuellement en phase de mise à jour, afin de s’adapter à l'usage croissant des éléments préfabriqués et mieux intégrer leurs différentes phases de vie, y compris la stabilité provisoire. L’OPPBTP participe à cette réflexion : « Nous travaillons actuellement sur cette recommandation visant à améliorer la gestion de la stabilité provisoire, confirme Manuel Martin. Cela implique notamment de définir clairement les responsabilités et d'établir des procédures de contrôle rigoureuses. » La Cnam souligne l'importance de surveiller les ouvrages provisoires, comme les murs non fixés, les pignons de toiture ou la pose d’éléments préfabriqués lourds et de grandes dimensions pour éviter les effondrements. Si la recommandation R362 ne couvre pas encore la phase de déconstruction, cela pourrait être intégré à l'avenir, étant donné la croissance de ce marché. Si les dernières technologies doivent être utilisées pour sécuriser l'utilisation des éléments préfabriqués dans le but d'améliorer la stabilité provisoire des ouvrages, le principal axe de travail demeure organisationnel. « Laissez-nous le temps de bien préparer les choses, afin que le maître d’ouvrage puisse faire le phasage des travaux en incluant les phases transitoires », insiste Julien Beideler. 

    Il est essentiel de mieux organiser le travail entre les différents acteurs impliqués pour assurer la stabilité provisoire des ouvrages.

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